La contrefaçon représente aujourd’hui 3,3 % du commerce mondial, pour une valeur estimée des produits contrefaits atteignant 119 milliards d’euros, rien qu’au sein de l’Union Européenne. La mondialisation des échanges, le développement d’internet et la transformation du commerce en ligne ont servi d’accélérateur à ce phénomène, en particulier pour les marques de luxe. La France est actuellement le deuxième pays au monde le plus touché par la contrefaçon. Mais le problème n’est pas seulement économique, « si la contrefaçon était un pays, elle représenterait le sixième plus grand émetteur de CO2 au monde. Les produits sont fabriqués dans les pires conditions sociales et environnementales, » explique le cofondateur de Navee, Matteo Amerio, dans un entretien pour Siècle Digital.
L’idée de Navee naît en 2019 aux États-Unis. Matteo Amerio et son futur associé Mathieu Davet sont en stage dans une start-up de l’accélérateur de Stanford. À la recherche d’un appartement à San Francisco, ils constatent qu’une annonce sur deux est une arnaque. En investiguant davantage, ils réalisent que les produits, les profils sur les réseaux sociaux ou les applications de rencontre, sont également concernés. Les marques et les plateformes n’ont alors aucun contrôle, ni idée de l’ampleur du problème.
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Fouiller le web à la recherche de produits contrefaits grâce à l’IA
Les deux étudiants tiennent une idée. Leur expertise en vision par ordinateur va permettre de construire une technologie qui excelle par sa capacité à détecter les annonces frauduleuses sur l’ensemble du web et automatiser leur suppression, allant jusqu’à identifier les réseaux qui se dissimulent derrière.
Faute de solution efficace, les marques et plateformes avaient tendance à effectuer ce travail manuellement via les moteurs de recherche. Une mission quasi-impossible. Pendant quatre années, Navee a « développé un outil innovant capable d’identifier, grâce à des mini-robots intelligents, les contenus contrefaits pertinents en fouillant le web. Grâce à un processus décisionnel intégré, la technologie est capable de distinguer ce qui est vrai ou faux, » souligne Matteo Amerio.
À ce jour, Navee a traité plus de 50 millions d’images. La technologie sait évaluer les éléments visuels, graphiques, textuels et contextuels propres à chaque marque sur internet, facilitant ainsi la localisation et la gestion rapide du contenu en ligne.
La confiance des grands groupes de luxe
Navee compte parmi ses clients plus de 100 marques et plateformes de renommée mondiale. « Notre plateforme, qui est une combinaison de technologie hébergée sur nos serveurs et d’accès client, permet aux marques de vérifier ou non les contenus identifiés avant de procéder à leur suppression. Chaque client a une approche différente : certains ont des équipes en interne à plein temps sur l’outil, » reprend le cofondateur. « La technologie permet d’identifier les réseaux de contrefaçons et de comprendre comment ils se déplacent sur Internet, ce qui est essentiel pour les marques dans leur lutte contre la contrefaçon, » car elle engendre un manque à gagner colossal.
En France, 37 % des consommateurs auraient déjà acheté sans le vouloir un faux produit. À cela, s’ajoutent les frais liés à la lutte contre la contrefaçon. Navee a permis à ses clients de réaliser des économies de plus de 500 millions de dollars. « Nous nous positionnons comme un partenaire de confiance et un acteur de recherche. Nous réinvestissons continuellement dans la R&D, avec une croissance saine. » La start-up a ainsi été récompensée par 4 prix prestigieux : France Future 40 en 2020, LVMH Innovation Awards (Data et IA) en 2020, Andam Awards en 2020 et CentraleSupélec IA en 2021.
Navee, partenaire stratégique de l’INTA et de l’UNIFAB
Son positionnement de pointe lui a permis de rejoindre l’UNIFAB (Union des Fabricants pour la protection internationale de la propriété intellectuelle), et plus récemment, le comité anti-contrefaçon de l’INTA (International Trademark Association). « Nous avons intégré ce comité international en tant qu’experts techniques. Concrètement, nous essayons d’apporter notre vision métier et terrain, avec des pistes concrètes pour éradiquer la contrefaçon en ligne. »
Navee, qui compte une cinquantaine de collaborateurs à travers le monde, dont deux tiers d’ingénieurs, entend poursuivre son développement dans la recherche. « 2024 promet d’être une année très excitante. De nouvelles technologies commencent à devenir matures et exploitables. Nous pourrons donc changer certains blocs fondamentaux de notre technologie pour la rendre plus automatique, plus scalable et encore plus efficace. » Dans ce contexte d’évolution technologique constante, la jeune pousse française s’affirme non seulement comme un acteur clé de son secteur, mais également comme une entreprise à impact, déterminée à éradiquer un fléau mondial.