Une heure durant, Masayoshi Son a chanté de façon très appuyée les louanges de l’intelligence artificielle (IA) et de son avenir. À la tribune de l’événement annuel de son entreprise, SoftBank World, ce 4 octobre à Tokyo, il en a profité pour sommer le Japon à ne pas rater ce virage.

Masayoshi Son fait le pari IA

Un poisson rouge dans un bocal, avec un point d’interrogation au-dessus de la tête. Voilà l’image qui apparaissait derrière le fondateur de SoftBank durant son discours. L’occasion pour le Wall Street Journal de signaler que Masayoshi Son est connu pour sa propension à présenter des « diapositives loufoques », mais aussi, et surtout que le directeur général a été discret au cours d’une année 2023 difficile pour son entreprise.

Ce n’était pas le sujet du discours du jour. Le soixantenaire est venu se livrer sur son amour de l’IA. Il a confié échanger avec GPT-4 quotidiennement et lorsqu’il se lasse, il organise des conversations entre divers chatbots qu’il arbitre. Il a témoigné encourager ses salariés à utiliser l’IA pour en trouver des usages utiles pour SoftBank.

Masayoshi Son est surtout allé beaucoup plus loin dans sa lettre d’amour aux cerveaux de silicium. Pour lui l’IA dépassera l’intelligence humaine dans tous les domaines d’ici 10 ans, dans 20 elle sera 10 000 fois plus performante. Ceux qui ne s’adapteront pas à l’IA vont devenir l’équivalent d’un singe vis-à-vis d’un homme aujourd’hui. Ou d’un poisson rouge perdu dans un bocal.

Ce discours chez les grands PDG de la tech est loin d’être inhabituel. Le succès de ChatGPT puis de GPT-4 a suscité la sortie de multiples tribunes sur les futures performances de l’IA. Avant novembre 2022, Elon Musk abordait déjà souvent le sujet, notamment pour soutenir, avec Neuralink, l’idée d’un humain améliorer, capable de rivaliser avec les robots.

Êtes-vous IA-optimiste ou IA-pessimiste ?

C’est là que Masayoshi Son se démarque. Contrairement à Musk, ou Sam Altman d’OpenAI, le dirigeant japonais est persuadé que l’évolution de l’IA est une bonne chose, profondément positive pour la science, l’ingénierie, l’organisation de la société. Les notions, proches, d’IA générale ou de singularité, évoquée dans son discours, sont très en vogue ces dernières décennies. La première désigne l’IA capable d’égaler ou surpasser l’humain dans tous les domaines. La seconde, presque aussi vieille que les recherches des années 50 sur le sujet, évoque une IA si puissante qu’elle provoquera des changements imprévisibles dans la société. Elle recouvre également le scénario d’une IA dotée d’une conscience émotionnelle.

Cette perspective est clivante. Les optimistes, comme Masayoshi Son, y voient une opportunité. Les pessimistes, à la Elon Musk, y voient le glas de l’humanité en tant qu’espèce dominante. Dans un article publié en 2020, Jean-Gabriel Ganascia, professeur d’informatique à la faculté des sciences de Sorbonne Université fustigeait ce « mythe de la singularité technologique ».

Il écrivait alors, « Les théories de la Singularité technologique et les autres annonces, catastrophistes ou enthousiastes, lancées par des célébrités, chercheurs, hommes d’affaires ou ingénieurs, se révèlent, à l’analyse, bien peu fondées sur le plan scientifique ».

Entre-temps, l’IA générative est arrivée. Dans un secteur où tout peut évoluer rapidement, la question est de savoir s’il s’agit du début d’un progrès technique et scientifique en capacité de changer la donne, ou restera simplement un succès commercial et populaire.