Le gouvernement américain vient de publier les conditions que devront remplir les entreprises évoluant dans le secteur des semi-conducteurs pour bénéficier des subventions octroyées dans le cadre du Chips Act. Les premières demandes seront validées dès la fin du mois.
Remettre les États-Unis sur le devant de la scène
Adoptée au mois d’août 2022, cette législation de vaste ampleur a été pensée dans un contexte de pénurie mondiale de semi-conducteurs. Cet événement a mis au jour l’immense importance de cette technologie essentielle aux appareils électroniques, mais également aux véhicules. 75 % de leur production est issue de pays est-asiatiques, particulièrement de la Corée du Sud et de Taïwan, mais également de la Chine, contre seulement 10 % pour les États-Unis, un chiffre qui ne cesse de baisser depuis les années 90.
Le Chips Act a pour vocation de booster la production de semi-conducteurs aux États-Unis afin de moins dépendre de la Chine, alors que les deux premières puissances mondiales se vouent une guerre commerciale sans merci depuis plusieurs années. À hauteur de 52,7 milliards de dollars, le plan, logiquement fustigé par l’Empire du Milieu, prévoit d’allouer 39 milliards de dollars de subventions sur cinq ans aux entreprises de semi-conducteurs souhaitant produire depuis les États-Unis.
« Lorsque nous aurons terminé la mise en œuvre du Chips Act, nous serons la première destination au monde où de nouvelles architectures de puces de pointe pourront être inventées dans nos laboratoires de recherche, conçues pour chaque application finale, fabriquées à grande échelle et emballées avec les technologies les plus avancées. Tout au long de notre travail, nous nous engageons à protéger l'argent des contribuables, à renforcer la main-d'œuvre américaine et à donner aux entreprises américaines une plateforme pour faire ce qu'elles font de mieux : innover, se développer et être compétitives », affirme Gina Raimondo, secrétaire d’État au Commerce.
Les entreprises encouragées à investir des fonds privés en amont
Il était prévu que Washington détaille les conditions à respecter pour obtenir les subventions dès la fin février, alors que les entreprises commençaient à s’impatienter. Dans un communiqué, le département du Commerce explique que les premières demandes seront acceptées dès le 31 mars.
Les premiers financements seront destinés aux demandes pour « des projets de construction, d'expansion ou de modernisation d'installations commerciales pour la production de semi-conducteurs de pointe », explique le gouvernement. Les subventions prendront la forme d'un financement direct, de prêts fédéraux et/ou de garanties fédérales de prêts de tiers, précise-t-il. Elles doivent compléter, et non remplacer, les investissements privés et les autres sources de financement, tandis que les candidats sont « fortement encouragés à apporter des capitaux à la table » en plus du financement.
L’un des plus grands défis du Chips Act est de partager l’argent de manière suffisamment large pour instaurer un écosystème sain entre les différents acteurs, et capable de perdurer dans le temps. Pour le moment, les subventions peuvent aller jusqu’à 3 milliards de dollars, voire plus, par projet.
Les cinq conditions à respecter
La Maison Blanche impose cinq conditions à respecter pour bénéficier d’un éventuel financement de sa part. Premièrement, les candidats doivent créer des écosystèmes de fournisseurs, de clients et d'organismes de formation de la main-d'œuvre qui permettront de capitaliser sur les subventions ; l’objectif de la législation est de booster les investissements privés afin de créer « des projets viables et à grande échelle qui font progresser l'économie et la sécurité nationale des États-Unis ».
Le gouvernement exige également que les bénéficiaires « protègent l’argent du contribuable », la somme octroyée à chacun d’entre eux provenant de fonds publics. Dans cette optique, le département du Commerce va effectuer « un contrôle préalable approfondi pour s'assurer qu'il fournit le montant minimum nécessaire pour inciter à l'investissement », et rappelle que les subventions seront versées au fil du temps et seront liées au respect des engagements pris par l’entreprise. Les sociétés bénéficiant de plus de 150 millions de dollars devront, en outre, partager avec le gouvernement une partie des flux de trésorerie ou des rendements qui dépassent ses projections au-delà d'un seuil établi.
Ensuite, les entreprises vont devoir s’entourer d’une main-d’œuvre qualifiée et diversifiée : « Les entreprises qui sollicitent un financement devront soumettre des plans de développement de la main-d'œuvre pour les travailleurs qui exploiteront leurs installations et ceux qui les construiront », précise le gouvernement. Le but est de renforcer l’écosystème des semi-conducteurs aux États-Unis avec un personnel qualifié et expert. En amont, les sociétés bénéficiant de plus de 150 millions de dollars auront l’obligation de « soumettre des plans visant à fournir aux travailleurs de leurs installations et de leur construction un accès à des services de garde d'enfants abordables, accessibles, fiables et de qualité ».
Quatrième point, qui devrait rassurer l’Union européenne, les entreprises vont devoir s'engager auprès des partenaires et alliés des États-Unis afin de « soutenir un écosystème mondial des semi-conducteurs sain qui stimule l'innovation et résiste à toute une série de perturbations, des menaces de cybersécurité aux catastrophes naturelles et aux pandémies ». Washington souhaite mettre en place des chaînes d'approvisionnement transfrontalières, ainsi que promouvoir l'échange de connaissances et la collaboration sur les technologies futures.
Enfin, le département du Commerce promeut une législation inclusive, et exige qu’elle engendre des opportunités économiques pour tout le monde. Il prendra soin d’examiner si les candidats s'engagent à investir dans l'industrie américaine, à soutenir les programmes de recherche et de développement et à créer des opportunités pour les sociétés appartenant à des minorités, à des vétérans de guerre, à des femmes et à des petites entreprises.
Les objectifs pour la fin de la décennie
À la fin du printemps, une autre opportunité de financement sera proposée, cette fois visant à alimenter « les installations de matériaux et d'équipements pour semi-conducteurs ». La feuille de route du gouvernement américain pour la décennie est claire. Dès 2030, les États-Unis devront abriter au moins deux centres de production de semi-conducteurs de pointe, disposer de multiples installations de conditionnement avancé à grand volume, produire des puces mémoire de pointe à grand volume, et augmenter la capacité de production des puces de la génération actuelle, en particulier pour les industries nationales critiques.
Pour rappel, le Chips Act ne devrait pas bénéficier qu’aux entreprises américaines, les sociétés issues de pays alliés pourront également faire des demandes auprès de Washington pour produire des puces depuis les États-Unis. En parallèle, le pays va tout mettre en œuvre afin d’empêcher la Chine de bénéficier indirectement du programme. De son côté, l’Union européenne a établi un plan à hauteur de 43 milliards d’euros visant à doubler sa part de marché dans le secteur des semi-conducteurs, qui se situe actuellement à 10 %.