Tandis que nous avions relaté les propos d’IBM il y a deux jours, les chercheurs de Google répondent à leurs confrères en présentant leur rapport d’étude dans un article dans la revue scientifique Nature. Conclusion, il s’agit bien pour Google d’une avancée importante dans le domaine de la suprématie quantique, ne serait-ce que pour avoir prouvé qu’il était possible de faire fonctionner un ordinateur quantique. Le physicien John Preskill, à l’origine de la définition, revient quant à lui sur la nécessité de rendre cette machine utile.

Une bataille d’écoliers ?

Il y a un mois, un article paru dans la Nasa présentait une étude de Google prétendant l’atteinte de la suprématie quantique : l’ordinateur quantique conduit par son équipe de chercheurs du Quantum Al Lab, menée par John Martinis, aurait réussi à produire un algorithme en 200 secondes. Calcul pour lequel un ordinateur classique nécessiterait environ 10.000 ans. Cette semaine, IBM, qui s’était déjà prononcé sur cette étude déclarant que l’affirmation de Google était fausse, est revenu sur ce rapport en avançant deux éléments :
1. Le calcul opéré par la machine de Google nécessiterait en réalité 2,5 jours à un ordinateur classique – hypothèse avancée par les chercheurs d’IBM, certes plausible, mais non vérifiée.
2. La définition même de la « suprématie quantique », établie par John Preskill, suppose que l’ordinateur quantique puisse réaliser un calcul complexe, qui dépasse les limites d’un ordinateur classique, autrement dit un calcul que l’ordinateur classique n’est pas en mesure de réaliser (même en 10.000 ans, semblent-ils vouloir insinuer).

Cette semaine, encore, le 23 octobre 2019, Google rétorque que l’étude menée réalise bien une avancée et une étape dans la suprématie quantique car, non seulement l’équipe a réussi à faire fonctionner l’ordinateur quantique, mais le calcul effectué par la machine a permis de montrer « qu’un système quantique complexe peut être fiable » rapporte le Times : « Nous avons déjà quitté les ordinateurs classiques, sur une trajectoire totalement différente », déclare un porte-parole de Google. Et d’ajouter que les nombres aléatoires générés pourraient avoir des utilisations pratiques.

Quant aux remises en cause d’IBM, Google répond « nous accueillons favorablement les propositions visant à faire progresser les techniques de simulation, même s’il est crucial de les tester sur un superordinateur, comme nous l’avons fait ».

John Preskill, quant à lui, physicien à l’origine de la définition de la suprématie quantique, déclare que le succès de Google est « une étape importante sur ce qui sera probablement une route longue et sinueuse vers la suprématie quantique » peut-on lire dans le Times. Il rappelle également qu’il y encore beaucoup de choses qu’on ignore, et revient sur l’utilité d’un ordinateur quantique : « Google a cette machine, mais on ne sait pas si elle peut faire quelque chose d’utile qui intéresse tout le monde au cours des prochaines années ». Et de conclure par cette idée que l’homme est dans une époque où il est en possession de cette machine, mais qu’il ne sait pas quoi en faire.

L’expérience de Google peut être considérée comme une preuve de l’avancement de « la technologie de l’informatique quantique », explique-t-il. Le Sycamore (nom donné à la machine) de Google étant capable de faire des choses qu’un ordinateur classique ne peut pas faire. Le physicien reconnait donc la rapidité de calcul dans ce qu’il définit comme la suprématie quantique, cependant il insiste sur l’utilité qu’on donnera à cette machine, utilité qui n’existe pas pour le moment, car à moins d’une avancée décisive qui pourrait faire décoller cette technologie, cela pourrait prendre des décennies.