Après Wikipédia, puis WikiTribune, voici venir « WikiTribune Social » soit WT:Social. Jimmy Wales annonçait il y a quelques jours la transformation de WikiTribune en un réseau social, sans publicité, et qui promet de ne pas utiliser les données personnelles à des fins commerciales. Le co-fondateur de Wikipédia déclare ainsi vouloir lutter contre les fake news, et privilégier des articles de qualité.

Un réseau social qui veut produire une « information de qualité »

« À mesure que les réseaux sociaux se sont développés, ils ont également amplifié la voix de mauvais acteurs à travers le monde », peut-on lire sur la page d’accueil de WT:Social, le ton est posé.

Le réseau social se veut gratuit (enfin presque), et entièrement en opposition avec Facebook ou Twitter : « Nous ne vendrons jamais vos données. Notre plate-forme survit grâce à la générosité de donateurs individuels afin de garantir la confidentialité et la protection de votre espace social. ».

Le système reposerait sur les donations de ses membres. Jimmy Wales espère attirer entre 50 millions et 500 millions d’utilisateurs, dont « un sur 200 sera prêt à payer pour financer le projet », a-t-il déclaré aux Échos. Pour l’heure, avec 50 000 adhérents annoncés peu de temps après son démarrage, BBC News rapportait hier que ce nombre avait plus que doublé, et atteint les 220 000 utilisateurs.

Les sujets traités seraient suffisamment variés pour couvrir des domaines allant du heavy metal à la technologie, assure-t-il. Le principe est simple, en proposant une plate-forme sans publicité, Jimmy Wales compte éviter les « pièges à clics », le plus souvent à l’origine de faux articles, et donc des fake news : « À mesure que les réseaux sociaux ont pris de l’ampleur […] les fake news ont influencé les événements majeurs et les algorithmes ne se soucient plus que de l’engagement, que de maintenir l’attention des utilisateurs sur leur plate-forme, sans substance ».

La plate-forme, totalement indépendante de Wikipédia, sera au départ composée d’une petite équipe, comprenant : deux développeurs, un administrateur de communauté et Jimmy Wales en personne. Des journalistes, dont les modalités de recrutement n’ont pas encore été précisées, seraient employés dès 2020 pour réaliser des interviews demandées, et modifiables, par les communautés. Une question nous taraude… : si le contenu d’un article journalistique est modifié par un membre de la communauté, n’y a-t-il pas un risque de générer quelques approximations ? Les membres de la communauté seront-ils soumis à la même déontologie que les journalistes ?

Le réseau social présentera un fil d’actualités, proposant des articles qui défileront du plus au moins récent. Pas d’algorithmes pour privilégier les articles ayant généré le plus de clics ou de commentaires, donc.

Capture écran WT:Social

Crédit : WT:Social

WikiTribune lancé en 2017, était déjà un média participatif, mais le manque de trafic généré avait provoqué en 2018 le licenciement de la douzaine de journalistes employés : « Nous avons compris que le problème de l’information était sa distribution, d’où WT:Social et pas un nouveau média comme WikiTribune », explique Jimmy Wales aux Échos.

À l’époque, la co-fondatrice de WikiTribune, Orit Kopel, déclarait : « la chose la plus importante que nous ayons appris est que pour réaliser notre vision, nous devrions donner à la communauté la pleine assurance que WikiTribune est basé sur les contributions, alors que l’équipe professionnelle est principalement là pour les épauler ». Les journalistes rassemblés par Peter Bale, ancien journaliste de chez CNN et Reuters avaient dès lors été remerciés.

À noter que les intéressés doivent patienter sur ligne d’attente pour être acceptés sur la plate-forme, à moins de choisir l’adhésion payante, à raison de 12 euros par mois. La question est de savoir si les articles valent autant qu’un abonnement à une revue journalistique classique, qui ne choisit pas ses sujets en fonction des internautes, mais de l’actualité.

Si Facebook a annoncé le 26 octobre dernier le lancement de son onglet actualités, en proposant de rémunérer les éditeurs de presse pour utiliser leur contenu, WT:Social compte diffuser ses articles indépendamment des médias. Dans les deux cas, non seulement les conditions de rémunération restent à définir, que ce soit celles des journaux pour Facebook, ou des journalistes pour WT:Social. Qui plus est, entre les algorithmes de Facebook, ou la communauté WT:Social, le contenu proposé par ces réseaux sociaux s’apparenterait à une actualité choisie.

Certains n’y verront pas d’inconvénients. Arguant qu’il existe après tout des presses spécialisées – à cette différence près qu’elles récupèrent les sujets naissants – ou que certaines directions de rédaction poussent les journalistes à traiter des thèmes capables de séduire un maximum de lecteurs. Peut-être, et quand bien même, est-ce une raison suffisante pour perpétuer la chose ?

Les journalistes, avant « d’épauler » leurs concitoyens, ou de plaire… n’ont-ils pas simplement vocation à faire part des évènements, plutôt que de se soumettre à un tri initial ? Plus largement, ce système, sans doute parfois jugé archaïque, est pourtant fondamentalement garant d’un moindre mal : la démocratie. À méditer, tout de même.