Quarante-cinq députés européens de gauche ont publié, le 1er décembre, une lettre ouverte à destination du président de la République, Emmanuel Macron, à la Première ministre, Élisabeth Borne, et au ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Ce courrier dénonce et condamne l’utilisation d’outils de reconnaissance faciale par les forces de l’ordre françaises.
La question de la reconnaissance faciale
Le 14 novembre dernier, Disclose annonçait s’être procuré des documents appartenant à la police française. Ils prouvaient qu’un logiciel de vidéosurveillance algorithmique fourni par l’entreprise israélienne Briefcam était utilisé depuis 2015 par la maréchaussée.
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Avec Vidéo Synopsis, n’importe qui disposant d’un réseau de caméras de vidéosurveillance peut traquer une personne en fonction des vêtements qu’il porte ou de ses caractéristiques faciales. Il est également possible de suivre un véhicule grâce à sa plaque d’immatriculation, et même d’analyser des vidéos de plusieurs heures en quelques minutes. Le logiciel met en valeur les paramètres qui intéressent leurs utilisateurs, ces derniers pouvant régler l’outil à leur guise.
Si certaines fonctionnalités de l’outil ne sont pas foncièrement illégales, d’autres le sont, à l’instar de celles liées à la reconnaissance faciale. Durant huit ans, les forces de police auraient utilisé le logiciel, sans même que son usage soit déclaré à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), qui pourtant, régule l’utilisation de ce type d’outils. Le gendarme français des données personnelles s’est saisi de l’affaire et a épinglé le ministère de l’Intérieur. Ce dernier a rapidement réagi en annonçant le lancement d’un contrôle du ministère de l’Intérieur, ainsi que d’une enquête administrative.
Même si les eurodéputés se félicitent de l’ouverture de ces investigations, ils espèrent que « tout constat d’illégalité sera traité avec plus de rigueur qu’auparavant ». En effet, ils déplorent le fait que Gérald Darmanin, qui s’était pourtant « opposé à la légalisation et à l’utilisation des technologies de reconnaissance faciale par les forces de l’ordre dans les espaces publics », n’ait pas fait le nécessaire pour freiner l’usage de Video Synopsis. « La police française, dont il est responsable, semble avoir une pratique complètement différente, sans contrôle et sans recours juridique », regrettent les députés européens.
Pour les eurodéputés signataires, cette lettre est aussi une manière de prouver qu’il est plus que temps de mettre en place un cadre législatif autour des usages de l’intelligence artificielle. Depuis plusieurs mois, les négociations entre la Commission, le Parlement et le Conseil européen patinent. Les deux dernières institutions ne sont pas du même avis, le Parlement souhaitant être beaucoup plus strict sur l’usage des outils d’IA, contrairement au Conseil. Dans leur lettre ouverte, les députés européens ont invité « les autorités françaises à soutenir le Parlement européen dans sa demande d’interdiction stricte et complète de l’utilisation des technologies de surveillance biométrique dans les espaces publics accessibles ».