Depuis une dizaine d’années, les grandes écoles de commerce connaissent des transformations majeures. Les attentes des étudiants ne sont plus les mêmes. En conséquence, les business schools se doivent de faire évoluer l’expérience pédagogique proposée. Nous avons échangé avec Stéphanie de Bazelaire, Directrice des Opérations et des Technologies au sein de l’EM Normandie, pour tenter de comprendre où en sont les écoles de commerce dans leur transformation digitale.

Stéphanie de Bazelaire EM Normandie

Stéphanie de Bazelaire, Directrice des Opérations et des Technologies au sein de l’EM Normandie. Crédit : EM Normandie.

Comment le digital a-t-il permis aux écoles de se transformer ?

Dans un monde où l’instantanéité est de rigueur, avoir accès à l’information en temps réel est devenu une exigence. Les attentes des étudiants n’échappent pas à cette injonction : être en contact à toute heure du jour ou de la nuit avec leur école, accéder aux contenus de leurs cours sur n’importe quel device et de n’importe où. Le digital permet de répondre à ces nouveaux besoins et d’offrir aux étudiants un campus phygital (physique et digital à la fois). Sans se tromper, on peut dire que le digital offre de nombreuses opportunités pour les écoles et les universités. Des opportunités qui peuvent transformer et améliorer l’offre pédagogique.

En effet, on pense tout de suite à l’apprentissage en ligne : les plateformes d’apprentissage en ligne permettent aux écoles et aux universités de proposer des cours à distance. Le digital permet aussi de collaborer à distance : les outils de collaboration en ligne comme les réseaux sociaux et les outils collaboratifs permettent aux étudiants de travailler ensemble à distance. Les enseignants peuvent également utiliser ces outils pour collaborer avec d’autres enseignants dans le monde entier, afin de partager des idées et des ressources pédagogiques. La personnalisation de l’apprentissage : les technologies numériques permettent aux enseignants de suivre la progression des étudiants et de leur offrir un apprentissage plus personnalisé en fonction de leurs besoins et de leur niveau de compréhension.

Il y a un autre volet à ne pas négliger : l’utilisation des données pour améliorer l’apprentissage. En effet, les écoles et les universités ont à leur disposition de grandes quantités de données. Elles peuvent utiliser les données collectées sur l’apprentissage des étudiants pour améliorer leurs programmes et leur offre pédagogique. Les données peuvent également être utilisées pour identifier les problèmes potentiels au cours de la scolarité et offrir une assistance aux étudiants qui en ont besoin. Enfin, la réalité virtuelle et augmentée est un axe de développement majeur pour les grandes écoles. Les technologies de réalité virtuelle et augmentée peuvent être utilisées pour offrir des expériences d’apprentissage immersives aux apprenants. Par exemple, les étudiants peuvent explorer des sites archéologiques ou des environnements virtuels pour apprendre l’histoire et les sciences.

En résumé, le digital offre une multitude d’opportunités aux grandes écoles et aux universités. Une transformation nécessaire pour s’adapter aux besoins des étudiants et répondre aux enjeux sociétaux.

Quelles grandes transformations retenir des 5 dernières années ?

De mon point de vue, c’est l’accélération de l’accès à la connaissance au moyen des outils numériques, de l’internet et de l’intelligence artificielle qui bouleverse le plus les métiers de l’enseignement supérieur et des grandes écoles en particulier. On peut se poser plusieurs questions comme, « quelle est la valeur ajoutée d’un enseignant quand le savoir est disponible en ligne de façon instantanée ? ». Voilà pourquoi l’expérience étudiante est au cœur des enjeux. Ce sont de grandes mutations auxquelles l’écosystème doit répondre. Cela nécessite de se transformer et de s’adapter.

Si on se concentre sur les cinq dernières années, on constate que plusieurs transformations se sont produites. Il y a l’importance croissante accordée à l’innovation pédagogique. C’est un sujet qui est commun à la majorité des écoles de commerce. En effet, les écoles ont intensifié leurs efforts pour repenser leurs programmes et leurs méthodes d’enseignement en intégrant des technologies émergentes, de nouveaux modèles d’apprentissage et des approches plus interactives pour améliorer l’expérience d’apprentissage des étudiants. Un sujet central à l’EM Normandie.

Il y a un fort accent mis sur les compétences entrepreneuriales. On constate que les grandes écoles ont mis en place de nombreux programmes pour encourager les étudiants à développer leurs compétences entrepreneuriales avec les incubateurs, des programmes d’accélération, des espaces de coworking sur les campus, afin d’aider les étudiants à lancer leur propre entreprise. Autre évolution notable : la collaboration accrue entre les écoles et les entreprises. L’objectif est d’offrir un cursus adapté en fonction des besoins du marché, pour proposer les bonnes opportunités aux étudiants.

