Sur un plateau de Saclay perpétuellement en travaux est installé depuis 2011 le CEA-List, l’un des deux instituts de recherche du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, spécialisé dans le numérique. À sa tête, Alexandre Bounouh, qui a également la casquette de président du réseau Carnot depuis juin. Une double responsabilité logique, les deux institutions ayant le même objectif : créer des passerelles entre la recherche et les entreprises.
Le CEA-List travaille avec 200 entreprises, sur 500 projets par an
Le réseau Carnot tire son nom d’un scientifique du début du XIXe, dont les sujets de recherches ont permis le développement du moteur thermique ou des réfrigérateurs. La recherche appliquée, voilà la mission des instituts Carnot, directement inspirés de son équivalent allemand, l’organisation Fraunhofer. Le label Carnot, avec 39 organismes, vise à encourager les structures de recherche à travailler avec les entreprises grâce au nerf de la guerre, l’argent. Une subvention est versée aux 39 labellisés, dont la dimension varie selon le nombre et l’importance des contrats.
Inscrivez-vous à la newsletter
En vous inscrivant vous acceptez notre politique de protection des données personnelles.
« Notre cœur de mission c’est le transfert de technologies aux industriels », explique Alexandre Bounouh à l’occasion d’une visite du site du CEA-List de Saclay. Cette philosophie vaut autant pour Carnot que pour l’Institut de recherche spécialisé sur les systèmes numériques intelligents. Il est rattaché à la direction de la recherche technologique du CEA, dont la mission est précisément le développement de la compétitivité des entreprises, grâce à la recherche. Sur les 110 à 120 millions d’euros de budget du CEA-List, 30 millions proviennent directement des projets menés avec des industriels. Le CEA travaille par exemple avec ArcelorMittal sur une solution de vision par ordinateur pour le contrôle qualité, ou encore avec Valeo sur la conduite autonome.
Réalité virtuelle, intelligence artificielle, simulation, données, cybersécurité, robotiques… Les domaines d’activité des 1 000 chercheurs et ingénieurs du CEA-List sont larges. La variété des offres partenariats l’est également. Factorylab en est l’illustration. Mis en place en 2017, il consiste à faire travailler ensemble des entreprises, non concurrentes, mais ayant des problématiques transverses. Il a notamment abouti à une solution d’optimisation de la consommation énergétique grâce aux jumeaux numériques. Safran y aurait trouvé des solutions pour réduire 30 à 50 % de sa consommation dans l’une de ses installations.
Au total 200 entreprises, dont une moitié de PME, collaborent chaque année sur environ 500 projets de recherches. Le CEA crée également ses propres produits, la plateforme Frama-C en est un bon exemple. Il s’agit d’un outil open source de cybersécurité, qui vérifie l’absence de défauts dans les logiciels, notamment pour les industries critiques. Utilisé par EDF, Thales, Dassault il est l’un des rares outils « à avoir passé les concours du NIST [ndlr : National Institute of Standards and Technology], » vante Alexandre Bounouh.
La recherche et l’innovation au service de l’industrie
Toujours dans la cybersécurité, le CEA-List a développé un logiciel de simulation, appelé CIVA, utilisé pour les activités de contrôle non destructif. Il est distribué par une start-up, Extende. Celles-ci sont directement issues de l’Institut de recherche comme 29 autres en tout, depuis 2003. Une dynamique qui s’accélère. Alexandre Bounouh constate une évolution depuis quelque temps, notamment dans le rapport fluide qu’ont réussi à créer les grands groupes avec les jeunes entreprises.
La recherche plus fondamentale, tout du moins aux débouchés applicatifs plus lointains, n’est pas ignorée par les équipes du CEA. Martin Courchesne, chef du laboratoire de Simulation interactive, fier de sa nouvelle arène de réalité virtuelle aux airs de patinoire, a notamment présenté une interface haptique.
Elle permet de ressentir la résistance des matériaux, le poids des objets… Une solution pour renforcer l’immersion au sein de la VR, pour la formation, l’analyse de process industriels… Toutefois, à 300 000 euros pour l’ensemble du système, « ce n’est pas assez rentable pour les entreprises » admet le chercheur. Anticiper, perfectionner des technologies qui pourront s’imposer demain, c’est aussi dans les missions du CEA.