Depuis quelques années désormais Amazon Web Services (AWS), la filiale spécialisée dans le cloud du géant de l’e-commerce, génère plus de la moitié des bénéfices du groupe. Toutefois, son activité reste une nébuleuse, Amazon se refusant à détailler les marges qu’elle génère sur chaque activité. Le média d’information CNBC s’est alors essayé à y voir un peu plus clair sur ce juteux business qui générerait une marge brute globale supérieure à 60%. Bien qu’Amazon n’ait pas souhaité commenter les estimations que nous allons citer dans cet article, la plupart des analystes convergent vers le même sens : Amazon Web Services est un monstre de profits et une activité ultra-rentable pour le groupe plus connu du grand public pour son site internet de vente en ligne.

Amazon Web Services, la vache à lait du groupe

Avec un chiffre d’affaires qui devrait atteindre 54 milliards de dollars de chiffre d’affaires cette année, Amazon Web Services, la filiale d’Amazon qui fournit des services de cloud computing à la demande est de très loin l’offre la plus rentable du groupe.

Créé il y a une quinzaine d’années pour répondre au départ aux besoins internes d’Amazon, AWS s’est ensuite développée à tel point que chaque année désormais depuis 2014, plus de la moitié du bénéfice d’exploitation d’Amazon provient de la division cloud du détaillant en ligne. C’est bien simple, sur les 21 milliards de dollars de bénéfices enregistrés par Amazon en 2020, 13 milliards provenaient de sa division cloud, soit 61 % du bénéfice d’exploitation global. Cela devrait continuer cette année puisqu’au deuxième trimestre, AWS a déjà enregistré un bénéfice d’exploitation de 4,16 milliards de dollars, en hausse d’environ 25 % par rapport à l’année précédente. « En seulement 15 ans, AWS est devenu une entreprise au chiffre d’affaires annuel de 54 milliards de dollars, qui rivalise avec les plus grandes entreprises technologiques du monde, et sa croissance s’accélère, avec une hausse de 32 % par an » déclarait à son sujet son fondateur et ex PDG Jeff Bezos lors de l’annonce des résultats du groupe au premier trimestre.

AWS est également le plus grand fournisseur de cloud dans le monde avec 31% de parts de marché, suivi par Microsoft Azure (22%) et Google Cloud (8%), le reste du marché se partageant les miettes. Il n’est ainsi pas étonnant d’avoir vu Jeff Bezos choisir Andy Jassy directeur d’AWS depuis 15 ans comme son successeur au moment de quitter ses fonctions plus tôt cette année. Mais la filiale si rentable du groupe conserve toutefois sa part de mystères puisque l’entreprise ne fournit aucune information sur l’origine des revenus d’AWS, ni sur les services les plus rentables de la division…

Photo CEO de Amazon web services, andy jassy

Andy Jassy, le nouveau PDG d’Amaon

EC2, le service le plus rentable d’Amazon Web Services

EC2 est le premier service lancé par Amazon et se distingue comme le principal moteur de la marge brute et du bénéfice d’exploitation de la filiale. Ce service permet essentiellement aux clients de louer des serveurs dans le cloud sur lesquels ils peuvent exécuter leurs propres applications web. L’avantage d’un tel service est que les entreprises n’ont plus besoin d’investir dans du matériel et peuvent gérer l’utilisation de la puissance de calcul en fonction de leurs besoins.

D’après plusieurs analystes, dont Bahvan Suri chez William Blair ou Corey Quinn chez Duckbill Group, environ 50 % des revenus d’AWS proviendraient du service informatique EC2. Ce segment est si rentable qu’AWS qui s’appuie sur des puces AMD, Intel et Nvidia pour faire tourner ses serveurs a également conçu ses propres puces ARM à faible consommation d’énergie afin d’en réduire ses coûts, et augmenter sa marge. Mais le groupe propose bien d’autres activités encore toutes aussi lucratives.

