L’année 2022 a été la plus chaude jamais enregistrée en France. Selon Météo France, les conditions météorologiques exceptionnelles qui ont marqué l’année 2022 sont une « conséquence directe du changement climatique lié à l’activité humaine ». Dans les années 2050, les valeurs de 2022 seront celles d’une année normale. Pour comprendre comment les business schools, acteurs majeurs du système éducatif français, tentent d’apporter des solutions aux enjeux environnementaux, nous avons rencontré Solène Heurtebis, Chief Strategy Officer et Directrice de l’Impact Sociétal et Environnemental au sein de l’EM Normandie business school.

En France, comment évolue le positionnement des écoles de commerce face au dérèglement climatique ?

Face aux cris d’alerte des étudiants et les rapports alarmants des scientifiques, les écoles de commerce, d’ingénieur et les universités se sont emparées du sujet depuis plusieurs années autour d’axes similaires : des campus durables, des formations dédiées à la transition écologique et des étudiants engagés. Certains établissements comme l’Université Bretagne Sud dès 2012 qui a créé un nouvel intitulé de mention de licence : « Sciences de la Transition Écologique et Sociétale » ont été précurseurs et ont impulsé cette prise de conscience collective.

Aujourd’hui, ce sont 13 000 places disponibles aux étudiants pour se former à la transition écologique en études supérieures en France. Des mesures gouvernementales et européennes ont accéléré la mobilisation des organisations à prendre en compte ces enjeux et notamment les établissements d’enseignements supérieurs. Le calcul du bilan carbone en 2010 pour les organisations de plus de 500 collaborateurs, les engagements de la cop 21 en 2015, le pacte vert en 2019 pour la neutralité climatique ou encore, plus récemment en octobre 2022, l’obligation de la mise en œuvre d’un plan de sobriété et l’intégration d’enseignements sur le développement durable au sein des programmes sont des avancées majeures pour lutter contre le dérèglement climatique.

Des collectifs étudiants se sont formés pour encourager la mobilisation notamment la Convention pour la Transition des Établissements du Supérieur (CTÉS), association nationale, qui au travers de ses 11 objectifs s’engage à travailler à la transition sociale et écologique de l’enseignement supérieur et de la recherche en aidant les établissements à s’engager. Globalement, on sent bien que tant dans les cursus, infusés aux questions écologiques et à la RSE, que sur les campus, les écoles se saisissent du défi environnemental.

Une trentaine de business schools françaises ont aujourd’hui une direction dédiée au développement durable et possèdent une charte sur le sujet. La génération climat a-t-elle enfin été entendue ? Force est de constater que les établissements d’enseignement supérieur avancent sur la question.

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Au-delà de nos frontières, comment les autres grandes universités et écoles tentent de répondre à la crise ?

Les universités européennes déploient des plans d’action similaires autour de l’intégration des connaissances sociétales et environnementales au sein des programmes et une politique durable et responsable des campus. Par exemple, l’IE University, université espagnole, est une des premières universités d’Europe à atteindre la neutralité carbone. Cela est notamment dû au nouveau campus déployé en 2021, mais aussi à la réduction de sa consommation globale en énergies. Dans d’autres universités étrangères, l’accent sera davantage placé sur l’écologie que la partie sociétale. En Asie, les enjeux des organisations sont principalement orientés vers la décarbonisation plutôt que les avancées sociales. La culture et les valeurs de chaque pays influencent la mise en pratique du plan d’action déployé.

Pourquoi les écoles de commerce doivent-elles absolument répondre aux objectifs RSO (Responsabilité sociétale des organisations) ?

En tant qu’établissement d’enseignement supérieur, l’école de commerce délivre des connaissances et du savoir auprès des générations actuelles et futures. Pour former les managers de demain responsables et engagés, il est temps qu’elles prennent la mesure de leur impact et initient dans la formation de leurs étudiants, puis dans leurs carrières, la prise en compte des enjeux environnementaux et sociétaux, bientôt aussi nécessaires à leur équilibre personnel qu’au développement de nos sociétés.

L’EM Normandie ne prétend pas changer le monde mais éclairer celles et ceux qui ont à cœur de relever les défis auxquels l’humanité est confrontée. Elle s’est donc fixée comme raison d’être d’inspirer et de former les générations d’hier, d’aujourd’hui et de demain à devenir les acteurs d’un monde durable : libres de penser, libres d’apprendre, libres de créer.  La contribution des écoles de commerce ne doit pas s’étendre exclusivement à leurs étudiants actuels et futurs mais à leur propre organisation et leurs parties prenantes : associations, entreprises, collectivités, territoires. L’EM Normandie entend donc apporter sa contribution à la société pour qu’elle soit plus équitable, juste et raisonnable en transformant le modèle de son organisation et en étant actrice de ce monde durable.

