Rest of World, en partenariat avec l’entreprise de recherche Premise, vient de publier une enquête sur les travailleurs de plateformes et leurs ressentis. Les auteurs ont pour cela interrogé 4 900 travailleurs, dans 15 pays différents.

Les travailleurs de plateformes (ou gig workers en anglais) désignent des personnes qui vendent un service à travers une plateforme. Le plus souvent, ils ont le statut de travailleur indépendant, et parfois d’autres, comme celui de salarié. Ainsi, un livreur Uber Eats est un travailleur de plateformes.

Ce modèle suscite de nombreux débats, partout dans le monde, et met les gouvernements et les syndicats face à de nouveaux défis.

« Ce genre de travail est plein de contradictions »

L’enquête sur ces travailleurs de plateformes se penche sur « leur situation financière, leurs états émotionnels et leurs perspectives ». Les journalistes et experts ayant participé à l’enquête se sont concentrés sur les travailleurs de plateformes se déplaçant à deux roues, en voitures, mais aussi ceux travaillant à domicile, et dans le domaine des soins.

À première vue, ces emplois ont de nombreux bénéfices. Les plateformes de livraisons offrent pour la plupart une idée du travail attrayante, sans horaires fixes, ni patron. Mais cette conception, si elle n’est pas fausse, est nuancée par cette étude. La réalité est en effet bien plus complexe.

Graphique exposant le niveau du sentiment de sécurité, de bien-être et de finance des travailleurs de plateformes d'après Rest of World

Classement des pays par score moyen (de 0 à 1) sur trois dimensions : le sentiment de sécurité, un niveau de finance satisfaisant, et le bien-être au travail. Image : Rest of World / Premise.

« Nous avons constaté que ce genre de travail est plein de contradictions », expliquent dans leur article, Peter Guest et Youyou Zhou, journalistes de Rest of World. L’enquête révèle la grande inquiétude des personnes interrogées lorsqu’elles travaillent, mais elle montre également que beaucoup sont heureuses dans l’exercice de leur métier. Autre contradiction, s’il est possible de bien gagner sa vie en faisant ce genre de travail, la plupart des travailleurs ne voient pas leur emploi comme des professions à long terme.

« Ce que notre recherche montre, c’est que les travailleurs des plateformes signalent des problèmes similaires dans le monde entier, mais il existe des variations importantes entre les pays et les professions », affirment les auteurs de l’enquête. Ainsi, en Russie, les travailleurs indépendants estiment travailler en sécurité, et sont pour la plupart heureux, bien qu’ils ne gagnent pas assez, selon eux. À l’inverse au Pakistan, la majorité estime gagner suffisamment, mais ne se sent ni en sécurité ni heureuse.

Une insatisfaction plus grande dans les pays à faible revenu

L’étude s’attarde aussi sur une tendance particulière. Dans les pays à faible revenu, la satisfaction au travail est inférieure. Toutefois, cette insatisfaction ne provient pas du niveau des salaires, mais du sentiment plus grand d’insécurité et de stress. Ces données varient d’un pays et d’un travail à l’autre. Par exemple, dans tous les pays, les livreurs se sentent plus stressés.

Concernant leurs préoccupations, elles vont de la crainte d’être tué, à celle de ne pas gagner suffisamment d’argent. Ces différentes inquiétudes pourraient expliquer pourquoi peu d’entre eux ne considèrent pas leurs emplois comme des métiers à long terme.

Ces informations contradictoires expliquent pourquoi ce modèle continue de croître dans le monde, malgré les critiques. Par conséquent, syndicats et gouvernements se trouvent face à de nouvelles problématiques, notamment celle de la protection des travailleurs indépendants. Autre annonce qui illustre l’ubérisation de l’économie, la Caisse d’Épargne a récemment signifié son intention de lancer le nouveau statut de « conseiller indépendant local ».

Pour en savoir plus sur la situation des travailleurs indépendants, et leurs perspectives, le reste de l’enquête est à retrouver sur Rest of World.