Stockage des données, l’autre grand service de la division

Un autre des premiers services d’AWS a été le service de stockage simple, ou S3, qui a fait ses débuts en 2006. Les clients l’utilisent pour stocker des photos, des vidéos ou d’autres types de fichiers à tel point que le service a atteint une échelle massive avec ses 100 trillions d’objets stockés. Toujours d’après Bahvan Suri, sa marge brute serait de l’ordre de 50% et pourrait même atteindre 70% selon certaines estimations. Et Amazon a bien pris soin de verrouiller sa poule aux œufs d’or. Bien que le transfert de données vers Amazon S3 soit gratuit, le transfert de données hors de S3 peut coûter jusqu’à trois fois plus cher que le coût mensuel de stockage de ces données dans S3. Ces frais peuvent rendre les factures AWS imprévisibles créant ainsi une forte incitation à rester avec AWS au lieu de déplacer les données chez un concurrent.

De nombreux clients d’AWS s’appuient également sur l’Elastic Block Store, un service de stockage rattaché aux instances EC2 dont la marge est également comprise entre 60 et 70%. Si l’on associe les services de stockage ainsi que la puissance de calcul et les frais de transfert de données, Amazon génère plus de 70% de ses revenus sur ces seules activités.

Avec 30% du chiffre d’affaires les autres services ne sont pas en reste

Au-delà du stockage et de la location de serveurs, AWS regroupe actuellement plus d’une centaine de services, et ne cesse de se développer. On peut citer les bases de données, les outils pour les développeurs, l’intelligence artificielle, les services applicatifs, les outils de gestion et la liste est encore longue. Ainsi, bien que ces autres services bien ne représentent « que » 30% de l’activité de la division, elles permettent elles aussi à l’entreprise de générer des marges très importantes.

Prenons par exemple le cas du transfert de données sur des serveurs autres que ceux d’Amazon qui génère une importante source d’imprévisibilité pour les entreprises qui ne réfléchissent pas au coût de sortie au moment de choisir Amazon comme partenaire. Or les coûts de bande passante sont ridicules pour Amazon qui s’offre une commission bien supérieure à 80% sur ce seul service et peut générer plusieurs millions de dollars avec une seule entreprise. En 2019, Matthew Prince, PDG de Cloudflare, avait d’ailleurs déclaré lors de la conférence technologique mondiale Wall Street Journal Tech Live en Californie « La majoration de la bande passante chez AWS ne ressemble à rien de ce qui existe ailleurs chez Amazon », estimant ainsi que la marge brute du service serait d’au moins 99 %.

AWS propose également une place de marché d’applications se basant sur ses services. À l’instar d’un App Store elle prélève une commission sur la vente d’applications. Ainsi des analystes d’UBS ont estimé qu’AWS Marketplace avait réalisé un revenu compris entre 1 à 2 milliards de dollars, (3 % du revenu total d’AWS pour 2020) pour une marge supérieure à 30%. Un chiffre certes anecdotique mais qui montre bien la capacité d’Amazon à “enfermer” ses clients dans son univers en les rendant ultra-dépendantes de ses services.

De nos jours, cependant, Amazon met de plus en plus l’accent sur des capacités plus complexes et de plus haut niveau, qui offrent des marges plus élevées et peuvent rendre plus difficile pour les clients de passer à d’autres fournisseurs. Les analystes du cabinet de recherche Bernstein ont estimé en juin qu’en 2015, 14 % des revenus d’AWS provenaient de produits de ces produits à marge plus élevée, comme ses logiciels de bases de données relationnelles par exemple qui génèrent entre 60% et 70% de marge. Au premier semestre 2020, les analystes estimaient que le pourcentage pour ce type de produit était ainsi passé à 18%.

Amazon Web Services est un formidable outil fortement prisé des grands groupes. Toutefois ses services sont faits de manière à rendre les entreprises de plus en plus dépendantes à son univers. Migrer ses données sur ses serveurs n’est donc pas un acte anodin mais la capacité d’Amazon à innover chaque année et son avance considérable sur ses concurrents font de la filiale un acteur de poids qu’il sera très difficile de détrôner dans les prochaines années.