Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) a publié le 7 novembre, un rapport intitulé « la Femme Invisible dans le numérique : le cercle vicieux du sexisme ». Ce document met en lumière la place minoritaire des femmes dans le numérique, la présence d’une culture sexiste dans le milieu, et l’importance d’aboutir à une égalité dans ce secteur.

Des tendances sexistes loin d’être éradiquées dans les métiers du numérique

Pour le HCE, « la filière numérique reste largement dominée par les hommes et en conséquence caractérisée par une forte culture sexiste ». 46 % des femmes actives dans la tech ont déjà été victimes de comportements sexistes contre 38 % dans le reste des secteurs.

En plus de ce problème de culture dans les entreprises, les écarts de rémunération persistent. Une étude de l’INSEE permet de constater que certaines catégories professionnelles sont plus touchées par ces différences, les cadres et les ouvriers notamment. L’ensemble des profils professionnels reste concerné par cet écart salarial entre hommes et femmes.

Les inégalités salariales dans le secteur du numérique en France, en 2023. Capture d’écran : HCE.

Ces situations « finissent par rendre le monde du numérique rebutant pour les femmes, » précise le rapport. À cela s’ajoute une acculturation des jeunes filles, confrontées à des biais éducatifs, des stéréotypes persistants, une trop faible proportion de modèles de femmes scientifiques à qui elles peuvent s’identifier, ou à une sensibilisation inexistante aux métiers du numérique.

En conséquence de ces divers facteurs, seuls 29 % des employés des domaines technologiques sont des femmes. Ce chiffre baisse à 16 % lorsque le poste concerné requiert des compétences plus poussées et plus techniques. En 2022, 78 % des nouvelles start-up européennes étaient uniquement dirigées par des hommes.

La France fait même figure de mauvaise élève, étant en retard sur le sujet par rapport aux autres pays européens. Au sein de l’Union européenne, une étude de Gender Scan 2022 montre que la proportion de femmes employées dans un métier technologique reste inférieure à 20 %. Claude Schmuck qui a travaillé pour cette étude, explique que « depuis 2020, la proportion de femmes dans le numérique a augmenté de 5 % en France alors qu’elle a augmenté de 15 % au niveau européen ».

Deux tableaux sur l'évolution du nombre de postes attribués à des femmes en France et en Europe.

Par rapport à la moyenne européenne, la France est nettement en retard. Capture d’écran : la Femme Invisible dans le numérique : le cercle vicieux du sexisme / HCE.

Le déséquilibre né d’une situation déjà en soi particulièrement problématique, est, en plus contre-productif. La filière du numérique manque de bras et de talents. Selon l’étude « Les métiers en 2030, Prospective des métiers et qualifications », 115 000 postes d’ingénieurs en informatique en plus seront à pourvoir d’ici la fin de la décennie. Rendre ces parcours beaucoup plus compliqués pour plus de 50 % de la population ne va pas aider.

La solution passe par une réforme de l’accès à la formation et à l’entrepreneuriat

Si le Haut Conseil ne nie pas que les pouvoirs publics ont mis en place de multiples initiatives pour tenter de réduire cette fracture et le sexisme, il « constate la lenteur inexorable des progrès accomplis et le retard de la France ». Pour mettre un terme à cette situation, l’instance consultative a soumis une quinzaine de préconisations.

Elles s’axent notamment sur la formation et l’éducation des jeunes filles dans les filières du numérique. À la rentrée 2020-2021, les femmes représentaient 31% des inscrites dans des formations scientifiques dont 23% en informatique. Le HCE propose que des quotas soient imposés dans les lycées et les établissements d’enseignement supérieur, soutenu par la création de tutorats et de mentorats.

En parallèle à la formation, le HCE souhaiterait favoriser l’entrepreneuriat féminin dans le numérique en transformant le système d’investissement français. Comme l’explique Chiara Corazza, « Dans le monde, on recense 224 millions de femmes entrepreneuses, ce qui correspond à 35 % du total des entreprises, et en moyenne, elles ont accès à moins de 1 % des financements liés aux appels d’offres publics et privé ».

En encourageant à la reconversion dans le numérique via des aides, ou en imposant des objectifs de parité aux responsables des investissements, le Haut Conseil estime que les autorités se donnent une réelle chance d’améliorer l’accessibilité aux financements et à l’entrepreneuriat pour les femmes.