L’heure est au bilan pour la loi Hadopi qui existe depuis maintenant 11 ans. Créée en 2009, la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet a aujourd’hui un rapport coût-bénéfice qui laisse plutôt à désirer. Par ailleurs, les méthodes utilisées pour faire respecter la loi sont désormais, pour la plupart, obsolètes.

L’évolution de l’Hadopi depuis sa création

La loi Hadopi, de son nom complet Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, est une autorité publique indépendante visant à protéger la propriété intellectuelle. Son origine remonte à la fin des années 1990, lorsque l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a soulevé les enjeux de l’utilisation des œuvres culturelles en ligne. Ce n’est qu’en juin 2009 que les mesures de l’Hadopi sont entrées en vigueur, avant d’être complétées par la loi du 28 octobre 2009, dite « Hadopi 2 ». L’Hadopi ne vise pas seulement les sanctions à l’égard du piratage en ligne. Elle tente avant tout de sensibiliser les utilisateurs et d’encourager le développement de l’offre légale, aussi bien dans les domaines de la musique et de l’audiovisuel que dans le jeu vidéo ou le livre numérique. 

Bien sûr, des mesures restrictives ont dû être mises en place. La procédure de la « riposte graduée » en est l’exemple même. Celle-ci se déroule en trois temps : 

  • L’internaute reçoit d’abord un premier e-mail d’avertissement, souvent sur l’adresse connue par le fournisseur d’accès à Internet. 
  • En cas de récidive dans les 6 mois, un second e-mail d’avertissement est envoyé par e-mail, accompagné d’un courrier recommandé avec accusé de réception. 
  • Après une deuxième récidive dans les 12 mois après l’envoi du courrier recommandé, le dossier sera examiné par la commission de protection des droits. Celle-ci déterminera si l’affaire doit être transmise au tribunal pour une éventuelle sanction (amende de cinquième classe de 1500 €). Depuis le décret du 8 juillet 2013, l’accès à Internet ne peut plus être coupé. 

En 2020, la loi Hadopi peine à s’adapter aux nouvelles habitudes des internautes. Le téléchargement « en pair à pair » (P2P), contre lequel elle luttait à l’origine, n’est plus aussi répandu qu’en 2009. Il est certes toujours d’actualité, mais le volume d’avertissements envoyés ne cesse de diminuer depuis 2015. En effet, le succès de l’offre légale permet désormais aux utilisateurs de profiter d’un large catalogue de musique, de cinéma ou de séries, le tout à un prix très correct. Des plateformes comme Deezer, Spotify, Netflix, OCS ou YouTube ont conclu des accords avec les ayants droit, leur permettant ainsi de diffuser des œuvres en toute légalité. L’utilisation de Netflix, qui occupe près de 20% du trafic Internet, aurait même remplacé la télévision dans de nombreux foyers français. D’ailleurs, le rapport d’activité de 2019 de l’Hadopi prouve qu’environ 50% des personnes de plus de 15 ans se tournent maintenant vers l’offre légale. 

Toutes ces démarches de sensibilisation et de répression ont bien évidemment un coût pour la Haute Autorité, mais celui-ci est loin d’être amorti. Le déficit est même particulièrement important.

1€ d’amende pour 942€ dépensés dans le fonctionnement

Comme le rapporte Next INpact, « Depuis 2011, le montant total cumulé des amendes prononcées et portées à la connaissance de la Commission est de 87 000 euros, dont un tiers pour la seule année 2019 ». Cela est donc très inférieur aux frais de fonctionnement d’Hadopi. En effet, depuis sa création, 82 millions d’euros ont été dépensés par l’État, dont 9 millions en 2019. Cela signifie donc que pour 1€ d’amende, 942€ sont dépensés pour assurer le bon fonctionnement du programme. En somme, cela coûte extrêmement cher à l’État en plus de ne pas être une solution fiable, ni très rentable.

Depuis la création de la loi Hadopi, 13 millions d’avertissements ont été envoyés aux internautes, et dans 70% des cas, il n’y aurait pas eu de réitération des faits après le blâme reçu. Cela est gage d’efficacité aux yeux du président de la Hadopi, il précise notamment que « 50% des personnes sensibilisées à la réponse graduée déclarent par la suite s’être tournée vers une offre loi légale ».

La Hadopi n’est plus vraiment efficace aujourd’hui

La loi Hadopi avait pour objectif de lutter contre les piratages, en identifiant les internautes qui ont téléchargé illégalement des contenus sur des réseaux de pair à pair. Aujourd’hui, cette technique de téléchargement ne représente plus qu’une partie du piratage en ligne, la technologie a depuis beaucoup évolué, et de nombreuses autres méthodes ont ainsi vu le jour. La Hadopi telle que nous la connaissons depuis 11 ans n’est ainsi pas en mesure de lutter contre les téléchargements directs ou encore le streaming illégal.

À l’avenir, une nouvelle version de la Hadopi promettrait de bloquer l’accès aux sites web pour une personne ayant au préalable partagé du contenu protégé grâce au droit d’auteur. Reste cependant que cette nouvelle idée n’est pas gratuite et qu’encore une fois, l’enveloppe accordée par l’État sera sollicitée, et pourquoi pas gonflée à nouveau.