Il n’est pas exceptionnel de croiser des stands estampillés ministère des Armées dans les salons étudiants, pour le recrutement, évidemment. À VivaTech, le salon des start-up qui se déroule en cette mi-juin à Paris, cela interpelle davantage. C’est pourtant parfaitement cohérent avec la mission de l’Agence de l’innovation de Défense (AID).
L’armée à l’affût des technologies duale à VivaTech
« Nous n’innovons pas qu’au profit des systèmes d’armement, » a rappelé d’emblée à Siècle Digital Florence Pavie, Chef de la division valorisation de l’innovation de l’AID, « L’innovation qui nous intéresse couvre beaucoup de sujets ». L’agence a été créée il y a 5 ans pour fédérer les acteurs de l’innovation du ministère des Armées et conduire des dispositifs de soutien à l’innovation.
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En pensant armée, la première chose qui vient à l’esprit, c’est porte-avions, sous-marin lanceur d’engin, avion de chasse… Florence Pavie confirme que le gros du budget de l’agence, 1,2 milliard en 2022, est dirigé vers ces grands projets. En revanche, « 15 % sont dédiés à l’innovation ouverte, » signale-t-elle. L’innovation ouverte ? « Cela correspond plutôt à des technologies duales [d’usage civil ou militaire], comme dans le domaine de la communication, des drones, de la santé, de l’énergie, de la robotique… »
Sur le stand du ministère il était ainsi possible de découvrir une prothèse de jambe bionique, pour réparer les soldats blessés en mission, une solution auditive intelligente, pour préserver du bruit des tirs tout en continuant à communiquer en radio, une meute de drones sous-marins capables de constituer une antenne maillée, une caméra infrarouge miniaturisée…

Proteus, meute de drones sous-marins constituant un sonar déporté. Photographie : Ministère des Armées
Florence Pavie ne fait aucun mystère de la mission du ministère Porte de Versailles, « l’objectif à VivaTech est de détecter les start-up d’intérêt, si la technologie va nous apporter quelque chose ». En plus du stand fait pour échanger sur les dispositifs proposés par l’AID « nous avons aussi des personnes qui circulent dans les salons pour détecter des start-up pertinentes pour nous ».
Longtemps prescripteur en matière d’innovation, l’armée compte désormais sur des acteurs extérieurs. À ce titre, le site de l’AID est explicite, « vous êtes une start-up, une PME/ETI, un grand groupe industriel, un laboratoire, une école, un centre de recherche et vous voulez contribuer à l’innovation de défense, faites-vous connaître auprès de l’AID ».
350 à 400 projets soutenus par an par l’AID
Si le tampon militaire peut rebuter certaines entreprises, « généralement elles sont très intéressées » note avec une pointe de satisfaction Florence Pavie. À la clef il y a la possibilité d’obtenir une subvention ou un contrat, en plus d’un accompagnement, d’une mise en contact…
Gwenolé Nexer, Directeur de la Performance et de la Transformation Groupe de Cotral Lab, à l’origine de Bionear, la solution auditive intelligente confirme : « travailler avec l’armée nous a permis d’accélérer le développement de notre produit ». Alexandra Houiste, responsable Marketing Operationnel de Proteor, derrière la prothèse électronique, abonde « nous n’aurions pas pu concevoir cette prothèse sans le soutien de l’AID ».
350 à 400 nouveaux projets sont soutenus par l’AID par an dans le domaine de l’innovation ouverte, avec des soutiens d’ampleurs variables. Pour obtenir l’aide de l’Agence, il faut toutefois remplir quelques conditions, la plus évidente est celle d’être une structure française, « il y a une considération d’autonomie stratégique et de souveraineté qui est très importante pour nous » rappelle Florence Pavie.
Pour les jeunes start-up intéressées, il y a aussi une contrainte qui peut avoir son importance : avoir déjà un marché civil viable. Florence Pavie explique que c’est « pour éviter qu’elles soient trop dépendantes de nous ». Si un jour le ministère met fin au contrat pour une raison ou une autre, la société doit pouvoir survivre.