Cet épisode est disponible sur les plateformes de streaming.

L’Union européenne, le Brésil, les États-Unis, le Mexique, l’Indonésie, mais aussi l’Inde, le Pakistan ou encore le Bangladesh : de nombreuses élections auront lieu en 2024 dans le monde. Huit des dix états les plus peuplés du monde ont un scrutin programmé cette année. Par conséquent, la désinformation devrait considérablement augmenter, notamment à travers des deepfakes. Une technique de plus en plus efficace et régulièrement décrite comme un danger pour la démocratie. Siècle Digital en a parlé avec Ivan Kwiatkowski, chercheur en cybersécurité chez Harfanglab, et Gérald Holubowicz, journaliste spécialiste de l’intelligence artificielle.

Pour les deepfakes, « la boîte de pandore a été ouverte avec l’intelligence artificielle »

Un deepfake permet de reproduire des comportements humains, d’imiter la voix et le visage d’une personnalité politique par exemple. Pour Gérald Holubowicz, un deepfake, « C’est aussi une forme d’objet culturel. Nous avons vu fleurir depuis 2017 des deepfakes à la fois de divertissement et de l’autre côté des deepfakes pornographiques, développées de façon plus importante ». Cette technique est en effet utilisée dans le cinéma, sur les réseaux sociaux et les plateformes telles que YouTube. Toutefois, l’un des usages les plus importants reste la pornographie, une pratique visant aussi bien les personnalités comme les actrices que des femmes anonymes. « Quand on entend deepfake, souvent, c’est le fait d’avoir un média, vocal, image ou vidéo, synthétisé grâce à l’intelligence artificielle et qui met en scène une personnalité dans une situation où elle n’a pas été. En général, c’est utilisé soit à des fins de divertissement, soit de désinformation », explique de son côté Ivan Kwiatkowski.

Avec le temps, ces médias sont de plus en plus réalistes. Un deepfake est en partie alimenté par l’intelligence artificielle, une technologie qui connaît un boom sans précédent depuis novembre 2022, entraînant un développement rapide de ces « faux ». « Dans 5 ans ce sera vraiment à la portée de n’importe qui. La boîte de pandore a été ouverte avec l’intelligence artificielle », alerte le chercheur en cybersécurité. « Même plus rapidement que 5 ans », ajoute le journaliste. Dans un tel contexte, le nombre de deepfake, particulièrement lors d’une année électorale record comme 2024, devrait exploser, avec une efficacité toujours plus grande. À la question est-ce un danger pour la démocratie ? Ivan Kwiatkowski répond que « le terme est un peu racoleur, mais danger quand même ». Pour Gérald Holubowicz en revanche, le danger semble d’ores et déjà là. « Il y a eu le deepfake de Zelensky, qui a bien failli faire déraper la contre-offensive ukrainienne », rappelle-t-il, avant d’évoquer l’exemple plus récent d’un « candidat slovaque pour les présidentielles, Michal Šimečka, qui a été victime d’un deepfake audio diffusée dans les 48h moratoires de communications précédant le scrutin. Finalement, il a perdu, alors que la course était très serrée ».

Concernant les élections de cette année, des deepfakes ayant pour objectif d’impacter le résultat des scrutins ont déjà été diffusées. Aux États-Unis, un deepfake audio du Président Joe Biden a été envoyé à des électeurs démocrates pour les pousser à ne pas voter. « Nous n’étions déjà pas très doués pour résister aux attaques informationnelles. Le fait de rajouter des deepfakes, ça va juste empirer de manière phénoménale le phénomène », prévient Ivan Kwiatkowski.