Mercredi 21 juin, le Conseil Européen a publié une ébauche de l’acte européen sur la liberté des médias (European Media Freedom Act). Cette nouvelle loi qui cherche pourtant à protéger les journalistes, permettrait aux États d’espionner leur téléphone dans le cas où ils le jugent nécessaire. Plusieurs centaines d’éditeurs de presse français demandent au Conseil Européen de prendre en compte les risques encourus pour la liberté de la presse.

Un projet de régulation administrative du pluralisme dans la presse européenne

Proposée en septembre dernier, cette loi européenne vise à renforcer l’indépendance éditoriale en établissant un cadre commun au vu des menaces croissantes sur la liberté d’expression. À première vue, les journalistes seraient protégés contre les ingérences politiques tout en facilitant leur travail au-delà des frontières, à l’intérieur de l’UE.

Gérée à l’échelle européenne et non nationale, cette loi inquiète toutefois les éditeurs de presse français. Plus de 550 titres de groupes et presse quotidienne, hebdomadaire ou magazine se sont associés dans une tribune pour défendre la loi française sur la liberté de la presse de 1881. Si certains pays de l’UE requièrent effectivement une liberté et une indépendance de la presse plus contrôlée par les pratiques du pouvoir politique, ce n’est pas le cas de la France qui revendique une démocratie à tous les niveaux. L’Équipe, Libération, Le Télégramme, Ouest-France et bien d’autres médias français regrettent de ne pas être concertés et d’être traités au même titre que leurs voisins européens.

« La façon dont chaque pays fait respecter et vivre la liberté de la presse et le pluralisme dépend de son histoire, de sa tradition politique, de son niveau de protection des libertés » s’indignent les signataires de la tribune. Pour protéger les journalistes et leurs sources contre l’espionnage, l’article 4 prévu par la loi interdit explicitement la surveillance de leurs communications et l’utilisation de logiciels espions sur leurs appareils. Or, lors du conseil de l’UE, le gouvernement français a exigé que cet article soit annulé. À ses côtés, l’Allemagne, les Pays-Bas, la République Tchèque, le Luxembourg et la Grèce. Tous réclament l’autorisation de l’espionnage par des logiciels si cela est justifié par la « sécurité nationale ».

Le gouvernement suédois qui préside actuellement le Conseil a donc ajouté un paragraphe dans la dernière version du projet de loi. Il indique que l’article 4 « est sans préjudice de la responsabilité des États membres pour la sauvegarde de la sécurité nationale ». Les journalistes français s’alarment d’un potentiel abus d’utilisation de la sécurité nationale comme prétexte pour menacer et surveiller les journalistes et leurs sources.

D’autres changements prévus par cette loi irritent les éditeurs français. Par exemple, le pouvoir de censure des publications donné aux GAFA qui vient à l’encontre du pluralisme prôné par le paysage médiatique français. D’autre part, la loi envisage de retirer la responsabilité pénale au directeur de publication de tout ce qui est écrit et publié par les journalistes. « La presse en sortira-t-elle plus libre ? L’indépendance des rédactions renforcée ? Là aussi, le doute est permis » s’interrogent les médias français.

À la vue de tous ces risques, ils appellent donc « les législateurs européens et États-membres à préserver les cadres juridiques protecteurs qui ont prouvé leur efficacité et à garantir la presse de toute censure par les plateformes ».