Alors que le Covid-19 émergeait tout juste en Chine, en novembre 2019, la France venait tout juste de transposer dans sa loi la directive européenne instaurant un droit voisin. Longtemps Google a tâché d’éviter d’appliquer le texte, jusqu’à recevoir de l’Autorité de la concurrence la plus lourde amende jamais infligée, 500 millions d’euros. Cette dernière a annoncé le 21 juin 2022 que le litige s’approche désormais de son épilogue.

Une bataille juridique effrénée

L’Autorité de la concurrence avait été saisie dès novembre 2019 par les plaintes de l’Agence France-Presse, Alliance de la presse d’information générale et le Syndicat des éditeurs de la presse magazine. Ils reprochaient à Google de ne pas négocier de bonne foi l’instauration des droits voisins auxquels l’entreprise était opposée.

Les droits voisins consistent, pour un Google ou Facebook, par exemple, à reverser aux éditeurs des revenus pour l’affichage de leurs articles dans les résultats de leurs plateformes. Google, fermement contre ce texte a été jusqu’à menacer de retirer les extraits d’articles de ses résultats. Facebook avait été jusqu’à cette extrémité en Australie, où une loi similaire a été adoptée.

En France, Facebook a négocié de bonne grâce avec les éditeurs, mais ce ne fut pas le cas de Google. En avril 2020, l’Autorité a exigé de Mountain View de changer d’attitude dans les non-négociations et de ne pas profiter de sa position dominante comme d’une menace lors des discussions. En juillet 2021, l’antitrust hexagonal a estimé que Google ne s’était pas plié à son injonction et lui a infligé l’amende de 500 millions d’euros.

Tandis que Google a immédiatement contesté une sanction jugée disproportionnée, le fond de l’affaire s’est poursuivi. En décembre 2021, le géant américain a rendu plusieurs engagements pour un cadre de négociation plus sain et équilibré des droits voisins avec les éditeurs. Engagements amendés jusqu’à la proposition finale, le 9 mai 2022. Ce sont eux que l’Autorité a finis par accepter. En contrepartie Google a renoncé à faire appel de son amende.

Google et l’Autorité de la concurrence ont topé

Ces engagements n’ont rien de particulièrement révolutionnaire. Il s’agit de négocier sur la base de critères transparents, objectifs et non discriminatoires. Ces échanges devront se dérouler dans un délai raisonnable, avec une proposition au bout de trois mois. Sans accord il sera fait appel à un tribunal arbitral, aux frais de l’entreprise.

Google devra fournir les informations nécessaires pour que chacun soit sur un pied d’égalité, comme le nombre d’impressions et de clic sur Google Search ou Actualités, les revenus de Google en France… Enfin Mountain View a promis une neutralité des discussions, c’est-à-dire que l’entreprise s’abstiendra de modifier l’indexation ni le classement des éditeurs.

Ces engagements s’appliquent à l’ensemble des éditeurs qu’il soit un service de presse en ligne d’information politique et générale (certifié IPG) ou non. Un mandataire indépendant sera chargé de vérifier le respect des promesses prises, il s’occupera de vérifier les données de Google couvertes par le secret des affaires.

Benoît Coeuré, le président de l’Autorité de la concurrence depuis début 2022, a déclaré que « l’Autorité se félicite aujourd’hui des engagements pris par Google ». Il estime que « Pour la première fois en Europe, les engagements pris par Google posent en effet un cadre dynamique de négociation et de partage des informations nécessaires à une évaluation transparente de la rémunération des droits voisins directs et indirects ».

De son côté, Google a affirmé avoir « tout mis en œuvre » ces deux dernières années pour parvenir à ce cadre de négociations. L’entreprise rappelle avoir déjà conclu 150 accords avec des titres en France et 650 dans toute l’Europe en vertu de la directive. Les éditeurs ayant déjà un accord pourront, s’ils le désirent, le renégocier dans le cadre des nouveaux engagements pris par Google.