Depuis le 16 mars et le début du confinement, ce n’est pas que les consommateurs ne souhaitent plus consommer, c’est surtout qu’ils ne le pouvaient plus. Avec le déconfinement, les choses évoluent, mais avec une précaution extrême. Le problème venant le plus souvent du fait que les entreprises, et plus spécifiquement les commerçants, ne sont pas en mesure de fonctionner en respectant la distanciation sociale.

Pas moins de 11 millions de français ont subi le chômage partiel tandis que de nombreux secteurs se sont retrouvés totalement à l’arrêt comme l’événementiel ou le tourisme par exemple. Beaucoup d’entreprises ont fermé, temporairement ou définitivement. Les indépendants sont fortement touchés, les commerçants également.

Cela nous mène à un premier effet secondaire de la crise sur la consommation : 31% des français ont réalisé des coupes dans leurs budgets, alors que 34% d’entre eux affirment être beaucoup plus regardants sur leurs dépenses. Cet effet est corrélé à un autre : une augmentation de 20% du taux d’épargne. Peu surprenant.

Si cela a bien sûr des conséquences sur les ventes (sauf alimentaire, +24% et divertissement à la maison, +21%), ces effets secondaires donnent naissance à de nouvelles pratiques, des usages plus adaptés à la situation. D’autres habitudes sont au contraire exacerbées au nom de la simplicité et de la distanciation sociale, comme la livraison à domicile ou l’achat en ligne.

Entre usages émergents et tendances exacerbées, les drives, click & collect, livraison locale… les efforts payent

En temps normal et davantage encore en période de crise, adapter son commerce aux besoins de ses clients est impératif pour prospérer, voire pour survivre.

Or, ces évolutions ne se font pas sans effort, tant sur les moyens financiers que sur l’humain. Comme dirait l’autre, “on n’a rien sans rien”. Offrir l’expérience la plus “seamless” (fluide et sans accroc) possible au consommateur est le but ultime, mais il n’est pas simple d’accès. Heureusement, ces efforts se révèlent payants et plus encore en temps de crise (pour les bons élèves).

Le retail alimentaire en pointe sur l’innovation des usages pour montrer l’exemple

S’il y a bien un secteur qui n’a pas eu d’autre choix que de s’adapter en un temps record, c’est bien le secteur alimentaire. Ici, le risque était réel pour toute la société : celui de la pénurie alimentaire. Mais également du côté des individus, l’enjeu était (et reste) de limiter les déplacements pour empêcher la contagion et respecter le confinement.

Les chiffres sont pour le moins éloquents : le canal drive a progressé de 150% et l’e-commerce alimentaire (producteurs locaux, circuits courts, etc.) a presque doublé (+ 98%).

Et le commerce de proximité, alors ? Pour lui aussi, tout a changé.

Un quart des français (23%) a changé de point de vente principal pour leurs courses alimentaires. D’ailleurs, 14% ont profité de la période pour en tester au moins un nouveau.

Mais la plus forte répercussion de la crise sur les comportements des consommateurs, c’est qu’ils sont nombreux à avoir privilégié la livraison et le click & collect pour les achats alimentaires : supermarchés, cavistes, traiteurs, bouchers, etc.

Cette tendance est d’autant plus notable dans les pays anglo-saxons, souvent en avance sur l’Europe. La plateforme Shopify, géant du e-commerce, a annoncé avoir observé une hausse de 49% de la création de boutiques en ligne depuis le début de la crise ! Quand on connaît la simplicité de la solution Shopify, ce n’est pas si étonnant.

Autres faits importants, le click&collect a triplé et la livraison locale a été multipliée par 5. Ce changement fondamental de comportement est très visible rien qu’en France auprès des nombreux traiteurs, cavistes, restaurants à emporter, et autres gardiens de notre patrimoine culinaire et gastronomique.

Au niveau des enseignes et des lieux d’approvisionnement on observe donc à la fois une volatilité de la fidélité, mais aussi une recherche de simplicité dans l’acte d’achat. Ainsi, les habitudes changent rapidement selon les services proposés par chaque marque.

Un habitué d’une enseigne en particulier, découvrant qu’elle ne propose ni livraison ni drive, n’aura aucun mal à se rendre chez un concurrent qui lui, propose ces modes d’achat. En complément, pourquoi ne pas s’adresser aux petits producteurs locaux qui ont bien besoin de clientèle en ces temps difficiles ?

Les marques en action pour réinventer leur manière de vendre

L’inertie est dangereuse, particulièrement en cette période unique. Ce n’est pas nouveau, le secteur du retail se transforme. Mais cette fois, il semble bien déterminé à préparer “l’après-crise”.

Qui dit bouleversement des modes de vie, dit aussi changement des modes de consommation.

