La loi des finances pour 2024 a été définitivement adoptée le 21 décembre, suite au vote favorable de l’Assemblée Nationale. Elle inclut, entre autres, une mesure qui permet au ministère de l’économie de récupérer une immense quantité de données en ligne afin d’identifier des cas de fraude fiscale.
Une expérimentation en demi-teinte, renouvelée malgré tout
Chaque année, le gouvernement présent son projet de loi des finances, qui est ensuite approuvée par le Parlement français. Généralement, plusieurs dispositions sont prises en lien avec le numérique. Le cadre législatif pour l’année 2024 ne fait pas exception. En 2019, la loi des finances pour 2020 incluait l’expérimentation d’un dispositif permettant au gouvernement de consulter en masse des données disponibles sur internet pour détecter des fraudes en tout genre, et plus particulièrement celles en lien avec le fisc.
Inscrivez-vous à la newsletter
En vous inscrivant vous acceptez notre politique de protection des données personnelles.
Malgré les réserves de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), le gouvernement a sommé la direction générale des finances publiques (DGFiP) et les douanes de mettre en place cette pratique dès la fin de l’année 2020. À noter que les autorités n’ont pas eu accès aux données des plateformes sociales telles que Facebook, la CNIL et le Conseil constitutionnel les interdisant de les récupérer. Ils ont tout même eu accès aux plateformes de location ou à des sites comme Leboncoin.
Toutefois, dans le projet de loi de finances pour 2024, les députés et sénateurs ont voté favorablement pour la prolongation de cette expérimentation, avec la possibilité d’aspirer les données issues des réseaux sociaux. Le Monde a pu obtenir un rapport présentant le fonctionnement et les résultats des tests grandeur nature réalisés ces trois dernières années.
La DGFIP s’est tout d’abord intéressée aux activités en lien avec la fraude fiscale, tandis que les douanes se sont focalisées sur la vente illicite d’armes à feu et de tabac. Lors des vagues suivantes, les autorités ont préféré se concentrer sur les ventes de voitures et les locations meublées, connues pour être un nid à arnaques. En tout, dix-sept collectes de données ont été effectuées entre le début de l’année 2021 et juin 2023.
Une fois récupérées, ces annonces sont classées et analysées pour mettre en lumière les informations nécessaires à l’identification des personnes concernées. L’administration fiscale a également la possibilité de faire appel aux fournisseurs d’accès à Internet, mais aussi aux plateformes pour obtenir des données supplémentaires autour de ces annonces. Ensuite, les services de l’État mettent ces informations en corrélation avec leurs propres bases de données afin de savoir si les personnes en question sont connues de l’administration. S’il s’avère que ce n’est pas le cas, ils pourront procéder à une enquête ou à un contrôle.
La DGFIP a analysé un million d’annonces de biens et de services et seulement 160 d’entre elles ont été considérées comme suspectes, entraînant dix-sept contrôles fiscaux. Deux d’entre eux ont été clôturées. La douane, elle s’est basée sur plus de 70 000 annonces de ventes d’armes à feu et de tables, ayant abouti à dix-neuf enquêtes. À noter que ces chiffres restent provisoires car de nombreux cas n’ont pas encore été traités. En tout, un peu plus d’1,4 millions d’euros ont été déboursés par l’État pour cette expérimentation, sans compter les moyens humains.