L’avènement du numérique a transformé notre monde, révolutionnant la façon dont nous vivons, travaillons et communiquons. Toutefois, cet essor technologique s’accompagne de préoccupations environnementales majeures. Selon les données de l’Arcep, il représente 3 à 4 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde et 2,5 % de l’empreinte carbone. Un chiffre qui devrait continuer de croître dans les années à venir.

Pour les entreprises, opter pour une utilisation plus écologique et éthique du digital est aujourd’hui indispensable. L’éco-conception des services numériques joue un rôle clé dans cette transformation. Pour en savoir plus sur les avantages de cette démarche innovante et les bonnes pratiques à adopter pour la mettre en œuvre, Siècle Digital s’est entretenu avec Annabel Vincent, Directrice de Projets et Antonin Savoie, Lead Developer chez Kaliop. Spécialiste de la transformation digitale et de l’innovation depuis plus de vingt ans. L’agence accompagne ses clients dans l’adoption d’une démarche numérique plus responsable.

Éco-conception : de quoi parle-t-on ?

L’éco-conception est une démarche d’amélioration continue et préventive. Elle consiste à intégrer des aspects environnementaux lors de la conception et le développement de produits digitaux. Cela comprend bien sûr les appareils que nous utilisons pour aller sur internet, mais aussi les serveurs sur lesquels les sites sont hébergés, les réseaux qui permettent aux informations de transiter, que ce soit pour la fabrication des éléments, le coût de l’entretien et de la consommation énergétique, ou encore la fin de vie.

Comme le souligne Annabel Vincent, cela implique évidemment de prendre en compte le cycle de vie des produits et des appareils numériques : « un matériel, un ordinateur, un téléphone portable ou même un logiciel a une fin de vie, il doit être recyclé à ce moment-là ».

Toutes ces démarches d’éco-conception font partie du numérique durable, qui vise à réduire l’empreinte écologique, économique et sociale des technologies de l’information et de la communication. « Ce levier inclut également toute la partie RGPD, la gestion responsable des données ainsi que l’accessibilité et bien entendu, l’éco-conception », précise l’experte. Le concept est encadré et repose sur plusieurs standards, dont l’ISO-14062.

« C’est une démarche d’efficience et de frugalité. L’idée, c’est de faire mieux avec moins, et pas de faire moins pour consommer moins », résume Antonin Savoie.

Éco-conception, une démarche qui suscite l’intérêt des entreprises

Bien que l’éco-conception ait émergé dans les années 1990, ce n’est que depuis peu que les entreprises s’intéressent réellement à ce concept. Cela s’explique par un accroissement des problématiques écologiques et une prise de conscience progressive quant à celles-ci. Un point que les équipes de Kaliop ont remarqué, car certains de leurs clients évoquent désormais les enjeux environnementaux lors de la conception de leurs projets.

« Aussi, historiquement, Kaliop a démarré avec des clients qui étaient dans le domaine de l’écologie, avec notamment des parcs naturels. Dès le début, cela faisait donc partie de nos valeurs. C’est quelque chose que nous retransmettons aujourd’hui via la réduction de notre empreinte carbone », précise le Lead Developer.

Même si la prise en considération des enjeux environnementaux dans le quotidien des professionnels a commencé, elle demeure assez lente, selon Annabel Vincent. Il est possible que ce soit parce que la pollution numérique est un phénomène invisible. Se rendre compte de son impact est alors difficile. Conscient de cela, Kaliop s’efforce de prendre parole sur ce sujet « aussi bien avec les clients qu’en interne », explique la Directrice de Projet.

Faire rimer écologie et business, une histoire de bonnes pratiques

Une question demeure toutefois : comment se lancer dans l’éco-conception ? En effet, le déploiement de la démarche ne se fait pas tout seul. Cela demande de sensibiliser ses équipes sur ce sujet, utiliser des outils dédiés et adopter de nouvelles pratiques.

Kaliop distingue plusieurs leviers pour se lancer. Le premier est de repenser le design et la conception de son produit en se concentrant sur les besoins à satisfaire, les problématiques à résoudre et la valeur à apporter. Le tout, sans vouloir en faire trop.