Quelles sont les transformations opérées ?

Pour répondre aux enjeux sociétaux et environnementaux actuels et à venir, l’EM Normandie a décidé de créer en septembre 2021 la Direction de l’Impact Sociétal et Environnemental (DISE). Cette direction guidée par la philosophie « School for Good » s’est mobilisée autour d’un projet commun et a défini une stratégie d’engagement ambitieuse : avoir un impact sociétal et environnemental positif à horizon 2030. Pour déployer cette stratégie, un plan d’action a été établi, articulé autour de trois piliers : « Campus for Good », « Knowledge for Good » et « People for Good ».

Le Campus for Good mesure l’empreinte que produit les campus et les filiales comme lieux de vie et met en place des actions correctives. Il fait évoluer ces sites vers des modèles plus résilients, faibles émetteurs de gaz à effet de serre et acteurs de leur territoire.

Knowledge for Good intègre des notions de durabilité dans l’esprit des étudiants et des publics de l’École au travers de cours dédiés aux thématiques RSO au sein des programmes ainsi que dans la création d’un parcours Sustainability. Des chaires d’excellence partagent aussi les ambitions du pilier en recherchant le développement d’enseignements innovants en développement durable : « Digitalisation et innovation dans les organisations et les territoires » par Mathilde Aubry, « Modèles entrepreneuriaux en agriculture » par Roland Condor.

People for Good mobilise l’ensemble des parties prenantes pour obtenir l’adhésion de tous et avancer collectivement vers une école à impact positif. Pour que cela fonctionne, il faut embarquer les étudiants, mais aussi les collaborateurs de l’établissement ainsi que le corps professoral pour former et sensibiliser aux enjeux écologiques et sociétaux.

Pour compléter cette transformation qui repose avant tout sur des femmes et des hommes engagés, l’Assemblée School for Good va être fondée. Cette instance de gouvernance participative, composée d’étudiants et de collaborateurs élus, aura pour mission de participer aux décisions afférant aux activités quotidiennes de l’École, sur les principes de la démocratie représentative, et de garantir la mise en œuvre de tous ces engagements. La School for Good devient alors For All.

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Comment accompagner les nouvelles générations vers ce changement ?

La stratégie RSO de l’École intègre toutes les facettes de l’expérience étudiante. Au-delà de cet état d’esprit qui infuse les orientations stratégiques de l’organisation, la School for Good transmet aux étudiants des connaissances théoriques et des compétences pratiques : dès la rentrée en septembre 2023, les étudiants de première année choisiront un cours de 30h parmi une multitude de cours proposés portant sur la soutenabilité. Ce cours théorique obligatoire leur donnera les fondamentaux du développement durable (les objectifs de développement durable, le pacte vert de l’UE etc.).

Dès la première année, des projets associatifs concrets seront menés par les étudiants avec une véritable envie de mise en pratique et de réussite du projet. En 2022, l’école a établi un partenariat avec l’ONG The Shift Project pour que les étudiants participent à la rédaction de deux rapports sur la manière de mobiliser l’enseignement supérieur pour le climat. Ces projets ont été présentés au ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.

Comme le rappelle Jean-Marc Jancovici, président du Shift Project, « l’enseignement auquel j’ai eu droit est essentiellement fait pour un monde qui reste identique à lui-même, voire qui devient à chaque fois un peu plus abondant, dans toutes ses caractéristiques. Or le monde qui s’annonce, ce n’est pas ça, malheureusement. C’est pour ça qu’il est important d’acquérir d’autres réflexes, d’autres boîtes à outils, etc. Former 100 % des étudiants à la transition écologique, ça implique des transformations profondes ».

Quels sont les grands objectifs à atteindre pour l’EM Normandie pour répondre au changement climatique ?

L’EM Normandie s’est fixée l’objectif d’avoir un impact sociétal et environnemental positif à horizon 2030. L’École se mobilise pour mesurer son impact actuel avant d’entamer le plan d’action des 3 piliers for Good. Accompagner les parties prenantes dans la transition écologique, réduire les dépenses énergétiques des lieux de vie, rééquilibrer les mobilités des collaborateurs et étudiantes, former la jeunesse aux notions de développement durable et responsabilité sociétale sont des enjeux que l’EM Normandie compte relever pleinement.

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