– Qu’est-ce que tu veux écouter ?
C’est marrant de constater que la question blasée sur le choix de la musique est la même que celle que l’on pose pour dîner :
– Qu’est-ce que tu veux manger ?
Dans les deux cas, la même réponse : « J’en sais rien ! »

Une réponse suivie d’une mission vers le frigo (vide ces soirs là). Une différence néanmoins, pour la musique à l’ère du streaming, le frigo déborde. Grâce au digital, choisir n’est plus nécessaire il suffit d’écouter ce qui vient. Comme des pachas devant l’abondance musicale disponible, on a abandonné le choix au profit d’algorithmes qui en savent plus que nous sur notre culture musicale.

Abondance et culture musicale.

Devant cette discothèque illimitée en streaming, on a deux attitudes :

Optimiste : ça offre des possibilités d’écoutes uniques, on peut devenir fan d’afro-électro sans bouger de son sofa !

Ou pessimiste : on est dépossédé d’un droit durement acquis, le droit de façonner notre culture musicale par sa collection de disques introuvables ! C’est sur que les outils existent pour choisir, organiser et partager sa bibliothèque musicale … mais combien d’usagers du streaming le font ?

L’auditeur moyen va se brancher sur des playlist créées par l’éditeur ou par des curateur et se laisser aller.

« Écoute ce que j’ai choisi pour toi ! » -Spotify-

Durant l’ère pré-streaming (et pré-peer to peer) nos cultures musicales étaient fondées sur des portions de musiques sélectionnées chez un disquaire ou partagées avec des cassettes. Une collection limitée et choisie qui nous a imprégné et qui a forgé notre mémoire musicale à force d’écoute obsessionnelle. Les pochettes disponibles avec les disques ont approfondies cette culture en nous fournissant une série de détail précieux : le nom des musiciens, des studios ou des ingénieurs du son.

Vieux et aigris au royaume du streaming.

Avec ce genre de réflexion, on passe assez vite pour un vieil aigri, mais on peut aimer Spotify et déplorer la médiocrité de la définition sonore ainsi que le manque cruel d’information sur les titres diffusés. Où sont partis les studios d’enregistrement, les musiciens, les arrangeurs, les ingénieurs du son et les réalisateurs ? Des sites comme  discogs font le job, mais qui les consultent en écoutant sa musique?

Chaque jour, le frigo à musique nous nourrit sans plus de résistance. Parfois il nous arrive de reprendre le contrôle de notre culture musicale, quand une star comme Prince passe de l’autre côté du miroir. À ce moment là, on fouille comme le reste de la planète sa discographie avec un appétit nostalgique.

Reste le « slowlisten » avec ces vinyles, cassettes et C.D qui nous servent encore de palliatif au manque d’information détaillée. Un moment privilégié où l’on peut choisir son disque, le poser sur la platine et l’écouter en parcourant la pochette. Des petits instants de musique sanctuarisés qui font beaucoup de bien à notre mémoire musicale.