Temu et Shein : deux entreprises, deux modèles économiques. L’une est chinoise, l’autre singapourienne. L’une est devenue le site web préféré de votre maman, l’autre est devenue l’application favorite de votre nièce. L’une s’est imposée comme la référence des gadgets en tout genre, la seconde dans les habits à prix cassés. Mais les deux sont pointées du doigt par les ONG et les associations écologistes pour leur modèle industriel polluant et leur participation à la consommation à outrance.

Au point que certains députés proposent désormais d’encadrer les pratiques commerciales de la « fast-fashion », en imposant un malus pouvant aller jusqu’à 5euros par vêtement. En ciblant les entreprises « qui mettent en ligne plus de 1000 produits par jour », ce sont évidemment Shein et Temu qui sont visés. Cependant, les modèles économiques des sociétés demeurent très différents.

Deux stratégies industrielles

Il est vrai que les points communs et les similitudes entre les deux sociétés peuvent porter à confusion : deux entreprises fondées en Chine basées sur le commerce en ligne de produits à des prix défiants toute concurrence, il y a de quoi les confondre.

Mais d’abord, les deux sociétés ne vendent pas exactement les mêmes produits : Shein a été fondée en 2008 et l’entreprise, devenue entre temps Singapourienne, s’est rapidement imposée sur le marché de la mode et du textile en proposant un flux impressionnant de nouveaux produits à des prix très abordables. A contrario, Temu est bien plus récent — fondé en 2022 — et son site web s’est positionné comme une marketplace ne proposant pas seulement des produits de prêt-à-porter, mais toutes formes d’objets, de l’électronique aux téléphones portables, du matériel de bricolage aux instruments de musique.

Mais là où les deux groupes se distinguent le plus, c’est sur leurs modèles de production et leur stratégie marketing : Shein se distingue de tous les autres acteurs de la « fast-fashion » et des autres entreprises du e- commerce par son modèle de production « test-and-scale », où de petites quantités de nouveaux produits sont initialement lancées et rapidement produites en plus grandes quantités en fonction de la demande des consommateurs. Une approche qui minimise les risques d’invendus, réduit considérablement le gaspillage et permet une grande flexibilité dans l’offre.

Une stratégie inverse de celle de Temu, qui s’appuie sur un modèle beaucoup plus traditionnel de réseau de fournisseurs qui utilisent la plateforme chinoise comme une vitrine mondiale où ils espèrent écouler leurs millions de produits déjà fabriqués. Et si Shein réduit ses coûts en rognant ses marges et grâce à son modèle de production sans invendus ni stocks, Temu quant à lui arrive à proposer des prix attractifs en ayant des coûts opérationnels extrêmement limités, servant simplement d’intermédiaires entre ses fournisseurs et les consommateurs.

Enfin, si les deux entreprises se sont fait remarquer par une omniprésence sur les réseaux sociaux, là aussi, les deux stratégies ne sont pas exactement les mêmes : Shein a énormément misé sur les partenariats avec des influenceurs, notamment sur TikTok, pour séduire la génération Z et les millennials. Une approche plus ciblée que Temu, qui a « tapissé » tous les réseaux sociaux, y compris Facebook, de ses vidéos publicitaires qui présentent ses produits. En résulte des pyramides des âges du consommateur moyen différentes entre les deux sites web, Temu ayant réussi à toucher des générations plus âgées.

Si les deux entreprises se sont imposées en quelques années comme des mastodontes du commerce en ligne, Temu et Shein sont finalement assez différents, le second ayant bâti un « business model » plus révolutionnaire et original, là où Temu exploite les méthodes classiques de l’industrie, n’échappant pas au gaspillage et aux invendus.