Est-ce qu’une loi anti fake news verra le jour en 2018 ? Rien n’est moins sûr. Entamées ces derniers jours à l’Assemblée nationale, les discussions ont été repoussées à une date ultérieure. Les polémiques soulevées dans les médias auront-elles raison de la volonté du législateur d’encadrer les fake news ? Est-ce vraiment la bonne façon de lutter contre un phénomène qui touche l’ensemble des parties prenantes : personnalités, entreprises et citoyens ? Doit-on impérativement se positionner contre les fake news, notamment lorsqu’on est une marque qui investit pour construire son image et engager ses communautés cibles ?
Rien n’est moins sûr.

Les fake news, un saut dans le vide alternatif ?

À l’instar des députés ayant tenté de définir les contours sémantiques des fake news, risquons-nous à démarrer cette tribune par une définition.
Une fake news c’est : toute allégation, ou imputation d’un fait, dépourvue d’éléments vérifiables de nature à la rendre vraisemblable.

Les fake news sont donc des informations fabriquées de toutes pièces qui imitent les contenus des médias d’information dans la forme, mais sans respecter les normes traditionnelles du journalisme dans leur production. Ces informations ne sont alors qu’une piètre imitation d’une information réelle. Pour les plus anciens, ce n’est pas sans rappeler l’expression Canada dry, pour les autres, je vous laisse investiguer.

Tels des marteaux piqueurs de la réalité, les fake news éclatent l’opinion pour en répandre les morceaux aux quatre coins de la toile. Prises au piège, les différentes communautés composant l’opinion se renferment naturellement sur elles-mêmes, ce qui n’est pas sans engendrer des victimes collatérales.

Bras armés technologiques des fake news, les  » bots  » n’arrangent rien. Ils représentent en effet 9% à 15% de la twittosphère et accélèrent l’industrialisation des fake news.

Pour une approche utilitariste des fake news ?

Au-delà de ces premiers constats, ne faut-il pas prendre de la hauteur en matière de fake news ? Machiavel recommande de manipuler l’information pour consolider son autorité. Hannah Arendt, dans  » La crise de la culture « , pointe du doigt l’appétence des sociétés de masse, non pas à la culture, mais aux loisirs. Et si nous devions changer notre rapport aux fake news pour entrevoir leur sens caché ?

La politique est-elle le terrain de jeu privilégié des fake news ? Si l’on s’en réfère à un des maîtres du genre, à savoir Donald Trump, il est légitime de le penser d’autant que certaines de ses manipulations ont favorisé son accession à la Maison-Blanche et qu’elles continuent à peser sur l’électorat américain. Repensons notamment à cette déclaration où il annonçait triomphalement, photos à l’appui, que la construction du mur entre le Mexique et les Etats-Unis avait commencé alors que cette décision n’a toujours pas été validée par le Congrès. Les photos attestant du début des travaux proviennent en réalité d’un projet de rénovation de la barrière de Calexico, en Californie.

Après la politique, qu’en est-il du côté des entreprises ?

Le monde des entreprises, une victime comme les autres

Quelques chiffres pour aiguiser votre appétit et illustrer les paradoxes de l’opinion publique : 89% des Français considèrent que les fake news ont un réel impact sur la réputation d’une entreprise ou d’une marque. Pourtant, ils sont 20% à déjà avoir fait confiance à une information de type fake news et 26% à les avoir relayées . Le terreau semble donc propice.
Netflix, par exemple, a récemment été victime d’une fake news et accusé d’espionner ses utilisateurs. Bien que cette information soit fausse et que Netflix l’ait niée à plusieurs reprises, elle a été abondamment reprise dans la presse française et le débat ne s’essouffle pas.

Alors, comment lutter ?

Pour contrer ces fake news, la meilleure défense ne serait-elle pas l’attaque ? Cela implique que les entreprises vérifient avec minutie les sources et le traitement de l’information au sein des rédactions.

Si des projets de régulations de plateformes telles que Facebook ou Twitter sont sans doute légitimes, d’autres solutions sont désormais à notre disposition.
Commençons par la méthode dite du fact checking. Bien que devenue indispensable dans le processus de vérification de l’information, elle peut néanmoins devenir contre-productive.
La méthode du débunking est, quant à elle, une méthode qui consiste à démontrer, grâce à des preuves et après un long processus de vérification, que l’information desservie comporte des aspects erronés. Il ne s’agit pas de discréditer l’information, mais simplement de rétablir les faits grâce à une argumentation et de les communiquer ensuite à l’opinion publique. Malgré tout, cet exercice reste long et très rigoureux. Il implique en effet de savoir prendre du recul, de livrer l’information la plus neutre possible pour sensibiliser l’opinion et lui transmettre un esprit critique.

Et si nous prenions les fake news pour ce qu’elles sont réellement : une forme d’expression des libertés qui, en respectant certaines conditions, peut se révéler utile au débat démocratique. Condition sine qua non à l’éveil de notre appareil critique, il est impératif que les règles du jeu soient connues par chacun.

Plutôt que de perdre la bataille en luttant contre les fake news, mettons plutôt en place les outils de leur décryptage !