Un procès entre la marque de luxe Hermès et l’artiste numérique Mason Rothschild doit débuter ce lundi 30 janvier. La maison Hermès accuse le Californien d’avoir enfreint le droit de la propriété intellectuelle en vendant une collection de NFT intitulée « MetaBirkins » fortement inspirée des célèbres sacs de la marque française. Cette affaire devrait éclaircir les droits des entreprises sur des actifs virtuels non autorisés.

Des NFT ressemblant au Birkin d’Hermès

Le Birkin d’Hermès est considéré, depuis des années, comme le sac de luxe par excellence, avec des prix de vente dépassant les 10 000 euros. Afin de surfer sur la popularité de cette pièce, Mason Rothschild créait, en mai 2021, le « Baby Birkin », un jeton non fongible représentant le célèbre sac transparent avec un fœtus à l’intérieur. Vendu pour 23 500 dollars, l’artiste américain n’a pas attendu longtemps pour renouveler l’expérience. Toujours en NFT, il a sorti une centaine de sacs en fourrure toujours calqués sur le Birkin. La collection « MetaBirkins » voyait le jour.

Si chaque sac à main a été proposé à l’achat pour quelques milliers de dollars, Hermès estime que le préjudice de ce vol de propriété intellectuelle s’élève à plus d’un million de dollars. L’entreprise basée à Paris indique qu’au moment de sa plainte, fin janvier 2022, lors du grand boom des NFT, le total des ventes s’élevait à 1,1 million de dollars. Le prix le plus bas des jetons étant à 15 200 dollars et la vente la plus élevée à 45 100 dollars. Aujourd’hui encore, Mason Rothschild récupère un faible pourcentage à chaque transaction.

Au croisement entre le droit des marques et la protection pour la liberté d’expression

Dans sa plainte, Hermès qualifiait son opposant de « spéculateur numérique qui cherche à s’enrichir rapidement ». Elle a demandé à Mason Rothschild de cesser l’utilisation de sa marque Birkin, qu’il détruise tous les NFT et se débarrasse de ses bénéfices. Face à ces exigences, l’artiste a déclaré que ses œuvres étaient protégées par le premier amendement de la Constitution des États-Unis. Ce dernier stipule que « le Congrès ne fera aucune loi qui touche l’établissement ou n’interdise le libre exercice d’une religion ni qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse ».

Auprès des médias, il présentait son travail comme un moyen d’explorer la question de la consommation ostentatoire et précise que ses sacs ne sont pas des Birkin mais des « représentations imaginaires ». Relayé par le Wall Street Journal, Mason Rothschild expliquait que « MetaBirkins était une expérience artistique visant à déterminer où se situe la valeur du sac à main Birkin : dans l’objet physique fabriqué à la main ou dans l’image qu’il projette ? ».

Il allait même jusqu’à comparer ses œuvres à celles d’Andy Warhol et sa sérigraphie Campbell’s Soup Cans représentant 32 boîtes de soupe de la marque Campbell. À l’époque, la société agroalimentaire s’était également montrée sceptique face au travail du maître du pop art avant de l’accepter.

L’ouverture du procès entre Hermès et Mason Rothschild est grandement attendue par les experts en droit américain. Amy Adler, professeur de droit à l’université de New York souligne au WSJ que l’affaire pourrait être le dernier tournant du débat sur l’applicabilité des marques dans le monde de l’art et « changer la donne en matière de droit de la propriété intellectuelle ».