« La tech demeure pour moi une des priorités absolues », a déclaré Emmanuel Macron en déambulant dans les allées de la 7ème édition de VivaTech, ce mercredi 14 juin. Le Président de la République garde surtout un œil sur l’intelligence artificielle (IA) qui bouleverse les activités des entreprises françaises. Sur scène, interpellé par Arthur Mensch, PDG et cofondateur de Mistral AI, une start-up spécialisée dans l’IA générative, Emmanuel Macron, paré d’un coq rouge, symbole de la French Tech, a expliqué l’importance pour la France de mener une bataille conjointe entre innovation et régulation dans ce secteur.
Emmanuel Macron veut rattraper la Chine et les États-Unis
« Nous ne pouvons pas nous permettre, en France et en Europe, de dépendre trop de nos partenaires sur une technologie aussi importante », a fait remarquer Arthur Mensch, sur scène, au Président de la République. « Comment la France et l’Europe envisagent de permettre l’émergence de champions européens et comment faire en sorte que la régulation de l’IA ne vienne pas gêner l’innovation ? »
Devant ces interrogations, Emmanuel Macron a souligné que la France était bien située dans le domaine de l’intelligence artificielle en Europe continentale, « si ce n’est leader ». Seule ombre au tableau : les Britanniques qui possèdent quelques champions, « mais qui ne sont pas irrattrapables ». Cependant, il précise que l’Hexagone accuse d’un retard face aux États-Unis et à la Chine.
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Favoriser l’émergence de champions français et européens
Afin de s’imposer dans un marché hautement concurrentiel, le Président a mis en avant son désir de « consolider la position de la France avec la création de plus de champions [de l’IA] ». Pour y parvenir, il prévoit d’investir dans les formations en intelligence artificielle pour habituer les entreprises à son utilisation. « Nous avons une chance sur cette bataille, c’est d’avoir les talents et les compétences dont nous avons besoin », notait-il, « nous avons aussi les bons organismes de recherche et d’universités, mais il faut que nous fassions beaucoup plus ».
À terme, il espère voir les talents français se démultiplier grâce à un financement à hauteur de 500 millions d’euros pour créer « 5 à 10 IA-Clusters et créer trois pôles d’excellence de niveau mondial ». La France va aussi investir 50 millions d’euros pour soutenir le développement de l’IA générative en renforçant le supercalculateur Jean Zay et développer, pour 2025, le supercalculateur Exascale. Sur la question d’attirer des nouveaux talents, Emmanuel Macron a dévoilé le « lancement d’un grand challenge sur l’IA » à hauteur de 40 millions d’euros. Enfin, 40 millions d’euros supplémentaires devraient être injectés dans la création d’une base de données en langue française.
L’IA comme vecteur d’efficacité de l’État pour Emmanuel Macron
Le Président de la République désire également que l’État ait de plus en plus recours à l’intelligence artificielle. Citant comme exemple l’Estonie, qui s’en sert pour traiter les contentieux civils, il assure que celle-ci pourrait être utilisée pour traiter les problèmes d’immigration. Pour lui, « il s’agit moins d’un problème de principe que de traitement de données » : l’IA permettrait de traiter plus vite les informations, réduisant le nombre de fraudes. « L’action publique doit s’approprier ces nouveaux usages pour être plus efficace, faire des économies et offrir un meilleur service », a-t-il précisé.
Pour favoriser une adoption rapide, l’Elysée prévoit de lancer, en fin d’année, une mission « pour évaluer les impacts économiques et sociaux des technologies grâce à un débat public ». Emmanuel Macron rappelle qu’il est essentiel de sensibiliser les Français à ce sujet afin d’éviter toutes formes de réticence comme il y a pu avoir précédemment avec le sujet des OGM. « Cela nécessite un débat public, nourri par la recherche et le monde économique », notamment pour expliquer que si l’IA peut bousculer des emplois existants, « elle va en préserver certains ».
Le problème de la régulation
Enfin, concernant la question de la régulation de l’IA, Emmanuel Macron a montré sa volonté de vouloir pratiquer le « en même temps ». En d’autres termes, chercher à innover et réguler en même temps. En amont de sa prise de parole, lors d’un bain de foule, il indiquait qu’« innover sans réguler est une folie, ce serait comme tailler des haies que nous n’avons pas ».
S’il est évident qu’une telle technologie a besoin d’un cadre de ses usages clairs, le Président estime que la façon de réguler actuelle est trop lente. « Le rythme européen n’est pas adapté car nous régulons trop lentement », concédait-il, « dès que nous votons une régulation, c’est souvent pour des technologies quasiment obsolètes ».
Pour remédier à ce souci, Emmanuel Macron veut mettre en place une doctrine mouvante, qui s’adapte en permanence. L’objectif est de s’imprégner des méthodes de législations britanniques, notamment en travaillant avec les grands acteurs du milieu, mais aussi en accélérant l’open source des grands modèles de langage. Toutefois, il alerte sur la nécessité d’avoir une régulation plus grande que le niveau européen et mentionne le partenariat mondial pour l’intelligence artificielle créé par les membres du G7. Ce dernier est soutenu par l’UNESCO et l’OCDE qui réfléchissent actuellement à une coopération internationale sur l’encadrement de l’IA.