Le bureau du procureur général de New York a publié le 6 mai un rapport (pdf) révélant qu’une consultation publique de la FCC avait été parasitée par un grand nombre de faux commentaires. Cette consultation concernait la décision controversée de mettre fin à la neutralité du net, le 14 décembre 2017.

Une consultation publique de la FCC au succès intriguant

La question avait fait bondir fin 2017. Conformément à la volonté de Donald Trump, la FCC et son président de l’époque, Ajit Pai, avaient fait voter l’abrogation de la neutralité du net. Concrètement les Fournisseurs d’accès internet (FAI) ont gagné la possibilité de faire payer leurs clients pour avoir une meilleure connexion selon les services voulus. Des États américains avaient fait voter des lois locales pour la maintenir coûte que coûte.

Pour prendre cette décision, la FCC avait mené, comme la règle le veut, une consultation publique. Bien que le sujet soit très polémique et donc propice à un afflux de réactions en tous genres, l’incroyable succès de cette consultation, près de 22 millions de contributions, avait de quoi surprendre.

Le rapport du bureau du procureur général de New York vient confirmer les soupçons de l’époque, 80% des commentaires, soit 18 millions, sont tout simplement faux. Ils proviennent de personnes réelles dont l’identité a été utilisée sans leur accord, certaines étaient même décédées depuis plusieurs années ; ou de profils totalement inventés pour l’occasion. C’est cette dernière technique qu’a utilisée un étudiant californien en informatique de 19 ans qui a lui seul, a envoyé 7,7 millions de commentaires en faveur de la neutralité du net.

Un groupe de pression des FAI en pointe pour l’abrogation

Dans le camp d’en face, le gros des faux commentaires vient d’une campagne de 4,2 millions de dollars commandés par un groupe de pression, Broadband for America, rassemblant les principaux FAI américain. Les entreprises spécialisées mandatées par le lobby des opérateurs seraient à l’origine de 8,5 millions de faux commentaires. Le but était d’offrir à Ajit Pai, président de la FCC ouvertement hostile à la neutralité du net, les moyens de démontrer que sa position bénéficiait du soutien populaire.

Selon le bureau du procureur, Broadband for America aurait été trompé par ses prestataires sur la véracité des commentaires ainsi que leur nombre. Le rapport note tout de même que le lobby s’est montré bien laxiste devant les signaux d’alarme qui lui étaient remontés.

Parmi les prestataires impliqués, trois ont signé un accord avec le bureau du procureur sans pour autant reconnaître leurs torts. Fluent a payé une amende de 3,7 millions de dollars, React2Media 550 000 dollars, et Opt Intelligence 150 000 dollars. Les trois entreprises ont admis avoir mené des dizaines de campagnes similaires sur plusieurs années sur diverses thématiques concernant la politique américaine. Elles se sont engagées à ne plus se servir de l’identité de personnes tierces sans consentement pour soumettre des contributions lors d’une consultation publique.

Le retour de la neutralité du net ?

La procureure générale de New York a déclaré au Wall Street Journal que « la voix des Américains est noyée dans des masses de faux commentaires et de messages soumis au gouvernement pour influencer les décisions ». Elle a réclamé que des mesures techniques et réglementaires soient prises pour s’assurer de la véracité des participations à une consultation publique.

Sur le fond du dossier, la neutralité du net pourrait faire son retour. Jessica Rosenworcel, nommée à la tête de la FCC par intérim, a été une militante active contre l’abrogation de la mesure. Joe Biden, à l’origine de la nomination de la nouvelle directrice de la FCC, s’est dit prêt à réexaminer la question.