SymphonHy, la gigafactorie de piles à combustible à hydrogène de Symbio, a ouvert ses portes à Saint-Fons, au sud de Lyon, en septembre 2023, mais son inauguration en grande pompe a eu lieu ce 5 décembre. Philippe Rosier, le PDG de l’entreprise, a présenté à Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, Roland Lescure, ministre de l’Industrie et aux élus locaux, « L’accomplissement de trois ans de travail ». C’est aussi une manifestation concrète du plan d’Emmanuel Macron et de son gouvernement sur le développement d’une filière hydrogène propre en France.
Symbio voit son avenir en grand, malgré les défis
C’est avec une joie non dissimulée que Philippe Rosier a décrit le progrès que représente SymphonHy pour Symbio. « Il fallait une journée de travail, des dizaines d’opérateurs pour produire une pile » dans l’usine pilote de l’entreprise située à Vénissieux, non loin de cette nouvelle implantation. Désormais « une pile est produite toute les 2h, 2h30 » par les 650 employés du site s’est félicité le PDG.
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16 000 piles à hydrogène doivent sortir de cette gigafactorie de 26 000m2 en 2024, contre 2 500 précédemment. La production doit encore augmenter à 50 000 piles dans les deux prochaines années, avec un agrandissement de l’usine. D’ici 2028, Symbio espère atteindre les 100 000 piles à hydrogène par an grâce à un potentiel second site et 200 000 dans le monde en 2030. L’entreprise a déjà une vingtaine de clients. Sur 7 ans, entre 2021 et 2028, un milliard d’euros doit être investi dont 600 millions venant de la force publique, via France 2030 intégrée à un Projet important d’intérêt européen commun (PIIEC).
Symbio est né en 2010, en Isère, à partir de technologies du Commissariat à l’énergie atomique. Revendiqué « chef de file de la mobilité hydrogène zéro émission », les piles à combustible de l’entreprise ont vocation à équiper des véhicules professionnels, pour le moment des utilitaires, mais bientôt des poids lourds ou des pick-up. Son actionnariat est à l’image de ses ambitions, puisqu’elle est contrôlée à parts égales par Michellin, arrivé le premier en 2014, Forvia, qui a suivi en 2019 et Stellantis depuis quelques mois.
Les PDG des trois sociétés, qui ont fait le déplacement, n’ont pas caché les difficultés qui attendent Symbio. Patrick Koller, dirigeant de Forvia a convenu que « la démocratisation de l’accès à l’hydrogène reste un défi majeur ». La technologie est très coûteuse. Pour être intéressant, le prix de sa production doit encore baisser d’un « facteur 2 » admet Philippe Rosier. Il rapporte qu’il a déjà baissé d’un facteur 5 par rapport aux 50 000 euros des « systèmes » produits il y a 3 ans.
Carlos Tavarez, de Stellantis, insiste sur le fait que « l’hydrogène sera une technologie gagnante si, et seulement si, nous arrivons à la rendre abordable ». Plus rassurant, le PDG de Michellin, Florent Ménagaux, rappelle que lorsque son entreprise s’est lancée dans le secteur, le prix des premières piles grimpait à 500 000 euros. Le prix à la pompe de l’hydrogène est également élevé, en Europe de 10 à 15 euros le kilogramme, l’équivalent de 100 kilomètres. Bruxelles espère le faire baisser à 5 euros d’ici 2030, le tarif actuel aux États-Unis, qui risquent de prendre une longueur d’avance.
Pour ces raisons, les piles à combustion d’hydrogène souffrent de la comparaison avec les batteries sur le terrain des véhicules zéro-émission. Si les PDG souhaitent que l’hydrogène puisse devenir compétitif, il note surtout la complémentarité des deux technologies pour la mobilité. Face à la batterie, la pile à hydrogène est moins lourde, se recharge plus rapidement et permet plus d’autonomie. La première serait plus adaptée aux trajets urbains et périurbains de petits véhicules, la seconde pour les longues distances des véhicules plus lourds.
Carlos Tavarez prévient que la bataille pour imposer l’hydrogène n’est pas encore gagnée et prône pour un maintien d’aides étatiques fortes en direction des acheteurs pendant encore cinq ans, « ne pas soutenir la phase de lancement de cette technologie serait une erreur » assène-t-il.
La France fait le pari de l’hydrogène
Jusqu’à présent, l’État a largement soutenu la filière. La ministre Agnès Pannier-Runacher a tenu à signifier que SymphonHy est « un projet que nous accompagnons depuis le premier jour ». Le gouvernement a fait du développement de la filière hydrogène l’une de ses priorités. La stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène lancée en 2020 a été dotée de 9 milliards d’euros.
Elle vise à développer les mobilités propres, comme avec Symbio, augmenter la production d’hydrogène et construire une filière industrielle, souveraine. « La France reprend en main son destin industriel par la décarbonation et l’innovation », a notamment déclaré Roland Lescure lors de son discours. Seulement, si l’hydrogène n’émet pas directement de CO2, sa production, elle, reste très polluante.
Selon des chiffres mis en avant par Le Monde, 94 % de l’hydrogène est obtenu grâce à des énergies fossiles en France, c’est près de 99 % au niveau mondial. Comme l’a rappelé Agnès Pannier-Runacher, la France s’est battue contre l’Allemagne, et a gagné, pour que l’hydrogène produit à partir de l’énergie nucléaire soit considéré propre. Fin août, la ministre a promis de soutenir financièrement une filière bas-carbone, via une révision de la stratégie nationale, pour atténuer la différence de prix de production de l’hydrogène à partir d’énergies zéro émission.