ManoMano est une belle success story française. La marketplace dédiée au bricolage et au jardinage a vu le jour en 2012. Elle s’est rapidement déployée pour se développer en Belgique, en Espagne, en Italie, au Royaume-Uni, et en Allemagne dès 2016. Pour soutenir sa croissance, ManoMano a récemment bouclé une levée de fonds de 110 millions d’euros.

Les chiffres ne mentent pas sur le succès de l’entreprise. En 3 ans, la société est passée de 25 collaborateurs à 370, et a atteint les 420 millions d’euros de revenus en 2018. Récemment, la marketplace a lancé sa version destinée aux professionnels baptisée ManoManoPro. Avec une offre renforcée et dynamisée, la prochaine étape est claire : dépasser le milliard d’euros de chiffre d’affaires. Pour un marché européen à 400 milliards, on ne doute pas de leur capacité à atteindre cet objectif. Pour y contribuer, des technologies au service des Hommes, et non l’inverse. C’est en tout cas ce qui est ressorti de notre entretien avec Maxime de Baillon, VP Growth & Data de ManoMano durant le salon One to One de Monaco.

Le constat qui a éclairé la voie de la création de ManoManoPro, c’est que dans leur parcours client, certains utilisateurs savaient exactement ce qu’ils recherchaient et ne perdaient pas de temps avant d’acheter. Se cachaient logiquement des spécialistes derrière cela, et il fallait bien leur proposer une expérience adaptée. C’est donc au cours d’une « aventure collective » que ManoManoPro émerge, en seulement un trimestre. Le fruit du travail de 15 équipes, totalisant 75 professionnels. « C’est remarquable et on a la chance d’avoir une très bonne équipe tech’, » a confié Maxime de Baillon à Siècle Digital. Le marché des produits pour le bâtiment est assez peu digitalisé, seuls 5% le sont. Avec cette offre, ManoMano est en mesure de livrer sur le chantier des artisans, ainsi, la plateforme devient le fournisseur unique du professionnel, lui proposant 20 000 références (sur 3 millions), tout en lui évitant de déplacements supplémentaires.

Au-delà de cette nouvelle offre, une première porte d’entrée lorsqu’on est une marketplace, c’est bien évidemment la publicité en ligne, surtout sur les moteurs de recherche. Ainsi pour son SEA, les équipes de ManoMano ont développé leurs « propres algorithmes d’enchères. C’est assez original puisque la plupart des retailers vont utiliser ceux proposés par défaut par Google. Or, nous nous sommes aperçus que nous avions de meilleures performances avec nos propres algorithmes. »

Siècle Digital : Le fait de développer vos propres algorithmes, ou de travailler de façon soutenue sur la personnalisation du parcours client, ne vous ferait pas tendre vers une société de technologie, comme Amazon, et non pas vers une plateforme ecommerce ?

Maxime de Baillon : Je pense que nous nous orientons plus vers une plateforme technologique qu’un site ecommerce. Pour moi, le site est une surface, mais au-dessous, nous avons été poussés à développer plein d’algorithmes. Par exemple, il y en a qui servent à qualifier nos produits. Ils lisent la fiche, et rangent les caractéristiques dans un tableau. C’est simple pour un humain, mais comme on a 3 millions de produits, il faut le faire de manière automatisée. Bien évidemment, ça ne remplace pas l’intervention de l’Homme, surtout lorsque la machine a des doutes. Sinon, pour tous les cas faciles, la machine lit la fiche et est capable de dire que telle perceuse fait 500W, 18V, avec du sans-fil, etc. Cela nous permet par la suite d’avoir des filtres qui fonctionnent correctement sur notre site pour offrir une bonne expérience client. Les algorithmes constituent cette partie immergée où la création de valeur est énorme et c’est pour ça que l’on crée nos propres solutions pour la catégorisation, pour la fraude, la recommandation, etc.

SD : Et lorsqu’il faut créer une catégorie, ce sont les algorithmes ou les humains ?

MdB : C’est un mix des deux. La partie création de catégories est humaine, souvent grâce aux données analysées. Par contre lorsqu’un marchand nous envoie son catalogue et qu’il y a des marteaux, des vêtements, et des ballons de foot par exemple, l’algorithme va le trier en fonction de ce que l’on vend ou non. Ensuite, il va se charger de ranger les produits qui correspondent. Mais pour revenir à la création de catégories, c’est surtout humain. C’est une vraie symbiose. On croit en l’Homme augmenté par les algorithmes.

Pour moi, deux atouts majeurs vont dessiner le futur de ManoMano. Le premier, c’est son esprit résolument tourné vers les technologies avec une volonté de créer ses propres solutions. Le second, c’est sa présence sur un secteur en pleine transformation, vers le numérique. En revanche, on ne livre pas du ciment comme on livre un ventilateur USB … ce qui peut créer un fossé dans la comparaison avec Amazon. Mais qui sait, peut-être que dans les années qui viennent nous hébergerons notre site sur ManoMano Web Services …