« On continue de me demander pourquoi tu es parti à ce moment-là ? Je pense que la vraie question est pourquoi est-ce que je suis resté si longtemps ? », interroge Noam Bardin. Ancien employé de Google, Noam Bardin a travaillé pendant 7 ans pour le compte du géant en tant que PDG de Waze avant de démissionner en septembre 2020. Ce n’était pas pour une meilleure opportunité, et ce cas n’est pas non plus un cas isolé. Le New York Times a interrogé quinze cadres de Google, aussi bien en poste qu’ayant quitté l’entreprise, et les mêmes sons de cloches résonnent. L’entreprise souffre de sa taille et de sa direction. Actuellement plongé dans un procès antitrust, Google fait face à des défis à la fois juridiques et internes.

Le management du PDG de Google, Sundar Pichai, ne plait pas, voire effraie. Preuve à l’appui, les sources du New York Times ont demandé l’anonymat par crainte d’irriter le groupe et son président. Autre élément avancé, l’étouffement d’accusations de harcèlement sexuel à l’encontre de certains hauts responsables. Des plans de sorties, et parfois même des parachutes dorés, ont été attribués aux personnes accusées.

La lenteur des prises de décision de Google pèse sur les employés

Mais les langues seraient en train de se délier et le New York Times écrit le 21 juin 2021 que « les salariés de Google sont de plus en plus francs ». Enfin cela peut se faire à leurs dépens. En témoigne le licenciement de Timnit Gebru, ancienne chercheuse du groupe spécialiste dans l’éthique de l’intelligence artificielle (IA) qui a élevé sa voix sur le manque de diversité au sein de l’entreprise et les déviances de l’IA. Une pétition signée par 2 000 employés pour contester ce licenciement et Sundar Pichai a fini par envoyer un mail en s’engageant à rétablir la confiance perdue.

Les sources anonymes évoquent plusieurs risques pour le futur de Google : une bureaucratie étouffante et lente, de l’inaction, un management sujet à débats ou encore une grosse fixette sur l’image du groupe. Sur le manque de réactivité, les hauts responsables passés par Google évoquent des processus de décisions très longs, que ce soit sur des sujets liés aux affaires ou sur le management. Les sources affirment que Sundar Pichai réfléchit longtemps avant une prise de décision, ce qui peut être usant pour les employés. Plusieurs d’entre eux critiquent ces manières de faire, évoquant des manœuvres dilatoires pour au final arriver à un « non ».

Demande de commentaires pour Sundar Pichai, Google envoie ses cadres

Un exemple de cette lenteur dans les prises de décisions est le remplacement du vice-président des affaires internationales qui a duré plus d’un an pour aboutir à l’embauche de Halimah DeLaine Prado. Ce recrutement est même devenu une blague dans le secteur pour les chasseurs de têtes. « Serais-je plus heureux s’il prenait des décisions plus rapidement ? Oui », explique Caesar Sengupta, ancien vice-président ayant travaillé en étroite collaboration avec Sundar Pichai pendant 15 ans.

Si ce témoignage n’est pas anonyme c’est qu’il remplace la demande de commentaire du New York Times à Sundar Pichai. Google a refusé de rendre disponible son PDG et a envoyé à la place 9 hauts responsables, ou anciens, pour répondre aux questions du média. Pour la transparence, il y a mieux. « Mais suis-je heureux qu’il prenne presque toutes ses décisions correctement ? Oui », nuance Caesar Sengupta.

Bien que les employés se plaignent du management de Sundar Pichai, ils reconnaissent que l’entreprise est mieux gérée qu’avant sa reprise du poste de PDG. Depuis son arrivée chez Google, l’entreprise a doublé son nombre de collaborateurs et a triplé sa valeur. Néanmoins, pour poursuivre cette croissance il faut garder ses salariés. Selon les « on dit » de la Silicon Valley, il n’a jamais été aussi facile de débaucher les cadres de Google, même ceux qui profitent d’un salaire à 7 chiffres. Depuis l’année dernière, au moins 36 vice-présidents ont quitté l’entreprise selon leurs profils LinkedIn.