À l’occasion du World AI Cannes Festival qui se déroule jusqu’au 10 février, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a partagé ses « convictions et ambitions » sur l’intelligence artificielle (IA). Le ministre a affirmé que « la France est la première nation en Europe sur l’IA » et, rappelant que l’Europe a vu naître l’imprimante de Gutenberg, le continent doit rester « un espace de rupture technologique et d’audace ».

Le discours de ce vendredi 9 février a été marqué par la volonté de relancer le chantier de l’union des marchés de capitaux en Europe et de poursuivre celui d’un marché européen unique de la donnée. Deux mesures visant à soutenir le progrès dans l’IA et sortir de la dépendance aux technologies américaines et chinoises.

Une coopération économique pour des supercalculateurs

Durant la déclaration d’une trentaine de minutes, Bruno Le Maire n’a pas résisté à l’envie de lancer une pique sur l’Union européenne (UE). « Réguler, réguler, réguler… Réguler c’est bien, innover c’est mieux », avant de nuancer, « Il vaut mieux réguler une innovation que nous maîtrisons que de réguler une technologie que nous ne maîtrisons pas ».

Pour relever le défi de l’IA, la France met en avant plusieurs atouts : l’excellence de ses scientifiques, une énergie décarbonée propice au développement de supercalculateurs et un tissu économique et entrepreneurial dynamique. Des avantages stratégiques que le ministre de l’Économie veut soutenir.

Bruno Le Maire veut ainsi encourager les ingénieurs de Polytechnique, de l’institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) ou encore du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) à travailler pour des entreprises françaises et européennes. « Pour garder les meilleurs, il faut donner les meilleures rémunérations et équipements », a-t-il déclaré.

Pour ce faire, il souhaite laisser aux universités, centres de recherche et laboratoires une liberté sur la rémunération de leurs scientifiques. Il veut également une coopération européenne sur l’achat de supercalculateurs afin de rivaliser avec le MIT et Stanford.

Ces installations pourraient profiter du « deuxième atout » de la France, une énergie décarbonée, bientôt alimentée par six nouveaux EPR. « Un centre de données consomme plusieurs centaines de mégawatts. À l’avenir cela pourrait monter jusqu’à un gigawatt. C’est l’équivalent d’une ville de 500 000 habitants et de la moitié de la capacité d’un EPR. »

Bruno Le Maire voudrait également étendre la coopération économique avec l’union des marchés de capitaux pour soutenir l’investissement. « Le financement bancaire n’est plus à la hauteur pour soutenir les levées de fonds des entreprises », a-t-il insisté, justifiant la création d’un marché unique. Un combat que la France mènera coûte que coûte, « Nous n’allons pas être 27 pays d’accord. Nous avancerons sans ceux qui ne veulent pas de cette union des marchés des capitaux. »

Alimenter les IA, des enjeux culturels et démocratiques

S’il y a beaucoup d’ambition dans le discours de Bruno Le Maire, il reconnaît des faiblesses. C’est le cas des menaces d’espionnage économique qui pèsent sur certaines entreprises, ainsi que la tokenisation, procédé qui permet aux IA d’apprendre des groupes de mots. Aujourd’hui, les IA sont entraînées majoritairement en anglais, ce qui représente aux yeux du ministre un risque pour la culture française.

« Je veux que chat GPT mange autant de pages de Stendhal que de Mark Twain […] Nous devons nous battre pour que les IA s’entraînent sur des livres, textes et poèmes français et européens. Notre culture est malmenée sur les réseaux sociaux, je ne veux pas qu’elle soit fragilisée par les algorithmes et l’IA. »

Culture qui est également menacée par la capacité des GAFAM à acheter de nombreux copyrights qui nourrissent les IA. Le travail de milliers de journalistes et de créateurs européens est ainsi récupéré, ce qui fait peser des risques futurs sur la liberté de l’information et donc la démocratie. Pour répondre à ces problématiques, le ministre a avancé le besoin de créer un marché européen unique de la donnée.