Une étude publiée le 3 décembre sur le site de la prestigieuse revue scientifique Science revendique la construction d’un appareil quantique, appelé Jiuzhang, beaucoup plus puissant que tout ce qui a été développé jusqu’à présent. C’est le fruit du travail de recherche d’une équipe de physiciens chinois de l’Université de sciences et technologie de Chine. Cet appareil, qui représente une avancée indubitable par son fonctionnement inédit, a toutefois des limites significatives.

Jiuzhang a atteint « l’avantage quantique »

En 2019 Google a dévoilé l’existence de Sycamore, un ordinateur capable de démontrer un « avantage quantique ». Ce terme désigne la capacité pour un ordinateur quantique à résoudre des calculs, résultat qu’un ordinateur au fonctionnement classique ne pourrait pas atteindre. Un résultat contesté par IBM à l’époque, rival de Google dans le domaine, au prétexte que leur superordinateur était capable de résoudre les mêmes problèmes que Sycamore en 2 jours. Pour rappel, là où un ordinateur classique utilise des bits de 1 ou de 0, un ordinateur quantique fonctionne avec des qubits qui sont à la fois 1 et 0, d’où des performances promises très supérieures.

Une équipe de chercheurs chinois veut mettre tout le monde d’accord en affirmant avoir atteint, à leur tour, ce fameux « avantage quantique ». Les chiffres avancés ont de quoi donner le tournis. Jiuzhang, le nom de leur système, serait capable de réaliser en 4 minutes des calculs réalisés en 2,5 milliards d’années par le meilleur superordinateur chinois, le 4e plus puissant au monde à l’heure actuelle. Jiuzhang serait 10 milliards de fois plus rapide que Sycamore, plus puissants sur certains calculs et aurait l’avantage d’être pleinement opérationnel à température ambiante, là où l’ordinateur quantique de Google doit être maintenu à -273°C. La performance du processeur chinois s’explique par son approche, optique, différente de celle des supraconducteurs en métal refroidi de Google.

Du côté technique, les chercheurs de l’Université des sciences et de technologie ont calculé un algorithme de simulation appelé « échantillonnage de boson gaussien » pour démontrer la vitesse de calcul quantique de leur système. En simplifiant à l’extrême, des photons sont envoyés dans un réseau labyrinthique de sorte de « miroirs » (plus précisément des séparateurs de faisceaux). Le calcul va être résolu par l’ordinateur quantique par la propagation des photons, le chemin emprunté, déterminé en fonction de l’endroit où sortent les photons.

Une avancée dont l’importance est à relativiser

Jiuzhang impressionne par ses résultats et sa nouvelle approche, mais attention à ne pas s’enthousiasmer trop vite. Ses performances sont pour le moment très théoriques. Contrairement à Sycamore de Google, le système quantique chinois n’est pas programmable, ces applications concrètes sont donc très limitées. Le physicien et journaliste scientifique américain Chris Lee résume dans Ars Technica, « prenez un problème qui est pour la plupart inutile, mais qui se trouve être exactement adapté à l’architecture de votre ordinateur. Naturellement, l’ordinateur peut le résoudre. Mais le but d’un ordinateur – et c’est pourquoi les chercheurs n’appellent pas l’appareil un ordinateur – est de résoudre de nombreux problèmes utiles différents ».

Ce dernier reste enthousiaste, qualifiant les résultats de l’étude des chercheurs de « Fantastique ». Il explique être convaincu que la voie qu’ils ont ouverte, celle de l’ordinateur quantique optique, est la plus prometteuse pour l’avenir.