Les derniers jours ont été marqués par des émeutes dans de nombreuses villes de France suite à la mort du jeune Nahel. Des événements violents qui ont été retransmis en direct ou en différé sur l’ensemble des réseaux sociaux. Face à cette vague de contenus, Emmanuel Macron a évoqué, le 4 juillet, l’idée de « couper » ces plateformes en cas d’urgence. Des propos qui ont suscité des remous jusqu’à son propre camp, poussant l’exécutif à faire machine arrière, le 5 juillet, en assurant qu’un tel dispositif n’est pas à l’ordre du jour.

Les réseaux sociaux au cœur des émeutes

Dès le 30 juin, le Président français pointait du doigt la responsabilité des plateformes sociales, comme TikTok et Snapchat, qui « jouent un rôle considérable dans les mouvements des derniers jours ». Il dénonçait « un mimétisme de la violence, ce qui chez les plus jeunes conduit à une forme de sortie du réel ». Le 4 juillet, devant les 220 maires des communes impactées par les dégradations, il continuait dans sa lancée, « nous avons besoin d’avoir une réflexion sur les réseaux sociaux, sur les interdictions qu’on doit mettre. Et quand les choses s’emballent, il faut peut-être mettre en situation de les réguler ou de les couper ».

Après deux nuits très tendues, vendredi dernier, le gouvernement a réagi pour endiguer la diffusion de contenus sur les applications. Il a convoqué les représentants de TikTok, Snapchat, Twitter et Meta. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications, explique à Challenges leur avoir « mis une pression maximale pour qu’ils respectent leurs obligations légales concernant le retrait de contenus illicites et la réponse aux réquisitions ». Il précise également avoir « demandé à ces plateformes la plus grande vigilance sur leurs fonctionnalités qui peuvent être dévoyées pour porter atteinte à l’ordre public », les outils de localisation par exemple, sont accusées par les autorités d’engendrer des rassemblements pouvant entraîner des troubles à l’ordre public.

Selon le ministre, les géants des réseaux sociaux ont joué le jeu pour « retirer rapidement les contenus signalés ». Contacté par Siècle Digital, TikTok n’a pas souhaité commenter les déclarations d’Emmanuel Macron. La plateforme a indiqué collaborer étroitement avec les autorités et de manière proactive pour supprimer les vidéos enfreignant leurs conditions d’utilisation avant même leur publication.

Le spectre de la censure

L’éventualité d’un blocage des réseaux sociaux a soulevé une indignation générale. Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, s’inquiétait que « le pays des droits de l’Homme et des citoyens ne puisse s’aligner sur les grandes démocraties chinoise, russe et iranienne ». D’autres mettent en avant une erreur. C’est le cas d’Eric Bothorel, député Renaissance, pour qui « ce serait renoncer à l’idée que la démocratie soit plus forte que les outils qu’on détourne contre elle ».

Freedom House, une organisation non gouvernementale à l’origine d’un rapport sur la refonte autoritaire de l’Internet, recensait dans son édition 2022, 22 pays ayant recours au blocage des réseaux sociaux, la plupart d’entre eux étant des États autoritaires. Parmi eux la Chine, l’Inde ou encore la Russie.

Infographie reprenant les pays où les réseaux sociaux sont bloqués

Infographie : Freedom House.

L’exécutif enclenche la marche arrière

Ce mercredi matin l’exécutif est revenu sur les propos d’Emmanuel Macron face au tollé provoqué. Eric Bothorel révélait à Libération que « d’après mes échanges ce matin avec la présidence, je ne crois pas que le Président veuille couper les réseaux sociaux ». Il met en avant le fait qu’il ne s’agissait « pas du tout d’une option et que la seule option qui vaille, c’est le retrait rapide de contenus problématiques ».

Dès la veille, Jean-Noël Barrot était en première ligne au Sénat, pour une explication de texte. Dans le palais Bourbon, il a souligné « qu’il ne fallait surtout pas, à chaud, prendre des mesures trop dures qu’on peut regretter par la suite, mais il nous faut engager cette réflexion ». Par la suite, il appelait à une coopération, dans le cadre du projet de loi numérique, pour parvenir à un terrain d’entente. Un groupe de travail transpartisan pour réfléchir à la régulation des réseaux sociaux en cas de crise doit voir le jour « dès mercredi prochain ».