L’organisation de protection de la vie privée Noyb vient d’intenter une action en justice contre X, anciennement Twitter. La plateforme est accusée d’avoir ciblé ses utilisateurs selon leurs « opinions politiques » et leurs « croyances religieuses », violant à la fois le RGPD et le Digital Services Act (DSA).

Un ciblage publicitaire selon des données sensibles interdit en Europe

Déposée ce jeudi 14 décembre auprès de l’autorité néerlandaise chargée de la protection des données, la plainte atteste que « X recueille des données sensibles telles que les opinions politiques et les croyances religieuses en surveillant le comportement des utilisateurs, notamment les clics, les mentions « j’aime » et les réponses aux messages publiés sur la plateforme ».

Ces informations auraient été exploitées par la Commission européenne au mois de septembre, afin de promouvoir une publicité poussant à adopter la proposition Child sexual abuse regulation (CSAR), surnommée Chat control. « La campagne publicitaire en question ciblait les utilisateurs X qui n’étaient pas intéressés par des mots-clés tels que Brexit, Nigel Farrage ou Giorgia Meloni », assure Noyb. L’annonce aurait été diffusée à des centaines de milliers d’utilisateurs néerlandais.

« Sur le papier, X interdit l’utilisation de données sensibles pour des publicités politiques, mais dans les faits, elles profitent toujours de techniques que l’on sait néfastes depuis le scandale Cambridge Analytica en 2018 », dénonce Maartje de Graaf, avocate spécialisée dans la protection des données chez Noyb.

Les opinions politiques et les croyances religieuses sont spécifiquement protégées par le RGPD, rappelle l’association. En outre, le DSA prohibe les plateformes d’afficher des publicités ciblées basées sur les données sensibles d’un utilisateur.

La Commission mène « un examen approfondi »

Contactée par le média CNBC, la Commission européenne a indiqué qu’elle menait un « examen approfondi » en interne. « Compte tenu de l’augmentation alarmante de la désinformation et des discours haineux sur les plateformes de médias sociaux au cours des dernières semaines, nous avons conseillé aux services de la Commission, dès le mois d’octobre, de s’abstenir de faire de la publicité à ce stade sur le site X », a précisé l’instance.

Depuis quelques semaines, de nombreuses marques proéminentes comme Disney, Apple ou Microsoft ont interrompu leurs activités publicitaires sur X, craignant que leurs annonces s’affichent aux côtés de contenus problématiques. En octobre, le réseau social a également été épinglé par la Commission européenne vis-à-vis de la modération de contenu qu’il met en place, dans le cadre du DSA.

Noyb, organisation fondée par Max Schrems, est une figure emblématique de la défense de la vie privée en Europe. Elle a notamment remporté une bataille juridique contre Meta pour le transfert de données des citoyens européens vers les États-Unis, menant à l’imposition d’une amende record d’1,2 milliards d’euros à l’encontre de la firme.

« Compte tenu de la gravité des violations et du grand nombre d’utilisateurs X concernés, Noyb suggère également que l’autorité compétente impose une amende », indique l’association dans son communiqué.