Hier, Sundar Pichai, PDG de Google, était appelé à témoigner à la barre pour répondre aux accusations d’abus de position dominante du gouvernement américain. Tant bien que mal, il a défendu les manœuvres et accords conclus par le moteur de recherche pour maintenir son statut de numéro un.

Apple et Google main dans la main

26 milliards de dollars. C’est la somme déboursée par Google en 2021 afin d’être installé comme moteur de recherche par défaut dans bon nombre d’appareils électroniques et de logiciels. Depuis plus de 15 ans, les montants versés à Apple, mais aussi d’autres sociétés comme Mozilla, AT&T ou Samsung, ont fermé le marché de la recherche autour de Google et quelques survivants. C’est en tout cas l’avis du ministère de la justice des États-Unis (DOJ) qui insiste depuis plusieurs semaines sur ces généreux partenariats et le manque de compétition qui en résulte.

La relation entre Google et Apple a occupé une place prépondérante au cours de l’interrogatoire. Si le montant réel n’est pas connu, le DOJ a estimé que le moteur de recherche payait de 4 à 8 milliards de dollars par an pour être installé par défaut dans Safari. Sundar Pichai a révélé que leur alliance avait été renégociée en 2016 dans le but de pérenniser cette place. Le PDG estimait à l’époque qu’il y avait un risque qu’Apple « passe d’autres accords » et transmette des requêtes de recherches vers Amazon ou d’autres plateformes. Une des dispositions prises à l’époque voulait qu’en cas d’enquête antitrust les deux sociétés « soutiendraient et défendraient » leur accord.

Plus tard en 2018 Tim Cook, PDG d’Apple, et Sundar Pichai, se sont rencontrés afin de répondre à certaines préoccupations émises par la marque à la pomme. Dans une note rédigée à l’issue de cette réunion, présentée par la procureure Meagan Bellshaw, Apple s’inquiétait de ne pas voir ses recettes augmenter au même rythme que celles présentées par Google dans ses résultats trimestriels. On peut y lire que Sundar Pichai a « insisté sur le fait que vous nous envoyez des requêtes et nous faisons de notre mieux pour y répondre (et les monétiser) – toujours en toute bonne foi et parce que nos motivations sont alignées », puis il a invité son partenaire à « travailler comme si nous étions une seule entreprise ». Un point sur lequel Sundar Pichai n’a pas de souvenir. « Nous payons une certaine proportion de notre argent en fonction de la valeur que nous voyons, » a appuyé le PDG de Google. L’accord entre les deux entreprises s’est tout de même avéré si lucratif qu’Apple a abonné l’idée de créer son propre moteur de recherche.

Sundar Pichai contre Sundar Pichai

Une autre partie de l’audience a porté sur l’installation par défaut de Google au détriment de services alternatifs. Argument de défense déjà étayé à maintes reprises par l’entreprise : en quelques clics, les utilisateurs peuvent changer les paramètres par défaut de leur smartphone ou navigateur. Pourtant, dans un échange entre Google et Microsoft datant de 2005, David Drummond, alors directeur juridique du moteur de recherche écrit « comme vous le savez, la plupart des utilisateurs finaux ne changent pas de moteur par défaut. »

Si cette phrase concernait spécifiquement une intégration dans Internet Explorer, elle résume la stratégie mise en place par Google depuis des années. En 2007 un certain Sundar Pichai, 35 ans, pas encore PDG s’en inquiétait dans un email : « Je ne pense pas que ce soit une bonne expérience pour l’utilisateur ni que l’optique soit bonne pour nous d’être le seul fournisseur dans le navigateur ».

Google détient 90 % des parts de marché de la recherche en ligne, en partie grâce aux accords passés avec Apple et consorts. Restera au DOJ de déterminer dans quelles mesures ces pratiques ont brisé toute chance de faire émerger une concurrence. Le procès antitrust va durer au total dix semaines, la procédure dans son ensemble pourrait prendre des années avant une décision définitive.