Ils sont dix-neuf géants du web à devoir se conformer au Digital Services Act (DSA), la réglementation européenne pour encadrer les services numériques sur son territoire. Google, Amazon, TikTok, YouTube, Facebook, Instagram, X… toutes les plateformes dépassant les 45 millions d’utilisateurs en Europe sont, depuis le 25 août, concernées par les mesures du DSA. Pour se mettre en conformité, chacune d’entre elles a dû opérer des changements pour garantir une utilisation plus sûre de leurs services aux Européens.

Quels changements sur les plateformes avec le DSA ?

Les premières plateformes ciblées par le DSA ont-elles joué le jeu ? « Nous allons le voir dès aujourd’hui », répondait Thierry Breton, Commissaire européen au marché intérieur, ce matin sur le plateau de Franceinfo, « nous allons les mettre sous surveillance, elles le savent, ce sont les règles du jeu ». Voté en juillet 2022, le cadre législatif laissait le temps aux mastodontes d’Internet de se préparer à son entrée en vigueur.

Ces grands sites ne peuvent désormais plus cibler leurs utilisateurs en fonction de leurs données personnelles à des fins publicitaires. Google a déjà entrepris plusieurs modifications à ce niveau en limitant la publicité ciblée à destination des mineurs et en partageant des informations complémentaires sur les raisons de ces ciblages.

Côté modération, les plateformes seront obligées de mettre en place un bouton de signalement visible et de réagir rapidement, dans les 24 heures, lorsqu’un propos haineux est signalé. De plus, elles devront se montrer le plus transparentes possible en précisant aux personnes sanctionnées les tenants et aboutissants de leurs décisions. X, anciennement Twitter, a récemment mis en place des sanctions pour les usagers véhiculant des messages haineux.

Au niveau des algorithmes, il est maintenant obligatoire d’indiquer si les fils d’actualités des réseaux sociaux sont triés chronologiquement ou algorithmiquement. Les grands noms du web devront laisser à leurs utilisateurs le choix de l’affichage. Meta, la maison mère de Facebook et Instagram, mais aussi Snapchat et TikTok, ont d’ores et déjà commencé à préparer ces changements.

Concernant le commerce en ligne, le DSA demande que les vendeurs soient plus aisément tracés. Amazon, qui a contesté sa présence dans la liste auprès du Tribunal du Luxembourg, a indiqué qu’elle fournirait plus d’informations sur ses détaillants et créerait un dispositif pour signaler les contrefaçons. Enfin, plus petit, mais non pas moins important, Wikipédia se dit prêt à partager plus de précisions sur les demandes de modifications ou de retraits concernant les articles de son encyclopédie en ligne.

Un manque d’homogénéité

Si le Digital Services Act détaille les réglementations auxquelles doivent se soumettre les grands acteurs d’Internet, il ne délivre pas de mode d’emploi. Chaque société est libre de répondre à ces obligations comme elle le souhaite, tant qu’elle parvient à répondre aux exigences du DSA. « Chaque entreprise doit définir comment elle s’y prend pour répondre à ses obligations », souligne l’économiste Joëlle Toledano. L’absence d’instruction précise pourrait les pousser à choisir les transformations qui impacteront le moins leurs activités.

Pour la professeure émérite des sciences économiques à, membre du Conseil national du numérique, cela pose un vrai problème, « Il n’y a pas de méthode unique définie par la Commission, chaque entreprise va définir une façon de faire, une métrique qui l’avantage ». Joëlle Toledano explique à Siècle Digital que l’enjeu pour la Commission européenne, au début, sera « de comprendre ce qu’il y a vraiment derrière [ces changements], pourquoi telle ou telle option a été retenue, parce que l’opacité ne va pas disparaître du jour au lendemain. » L’objectif étant « de faire évoluer le DSA avec l’aide des observateurs, des chercheurs, des signaleurs de confiance ».

L’heure des sanctions a sonné

Comme l’a annoncé Thierry Breton, depuis le 25 août, les géants d’Internet s’exposent à des amendes à hauteur de 6 % de leur chiffre d’affaires annuel s’ils ne répondent pas aux obligations du Digital Services Act. « Mes services et moi-même appliquerons scrupuleusement le DSA et utiliserons pleinement nos nouveaux pouvoirs pour enquêter et sanctionner les plateformes lorsque cela est justifié », déclarait-il dans un communiqué. Des évaluations auront lieu régulièrement pour vérifier que le cadre législatif est respecté.

Le Commissaire européen assure que les intéressés ont eu le temps de se préparer comme il fallait avant l’entrée en vigueur du texte. Meta et TikTok ont rapporté avoir dédié chacun plus de 1 000 employés pour faciliter la transition de leurs plateformes. Des stress tests ont également été organisés par la Commission européenne pour les entreprises volontaires afin d’identifier les points à améliorer. Snapchat, TikTok, Instagram, Facebook et X ont participé à ces tests de résistance.

Si les grands groupes du web voient ces réglementations comme un fardeau, Thierry Breton affirme qu’elles « garantissent nos libertés, c’est tout sauf le ministère de la censure ». Il rappelle d’ailleurs qu’à terme, le 17 février 2024, tous les sites seront concernés par le DSA.