La Federal Trade Commission (FTC) a frappé un grand coup le 2 décembre. À l’unanimité de ses membres l’agence a décidé de traîner devant les tribunaux le projet d’acquisition d’Arm par Nvidia. Mi-novembre, lors des résultats trimestriels de Nvidia, Colette Kress, directrice financière de l’entreprise admettait que l’opération suscitait l’inquiétude des autorités américaines.
La FTC veut préserver la neutralité d’Arm
La FTC se joint à un large panel d’autorité de la concurrence à travers le monde. La Commission européenne a ouvert une enquête approfondie en octobre, Nadine Dorries, secrétaire d’État au numérique britannique, a ordonné une enquête de phase 2 contre l’opération mi-novembre, la Chine n’a pas ouvert de procédure, mais manifeste son inquiétude… Pour Nvidia l’affaire semble mal embarquée.
Les arguments présentés par la FTC ne sont pas différents de ceux de ses homologues. Holly Vedova, directrice du Bureau de la concurrence de l’agence, a expliqué, « cette proposition d'accord fausserait les incitations d'Arm sur les marchés des puces et permettrait à l'entreprise combinée de saper injustement les rivaux de Nvidia ».
Arm, détenu par SoftBank depuis 2016, vend des licences de puces à plus de 500 entreprises clientes à travers le monde. 95% des smartphones sont équipés d’une puce fabriquée grâce à une licence Arm, il y en a dans l’automobile, les centres de données, les ordinateurs... Selon la FTC la force d’Arm est sa neutralité toute « Suisse », qui lui permet de vendre indifféremment à des entreprises concurrentes.
En s’associant à Nvidia, développeur et vendeur de puces, cette neutralité volerait en éclat. Nvidia pourrait avoir accès à des informations stratégiques sur ses concurrents, moins enclins à participer à la conception de puces et donc à l’innovation avec Arm. L’entreprise américaine pourrait décider de négliger certaines puces inutiles pour elle ou fermer l’approvisionnement en licences de ses concurrents directs.
Face à ces risques, Holly Vedova a estimé que la « FTC devrait envoyer un signal fort indiquant que nous agirons de manière agressive pour protéger nos marchés d'infrastructures critiques contre les fusions verticales illégales qui ont des effets considérables et dommageables sur les innovations futures ».
Pour Nvidia il ne reste plus qu’à croiser les doigts… forts
Nvidia évidemment se défend de ces accusations venant de toute part. Pour l’entreprise, au contraire, l’opération sera bénéfique à la concurrence comme l’un de ces porte-parole l’a juré à CNBC, « Avec l'échelle de Nvidia, ses capacités et sa solide compréhension de l'informatique des centres de données, de l'accélération et de l'IA, nous pouvons aider Arm à étendre sa portée dans les centres de données, l'IOT et les PC, et faire progresser la propriété intellectuelle d'Arm pour les décennies à venir ».
Les partis restent confiants malgré la situation. Le plan initial visait à finaliser l’acquisition d’ici mars 2022, pour 40 milliards de dollars, la valeur estimée d’Arm en septembre 2020. Le PDG de l’entreprise a admis que la date serait sans doute dépassée. Il a eu raison d’être prudent, le procès administratif intenté par la FTC est prévu pour août 2022.
Masayoshi Son, directeur général de SoftBank, propriétaire d’Arm a déclaré de son côté être confiant sur l’autorisation finale de la transaction. Position compréhensible, depuis l’annonce de l’opération la valeur d’Arm a bondi à 75 milliards de dollars, bien aidée par la pénurie de puces. Ce bel optimisme risque pourtant fort de se fracasser contre avis des autorités de la concurrence des pays les plus puissants du monde.