Dans la nuit de mardi à mercredi, l’Assemblée nationale a adopté un projet de loi de sortie de l’état d’urgence sanitaire, comprenant l’instauration d’un passe. Le jour suivant, le 12 mai, la Commission nationale de l’informatique et des libertés de France (CNIL) a rendu un avis (pdf) émettant des réserves quant au passe sanitaire. Dans son communiqué, la Commission « demande que la loi soit précisée et des garanties supplémentaires apportées ».

Le gardien de la liberté numérique appuie sur le caractère temporaire du passe sanitaire qui « ne saurait en aucun cas être maintenu au-delà de la crise sanitaire ». Pour le garantir, la CNIL demande à ce que l’impact du dispositif soit régulièrement rapporté, à intervalle régulier et à partir de données objectives. À l’avenir, le maintien du passe serait décidé sur cette base.

La CNIL formule plusieurs recommandations

La Commission s’attarde également sur les lieux d’utilisation du dispositif et souhaite restreindre son usage. Bien que le gouvernement ait indiqué exclure les lieux quotidiens, comme le lieu de travail ou les restaurants, les manifestations, les réunions politiques, syndicales ou encore les rassemblements religieux, la CNIL « estime que ces limitations apportent des garanties de nature à minimiser les conséquences du dispositif sur les droits et libertés des personnes ». Elle pointe l’absence de précision sur certains points comme le seuil de fréquentation simultanée minimal ou l’interdiction des lieux non concernés de demander de leur propre initiative la présentation du passe. De fait, sans ces détails, le texte de loi demeurait flou et donc soumis à une plus grande interprétation.

La CNIL demande à ce que les modalités concrètes sur la finalité, la conservation, la réutilisation et l’accessibilité des données soient précisées par la loi et le règlement. Une requête en adéquation avec le Règlement Général sur la Protection des données (RGPD). La commission propose également de limiter les informations accessibles aux personnes vérifiant le passe avec l’instauration d’un code couleur rouge et vert. Ainsi, la nature de l’immunité de la personne serait cachée.

D’autre part, la Commission insiste sur le besoin d’intégrer des garanties pour limiter « la divulgation et la conservation d’informations privées et d’éviter tout risque de discrimination, en raison de l’état de santé mais également en raison de la capacité d’accès et d’usage des outils numériques ». Par conséquent, elle rappelle que des certificats papiers doivent également être instaurés.

Les passes sanitaires se multiplient à travers le monde

Autant d’éléments amenant le gardien de la liberté numérique à conclure dans son communiqué que « le recours à un passe sanitaire ne saurait être envisagé que sous les réserves et conditions détaillées dans son avis ». Par ailleurs, alors que le projet est évoqué depuis plusieurs mois, la CNIL a été saisie le 4 mai par le secrétaire d’État chargé du numérique et le ministre des Solidarités et de la Santé. Le communiqué signale que « la Commission regrette d’avoir à se prononcer dans un délai si bref, et postérieurement aux débats intervenus en première lecture à l’Assemblée nationale, compte tenu des impacts substantiels de ce projet sur les droits et libertés fondamentaux des personnes ».

Frise chronologique des avis et recommandations émis par la CNIL sur les dispositifs déployés pour la crise sanitaire.

La CNIL suit l’ensemble des dispositifs numériques mis en place pour lutter contre la pandémie. Source : CNIL

Dans la pratique, la fonctionnalité TousAntiCovid-Carnet, développée dans le cadre du « certificat vert numérique » européen, pourrait être utilisée afin de contrôler l’accès à certains événements. Le passe sanitaire n’est d’ailleurs pas une spécificité française ou européenne. En avril 2021, la ville de New York a lancé un passeport sanitaire numérique.

D’après Les Echos, dès janvier, l’Islande s’est penché sur des certificats de vaccination pour voyager. En Israël, le déconfinement de mi-février s’est appuyé sur un « passeport vert » qui doit, entre autres, être présenté à l’entrée des restaurants et salles de sport. Au Danemark, depuis le 21 avril, le « coronapas » est notamment demandé à l’entrée des bars et petits commerces. Depuis début mai, les salles de sport ou les musées l’exigent aussi. Le Royaume-Uni, l’Italie et l’Estonie ont également annoncé l’arrivée d’un passeport vaccinal. En Chine, WeChat propose de télécharger un certificat de santé numérique.