Ensuite, il faut se pencher sur la durée de vie des terminaux. « Il y a énormément d’impacts qui proviennent de la fabrication et du recyclage ou du non-recyclage des terminaux que nous utilisons pour accéder à Internet », rappelle Antonin Savoie. L’idée est de concevoir un produit qui consomme le moins de bande passante possible.

Tout l’enjeu est d’optimiser le fonctionnement du produit, mais également de réfléchir à l’usage réel qu’en font les internautes. C’est la raison pour laquelle Kaliop dispose d’une équipe “expérience”, qui s’intéresse aux points importants et moins importants lors de la navigation des internautes sur un site. Cela permet d’identifier les axes d’amélioration pour l’expérience utilisateur et d’innovation pour le produit digital.

Pour un site, cela bénéficie même à son référencement naturel. « En se focalisant sur les fonctionnalités essentielles, on a moins d’éléments à optimiser et on améliore les performances. Cela a forcément un impact sur les ressources qu’on va consommer et indirectement sur le SEO. Plus un site est performant et suit les règles de bonnes pratiques de Google, plus il remonte haut dans les résultats », rappelle le Lead Developer.

En outre, pour réussir le déploiement de sa démarche d’éco-conception, plusieurs ressources s’avèrent utiles. Il existe des guides des bonnes pratiques à suivre, comme le Référentiel général d’éco-conception de services numériques (RGESN). Il s’agit de l’ensemble des règles proposées par la Direction interministérielle du numérique (DINUM), le Ministère de la Transition Écologique, l’ADEME et l’Institut du Numérique Responsable. Il couvre l’architecture, l’UX/UI, le contenu… De la conception du produit jusqu’à son utilisation.

« Il y a aussi des livres, comme “Éco-conception web : les 115 bonnes pratiques”. Il offre de nombreux exemples sur la partie conception, hébergement ou encore implémentation », ajoute Annabel Vincent. L’ouvrage a été mis au point par des experts reconnus, regroupés au sein du collectif GreenlT.

Une mise en pratique à plusieurs niveaux

La mise en pratique de l’éco-conception se fait à plusieurs niveaux. Le premier, c’est l’optimisation technique, comme le code d’un site. Viennent ensuite « l’architecture du service et le choix de la technologie », révèle la Directrice de Projet. Cela comprend la mise à jour des dispositifs technologiques, des logiciels ou encore des terminaux, tout en prenant en compte leur cycle de vie.

« Puis, le niveau 3, c’est l’innovation fonctionnelle, où on va vraiment insister sur les fonctionnalités qui seront les plus utilisées. Et enfin, avec le niveau 4, on est réellement dans la disruption. C’est la solution radicale d’innovation et de rupture », ajoute l’experte.

À partir de là, des outils peuvent être adoptés pour suivre l’empreinte carbone de ses services numériques, et notamment des pages web. Nous pouvons citer Ecoindex ou encore Ecometer.

Surmonter les obstacles à l’éco-conception

Comme tout changement dans une entreprise, l’éco-conception s’accompagne de quelques défis. Le manque d’expérience peut être l’un d’entre eux. Par où commencer ? Que faut-il modifier en premier ? Il peut être difficile d’obtenir des réponses. L’idée est plutôt de commencer progressivement en adoptant, dans un premier temps, les pratiques jugées comme les plus importantes par les experts du secteur. « À force d’en regarder une, deux puis trois, cela va ouvrir plein d’autres petites portes vers les autres bonnes pratiques », illustre Antonin Savoie.

Le budget peut également être un point épineux, révèle Annabel Vincent, dont l’une des missions est de gérer la partie budgétaire des projets clients. « On me demande “Est-ce que l’éco-conception ne va pas me coûter plus cher ?”. Non, justement, cela va certainement coûter moins cher parce qu’on va vraiment se focaliser sur ce qui est important pour les utilisateurs finaux », assure-t-elle.

Outre l’effort environnemental, l’éco-conception a un effet domino positif dans une organisation : seules les fonctionnalités utiles sont développées, permettant d’améliorer l’expérience utilisateur. L’équipe de développement passe alors moins de temps à créer des fonctionnalités qui ne seront pas ou peu utilisées, ce qui permet de réaliser des économies considérables. « C’est un cercle vertueux. Il faut réussir à rentrer dedans, mais une fois qu’on y est, on a ces trois bénéfices-là », conclut le Lead Developer de Kaliop.