Les conséquences du conflit à Hong-Kong n’en finissent plus d’agiter Internet. Alors qu’un simple tweet du manager des Houston Rockets a déclenché une invraisemblable crise diplomatique entre la Chine et la NBA, au tour du monde du jeu vidéo d’être touché par l’intransigeance chinoise et les excès de zèle de ses partenaires. Blizzard a banni d’un tournoi du jeu Hearthstone un joueur professionnel hongkongais qui s’était présenté en conférence de presse avec un masque à gaz et des lunettes, l’attirail traditionnel des manifestants prodémocratie à Hong-Kong.

Dans cette conférence d’après-match, Chung Ng Wai, surnommé « Blitzchung », a eu le temps de crier « Libérez Hong Kong, la révolution de notre temps ! » avant que la régie ne mette précipitamment fin à l’entretien. Malaise en direct sur la chaîne officielle. La réaction ne s’est pas faite attendre : Blizzard a immédiatement suspendu le joueur de la compétition, l’a condamné à rendre les gains accumulés sur la saison en cours (environ 10 000 dollars) et l’a interdit de toute compétition d’e-sport pendant un an. Blizzard n’a pas fait de détail et a également licencié les deux commentateurs ayant réalisé l’interview de Blitzchung.

Blizzard est une entreprise américaine, mais est possédée à 5% par Tencent, le géant des télécoms chinois, tandis que le marché chinois représente un fort potentiel de croissance pour l’éditeur. De quoi paniquer et préférer l’autocensure à d’éventuelles réprimandes venues de Chine.

« Bien que nous respections le droit de chacun d’exprimer ses pensées et opinions, les joueurs et autres participants qui choisissent de participer à nos compétitions sportives doivent se conformer aux règles officielles de la compétition », explique Blizzard dans un communiqué. À titre de comparaison, un joueur d’Overwatch, autre jeu de Blizzard, n’avait écopé que de 3 000 dollars d’amende et d’une suspension de trois matchs pour des propos racistes.

La décision de Blizzard a suscité une forte vague de réprobation… jusque dans le jeu Hearthstone lui-même. Des joueurs américains ont profité de la diffusion d’un tournoi universitaire pour brandir une pancarte « Libérez Hong-Hong, boycottez Blizzard ». Une séquence directement coupée par la régie, une nouvelle fois.

Les appels au boycott se multiplient, notamment sur Twitter où le hashtag #BoycottBlizzard connaît un franc succès. La case « Dites nous en plus sur les raisons de l’annulation de votre abonnement » aux jeux Blizzard est devenu un gigantesque cahier de doléances.

Le subreddit de Hearthstone, fréquenté par plus d’un million de personnes, est rentré en fusion depuis le déclenchement de l’affaire et les mèmes anti-Blizzard fusent.

Logo Blizzard détourné

Mei, climatologue chinoise dans le jeu Overwatch

Mei, climatologue chinoise dans le jeu Overwatch de Blizzard, parodiée par les internautes.

Des employés de Blizzard semblent eux-même mal à l’aise avec la décision prise par l’éditeur de jeux vidéo. Une inscription au sol « Chaque voix compte » a été recouverte d’un morceau de papier devant le siège de Blizzard en Californie.

L’affaire Blizzard pose question : jusqu’où s’étend la sphère d’influence de la Chine et sa potentielle censure ? Les regards se sont notamment tournés vers Epic Games, éditeur de Fortnite, détenu à 40% par Tencent. Interrogé par The Verge, un porte-parole de l’entreprise a assuré qu’Epic « soutenait le droit de chacun d’exprimer son point de vue sur la politique et les droits de l’homme » et que l’entreprise ne sanctionnerait un joueur qui soutiendrait la cause hongkongaise. Bonne nouvelle, vous pouvez encore danser le Floss avec un masque à gaz et des lunettes.