L’Italie prépare une nouvelle taxe pour les sociétés spécialisées dans le digital pour 2020.
Cette taxe s’appliquerait aux entreprises avec une valorisation supérieure à 750 millions de dollars, et réalisant un minimum de 5,5 millions de dollars. Celle-ci devrait s’élever à 3 % des transactions en ligne.

Une volonté européenne, pourtant difficile à mettre en place

« Les profits doivent être taxés là où ils sont réalisés » a déclaré le ministre de l’Economie, Roberto Gualtieri. Ce dernier passera par un décret gouvernemental au lieu du vote devant le Parlement. L’État devrait ainsi récolter 600 millions d’euros par an.

L’Italie avait déjà proposé une taxe Web l’année passée, mais le gouvernement de l’époque – coalition des 5 étoiles et la Iigue droite – s’étant effondré, la nouvelle coalition des 5 étoiles avec le Parti démocratique centre-gauche s’est donc attelée à la mise en place d’une nouvelle taxe. Celle-ci devrait entrer en vigueur en janvier 2020. L’Italie n’est pas la seule dans ce cas, le 11 juillet 2019, c’est la France qui annonçait la mise en place d’une taxe GAFA. Le projet ne date pas d’hier, et fait écho à une volonté d’harmonisation de l’Union européenne sur le sujet, pour le moins difficile à mettre en place.

En mars 2018 la Commission européenne proposait un projet de taxe sur les services numériques (TSN). Celui-ci avait pour objectif de rétablir une imposition plus juste et plus équitable, tandis qu’elle est devenue « obsolète » pour ce qui est du marché unique numérique. Le projet prétend ainsi trouver une solution au « problème de l’inadéquation des règles actuelles relatives à l’impôt sur les sociétés avec l’économie numérique », car comme il est expliqué dans la proposition établie par la Commission de Bruxelles, ces règles ont été pensées et établies « au début du 20ème siècle pour des entreprises « physiques » traditionnelles » et définissent « le droit d’imposition et la part des revenus dans un pays (lieu d’imposition) et la part des sociétés attribuée à un pays (la part imposable) reposant en grande partie sur la présence physique dans le pays concerné ».

Et pour cause, il n’est pas nécessaire de disposer d’une présence physique pour pouvoir fournir des services numériques. Sont également présentées les particularités des entreprises numériques comme la création de la valeur, la capacité à exercer à distance, la contribution des utilisateurs finaux, les actifs incorporels, le développement de structures de marché hégémoniques fondées sur les effets de réseau et la valeur des mégadonnées, qui font de ces sociétés la portée mondiale. Portée qui, précisément, échappe aux règles d’imposition actuelles, permettant ainsi aux géants du numérique de payer deux fois moins d’impôts que les entreprises traditionnelles en Europe.

Cette harmonisation cherchait à mettre en place un « système d’imposition juste et efficace au sein de l’Union européenne » reposerait en partie sur la formulation de l’article 5 proposé (ci-dessous), faisant référence au lieu d’imposition :
« L’article 5 détermine la part des produits imposables d’une entité qui doit être considérée comme générée dans un État membre aux fins de la taxe. Conformément au principe de la création de valeur par les utilisateurs qui sous-tend le champ d’application objectif de la TSN, cette disposition établit que la TSN est due dans l’État membre ou les États membres où se trouvent les utilisateurs […] ».

ll s’agissait là tout simplement de tenir compte de la participation des utilisateurs à la création de la valeur de l’entreprise, à travers un paiement, ou à la visualisation des publicités rémunérantes pour les entreprises numériques. Autrement dit c’est l’État membre dans lequel « l’utilisateur se trouve qui jouit des droits d’imposition relatifs à la TSN, que l’utilisateur ait contribué financièrement ou non à la génération de produits pour l’entreprise ».

Ces précisions répondaient à un argument avancé par les géants numériques, qui consiste à rappeler que les produits vendus sont conçus ailleurs que dans les pays européens. Argument repris notamment par Apple en s’adressant à la Commission européenne qui lui réclamait une amende de 14,3 milliards d’euros pour les impôts non payés entre 2003 et 2014 : les produits Apple sont conçus en Californie, pas en Irlande, avançait l’avocat chargé de l’affaire.

Néanmoins, les bénéfices des géants du numérique ne reposent pas que sur des ventes de produits. Leur chiffre d’affaires est également généré par des prestations de service (ex. abonnements), des annonces publicitaires, des récupérations de données etc. Certains trouveront sûrement cette harmonisation européenne abusive, d’autres y verront la mise en place d’un rapport plus équitable avec ce type d’entreprises, dont les revenus dépassent parfois l’entendement.

Cependant, certains membres craignant des « représailles«  financières de la part des GAFA, le projet européen ne voit pas le jour. C’est le cas de l’Irlande par exemple, en accord avec certains géants numériques. Certains pays, comme la France, et maintenant l’Italie, reprennent ces considérations pour établir leur propre taxe sur le Web.

Rome a également demandé à la Commission européenne de présenter une proposition sur la taxation maximum des entreprises de l’Europe, lors d’une audition parlementaire le 8 octobre, rapporte Reuters.

Il est vrai que devoir payer des taxes dans les 28 pays européens risque de déplaire aux GAFA, mais on ne peut pas toujours avoir le beurre et l’argent du beurre. Il suffit d’observer le problème à l’inverse : pour les entreprises européennes qui souhaitent s’implanter sur le marché américain, les conditions sont drastiques, et les taxes élevées. Quand il s’agit d’établir un protectionnisme américain en surtaxant les entreprises étrangères, sous couvert de favoriser la production locale, les États-Unis ne semblent avoir dans ce sens là aucun état d’âme.