Le secrétaire d’État au Numérique souhaite établir un débat citoyen, en coordination avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), autour de la reconnaissance faciale. Il est nécessaire selon lui de poser un cadre lors de l’utilisation d’un tel procédé.

Une supervision de la reconnaissance faciale est nécessaire

Pour rappel, les propos tenus par Cédric O,font écho avec la mise en place d’Alicem, programme de reconnaissance faciale. Application réservée aux smartphones, son développement réclamé par le ministère de l’Intérieur, permettra la vérification d’identité en récoltant tout un ensemble de données personnelles pour accéder aux services publics. Programme très controversé, car ceux qui l’utiliseront ne pourront choisir d’autre moyen que la reconnaissance faciale pour valider leur identité auprès de ces services. Cette absence d’alternative sur l’application a suscité des inquiétudes auprès des citoyens, et notamment du CNIL qui reconnait que le libre consentement n’est pas respecté dans ce cas précis. Or celui-ci doit l’être si l’on s’appuie sur le Règlement général sur la protection des données de l’Union européenne (RGPD).

Alicem, la reconnaissance faciale en France

Alicem, la reconnaissance faciale en France. Crédit : Alicem

Le débat proposé par le secrétaire d’État permet de clarifier la nécessité de mettre en place un cadre d’utilisation de la reconnaissance faciale. Tant que d’autres alternatives d’identification sont proposées, il n’y a pas lieu de s’inquiéter à outre mesure. Néanmoins, si l’État souhaite faire usage de la reconnaissance faciale en dehors de l’utilisation des services publics, et il semblerait que ce soit le cas (voir ci-dessous), alors une « supervision » et une « évaluation » sont nécessaires en effet.

Pour Cédric O, comme souvent, la technologie « est en avance sur la régulation » , et pour ce qui est de la reconnaissance faciale, « elle entre dans nos vies sans que son cadre d’utilisation n’ait encore été clarifié ». Aussi propose-t-il de créer « une instance de supervision en coordination avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Les tests d’Alicem lancés depuis plusieurs mois, et l’application étant sur le point d’être mise en place, il semble utile de se pencher sur la question. D’autant que son instigateur, proche d’Emmanuel Macron, et chargé de suivre les dossiers du Web depuis 2017 n’est pas novice sur le sujet. En charge de sa fonction en tant que secrétaire d’État au Numérique depuis mars 2019, il est même étonnant que cette proposition ne soit pas venue plus tôt de sa part. S’agit-il pour le secrétaire d’État de reconnaitre que le ministère de l’Intérieur est allé un peu vite en besogne, ou tout simplement de répondre à la controverse provoquée par la mise en place d’Alicem au sein de l’opinion publique ? Peu importe à vrai dire, le lancement de cette application étant désormais prévu pour novembre, les propositions de Cédric O doivent désormais être considérées.

Selon lui, donc, « c’est l’absence d’un vrai débat citoyen sur les lignes rouges » qui pose problème, et il est nécessaire de le mettre en place, afin de ne pas tomber dans une « vision exclusivement nihiliste ». Il y a selon lui des cas où il serait nécessaire et plus simple d’utiliser la reconnaissance faciale, notamment lors d’une présentation à un guichet ou pour valider une formation en ligne. Il semblerait, d’après les exemples cités, qu’il soit donc bien prévu de sortir du cadre de la vérification d’identité grâce à Alicem, (vouée à être utilisée uniquement avec un smartphone pour l’instant). Chose qui ne surprend guère étant donné l’objectif de mise en place du programme Action publique 2022, évoqué par le ministère de l’Intérieur.

« Expérimenter est également nécessaire pour que nos industriels progressent ». Aussi doit-on comprendre que la vérification d’identité soit applicable en dehors de l’usage des services publics ? Si oui, il est d’autant plus nécessaire de mettre en place un débat public pour « examiner les questions légitimes sur l’équilibre entre usages, protection et libertés ».

Utilisation de la reconnaissance faciale

L’utilisation de la reconnaissance faciale en vidéosurveillance Crédit : Shuttersotck

« L’État doit se protéger de lui-même» explique le secrétaire d’État qui avoue être partagé sur la question de la reconnaissance faciale dans certains cas. Précisément quand il s’agit de vidéosurveillance : « C’est d’une certaine manière aux Français de choisir, car les décisions seront lourdes de conséquence ». Si la vidéosurveillance peut être utile dans l’identification des terroristes, il est important de définir « très clairement le cadre et les garanties pour éviter la surveillance généralisée ». D’autant qu’une fois la décision prise, il sera difficile de revenir dessus, il faut donc établir ce point en prenant compte des générations futures selon lui.

Il semble plus que nécessaire d’établir rapidement une supervision, car à en croire les propos tenus par Cédric O, l’État prévoit d’élargir le cadre d’utilisation de la reconnaissance. Le Figaro, pour qui le gouvernement souhaite « désarmorcer les critiques envers Alicem », et « paver la voie à des projets similaires », rappelle qu’en dehors des tests de l’application Alicem, certains ont été effectués par la mairie de Nice, en utilisant la reconnaissance faciale sur la voie publique. Le colonel de la gendarmerie nationale considère effectivement que la mise en place d’une telle application permettrait de « mettre fin à des années de polémiques sur le contrôle au faciès puisque le contrôle d’identité serait permanent et général ».

Le problème n’est pas de vouloir utiliser ce genre de techniques pour garantir la sécurité des citoyens, le problème est de savoir quand il est nécessaire de l’utiliser et sous quelles conditions. Il est impensable également d’ignorer le stockage de données dans le cas de la vidéosurveillance, comme dans la vérification d’identité. On ne cesse de nous rappeler que le risque 0 n’existe pas, que l’authentification à double facteur n’est pas un luxe. Certains spécialistes en cybersécurité, comme Elliot Anderson, chercheur en sécurité informatique, nous a montré que des systèmes réservés à l’usage de nos ministres pouvaient contenir des failles, notamment en piratant l’application Tchap en 75 minutes. Que se passerait-il si des personnes mal intentionnées réussissaient à pirater Alicem ? Comme le rappelle Cédric 0, le débat est nécessaire pour ne pas tomber dans la dystopie. C’est un fait, et pour être bien sûr d’éviter cet écueil, il est bon en effet de convoquer les citoyens et des organismes spécialisés, comme le propose le secrétaire de l’État. Ceci pour respecter les droits privés des citoyens, de même que leur libre consentement, notamment en laissant à leur disposition d’autres alternatives.