Depuis quelques années, le phénomène des deepfakes fait craindre des répercussions très dangereuses en créant de fausses images de personnalités et surtout, en leur faisant dire n’importe quoi. Le dernier exemple en date : des députés de plusieurs pays européens victimes d’un appel vidéo en deepfake… mais il n’y a pas que les deepfakes de visages qui inquiètent les experts. Dans une étude publiée le 21 avril, des chercheurs alertent désormais sur les deepfakes d’images par satellite.

En utilisant une technique bien connue dans le monde des deepfakes et baptisée réseaux adverses génératifs (GAN), ils ont ainsi été capables de générer de faux visuels en introduisant les traits des images satellites apprises dans différentes cartes de base.

Voici le résultat :

Exemple de la manière dont des chercheurs ont créé une fausse image par satellite.

Ils ont utilisé les routes et les emplacements des bâtiments de Tacoma (b), puis superposé les bâtiments les plus hauts de Pékin (d) et les immeubles bas de Seattle (c). Le résultat est une fausse image satellite de Tacoma (a). Image : Deep fake geography? When geospatial data encounter Artificial Intelligence

Si l’image ne paraît, pour le moment, pas très réaliste, les chercheurs sont certains que ces systèmes vont grandement s’améliorer. Par ailleurs, une image par satellite de mauvaise qualité n’alerte pas forcément sont spectateurs, puisqu’il est assez courant d’en voir. Selon Bo Zhao, professeur à l’université de Washington ayant participé à l’étude, cette recherche permet de « démystifier la fonction de fiabilité absolue des images satellites et de sensibiliser le public à l’influence potentielle des deepfakes géographiques ».

Les conséquences de la prolifération de ce type d’images pourraient en effet être désastreuses. Elles pourraient, par exemple, servir à nier les impacts du réchauffement climatique, ou encore effacer les preuves de violations des droits de l’Homme. Dans une enquête publiée par Buzzfeed News, des images satellites ont ainsi attesté de la présence de camps d’emprisonnement dans lesquels sont enfermées les personnes issues de la minorité ouïghoure en Chine. Avec ces deepfakes, il serait très simple pour un gouvernement de nier la présence de telles infrastructures, (fausses) preuves à l’appui.

La falsification de cartes est une technique utilisée depuis des siècles dans le domaine militaire, elle prendrait ici un tournant inédit. En effet, ces deepfakes pourraient permettre de totalement induire en erreur un adversaire en positionnant un pont au mauvais endroit ou une route dans une direction contraire. Par ailleurs, de telles images satellites pourraient très facilement tromper le public, car elles nécessitent un œil très averti pour les repérer. « Comme la plupart des images satellites sont générées par des professionnels ou des gouvernements, le public préfère généralement croire qu’elles sont authentiques », ajoute Bo Zhao.

« Notre étude met en garde contre l’émergence et la prolifération de deepfakes en géographie, tout comme les « mensonges » dans les cartes. Nous suggérons la mise en place de systèmes de détection de deepfakes dans les données géospatiales et des stratégies d’adaptation appropriées si nécessaire. Plus important encore, nous encourageons à cultiver une culture critique des données géospatiales et à comprendre ainsi les impacts à multiples facettes de la géographie deepfake sur les individus et la société humaine », déclarent les chercheurs dans leur étude.

En démontrant la possibilité de générer de fausses images par satellites, ils espèrent éveiller les consciences, et surtout les gouvernements, sur le besoin d’agir au plus vite pour contrecarrer leur émergence.