La diversification des profils d’étudiants. C’est une autre évolution majeure des dernières années. Les grandes écoles cherchent à diversifier leurs communautés d’étudiants en recrutant des personnes issues de milieux différents, en particulier ceux qui sont sous-représentés dans l’enseignement supérieur, et en proposant des programmes de bourses d’études pour les étudiants talentueux et méritants. Les business schools connaissent des transformations majeures qui convergent vers une adaptation aux évolutions du monde, l’amélioration de l’expérience d’apprentissage des étudiants et le renforcement de leur pertinence dans un marché du travail en constante évolution.

Après le 100 % digital de l’ère covid, quelle est la nouvelle norme ?

Après le 100% digital et donc le 100% distanciel, le balancier doit revenir à une position centrale et le retour à la situation pré covid n’est plus envisageable ni acceptable. Il convient donc de trouver le juste équilibre entre des cours à distance qui facilitent le quotidien d’étudiants ou d’enseignants résidant loin des campus, permettant par exemple à un étudiant de diffuser son cours sur plusieurs campus en même temps, et la nécessaire présence physique garantissant de vivre une expérience étudiante de qualité.

Le blended learning ou l’hybridation, semble être une réponse adaptée à cette problématique mais cette modalité d’enseignement reste à perfectionner afin de puiser dans le meilleur des 2 pratiques. Cette forme d’apprentissage mixte est une approche pédagogique qui combine l’utilisation de l’enseignement en présentiel et en ligne dans un environnement d’apprentissage intégré.

Cette méthode d’enseignement offre une certaine flexibilité aux apprenants, qui peuvent accéder aux ressources d’apprentissage en ligne de n’importe où, tout en bénéficiant également de l’interaction en face à face avec des enseignants et d’autres apprenants lors de sessions en présentiel. Il s’agit d’un modèle de plus en plus populaire dans l’enseignement supérieur, mais il est également utilisé dans d’autres contextes d’apprentissage : formation professionnelle, formation en entreprise et dans l’enseignement secondaire.

À l’EM Normandie, quelles grandes mutations ont récemment été engagées ?

En 2020, l’EM Normandie a équipé l’intégralité de ses salles de classe sur l’ensemble de ses campus de matériels audiovisuels de haute qualité afin de garantir une excellente expérience d’apprentissage à ses étudiants en distanciel. L’école continue d’investir dans le développement d’outils digitaux puissants permettant d’accompagner ses étudiants de façon personnalisée. L’utilisation de la Data et de l’Intelligence artificielle est mise à profit afin d’apporter des services à valeur ajoutée à ses étudiants.

En 2021, l’EM Normandie a également lancé Ward. Une plateforme ATAWADAC (Any Time, Anywhere, Any Device, Any Content, Any Customer) intelligente et personnalisée qui a pour objectif d’accompagner les étudiants et les diplômés tout au long de leurs expériences académiques, professionnelles, internationales ou encore associatives. En résumé, Ward facilite l’accès aux informations, supports, événements, actualités ainsi que les interactions entre toutes les parties prenantes de l’École.

Il est indispensable de suivre les évolutions technologiques, de se les approprier et d’en tirer le meilleur parti afin d’en faire bénéficier nos étudiants et nos enseignants, pour rester connectés à un monde toujours plus incertain, en changement perpétuel à un rythme qui s’accélère. Nous avons la responsabilité de préparer nos étudiants à ce monde en les acculturant à ces bouleversements liés au digital.

Quelles sont les évolutions à venir ?

Il y a fort à parier qu’aucun retour en arrière n’est à envisager et que le rythme de ces grandes évolutions ne va pas ralentir. Les avancées récentes en matière d’intelligence artificielle nous laissent penser que nous ne sommes qu’au début de cette révolution copernicienne. Aujourd’hui, nous appliquons une forme d’apprentissage par projet. Concrètement, les étudiants sont encouragés à travailler sur des projets réels, à collaborer avec des entreprises et des organisations et à mettre en œuvre leurs connaissances sur des problématiques réelles.

Le terme de business school va devenir obsolète. Je pense que nous allons observer un élargissement des matières enseignées. Les écoles de management vont de plus en plus proposer des matières non traditionnelles, telles que l’éthique, la responsabilité sociale des organisations, l’utilisation de l’intelligence artificielle en entreprise, la durabilité environnementale ou encore la gestion des risques. À l’EM Normandie, les étudiants sont encouragés à explorer des domaines interdisciplinaires et à développer des compétences qui les aideront à avoir un impact positif sur le monde.

Parmi les autres évolutions que nous pouvons imaginer : l’intégration de l’IA comme accélérateur de la personnalisation des parcours de formation. Le machine learning pour identifier et anticiper des situations d’échec le défi de la cybersécurité. La nécessaire prise en compte des enjeux du développement durable pour mettre en place un numérique responsable.