Du système D à l’implémentation de nouveaux canaux pleinement opérationnels dans une logique omnichannel (ou omnicanal), l’action et le pragmatisme sont les maîtres mots chez les commerçants, quelle que soit leur taille.

Car si les petits producteurs, les marchés et les commerces de proximité ne se sont pas laissés abattre, les grandes marques ont également vu leurs bonnes décision stratégiques payer. C’est par exemple le cas de Boulanger, Décathlon et Nike. Pour d’autres marques, c’est malheureusement leur attentisme couplé à un contexte difficile et inédit qui aura finalement eu le dernier mot.

Boulanger, bien décidé à sortir de la crise par le haut

Réussir la transition de la vente majoritairement en magasin au 100% livraison sans contact, voici le pari de Boulanger. Avant la crise, le digital représentait environ 20% de leurs ventes en France. Malgré un manque à gagner de 300 millions d’euros, le groupe a souhaité faire sa part et soutenir le monde médical, notamment grâce à des dons de masques.

C’est en prenant soin des collaborateurs, des partenaires, des clients mais aussi des héros de la crise que le président du groupe, Etienne Hurez, vise à sortir par le haut de cette crise.

Décathlon, jamais à court d’idées pour servir ses fidèles clients

Des produits Décathlon chez Franprix ? Ce n’est pas un rêve, mais bien la réalité suite à un partenariat conclu entre les enseignes. L’objectif ? Proposer des produits utiles pendant la crise, car le sport est essentiel pour la santé, et surtout un sujet de préoccupation pendant le confinement. Il s’agit donc principalement d’articles de sport d’intérieur, comme des tapis de sol, des haltères ou des cordes à sauter. Plus d’excuses pour ne pas s’y mettre, donc.

Nike, dont les résultats positifs confirment l’efficacité de sa transition omnicanale

Nike est une géant parmi les géants. Sa transformation digitale est jugée comme très performante de toutes parts, ce qui lui a permis de limiter fortement les effets de la pandémie du Covid-19, du confinement et de la crise sur ses performances.

D’un côté, la marque a fermé ses magasins physiques… de l’autre, ses activités digitales ont gagné 36% sur le dernier trimestre, ce qui est une grande victoire. Sans aucun doute, la puissance de la supply chain data-driven de Nike lui a permis de supporter sans encombre la hausse de l’activité e-commerce, quand ses concurrents ont rencontré des difficultés.

Et les soldes, alors ? Alors que cette période spéciale pour les marques de prêt-à-porter doit démarrer le 24 juin (si la date est maintenue), le délai pour vendre ses produits avec des marges confortables semble irréaliste. Un petit mois seulement, sans parler des habituelles ventes privées qui démarrent bien plus tôt, pour écouler les stocks d’été restés bloqués derrière des grilles de magasins baissées. Les enseignes seront-elles à la hauteur ?

Les fonctions omnicanales du commerce bientôt considérées comme des fonctions vitales

De nouvelles habitudes redéfinissent la priorité des canaux de vente

En ce contexte de crise, les consommateurs n’ont pas eu d’autre choix que de changer leurs habitudes rapidement et drastiquement. C’est pour cette raison qu’ils privilégient les canaux de consommation axés sur la simplicité et la nouveauté.

D’une certaine manière, les circonstances imposent la rupture. La rupture favorise l’innovation. Et dans le cas du retail, l’innovation se manifeste par un report sur les canaux “complémentaires“ ou “optionnels” (notamment le e-commerce et le digital)… qui deviennent alors des must-have.

Mais contrairement aux apparences, si ces nouvelles habitudes ont explosé avec les récents événements, rien ne présage d’un retour à la normale par la suite. Une forte proportion de ces habitudes récemment développées vont persister, engendrant de nouveaux besoins à adresser pour les marques, des attentes auxquelles elles devront s’adapter.

Et comme vous vous en doutez, ce nouveau monde d’après Covid-19 sera fortement imprégné de numérique et d’expérience client. Le commerce physique pourrait bien être contraint de s’adapter durablement au modèle de distanciation sociale, grâce notamment au click & collect, à la e-réservation, au drive, à la prise de rendez-vous en boutique, etc.

Des exigences différentes mais bien réelles de la part des consommateurs

Rester chez soi pendant 2 mois n’a été simple pour personne. Si les consommateurs se sont essayés à de nouveaux modes de consommation (ou ont tout simplement renforcé des habitudes déjà présentes), il est clair qu’ils n’en ont pas perdu pour autant leur exigence envers les marques qu’ils consomment.

Ceux-ci vont être d’autant plus regardants sur les points de vente où ils vont se rendre. La moindre friction dans leur parcours d’achat va amplifier le sentiment de vivre une mauvaise expérience. Éviter cela devrait être la priorité des commerçants.

La distanciation sociale devient également la norme et ne va pas disparaître aussi rapidement qu’elle est apparue… loin de là. Pour illustrer cette tendance, il suffit de consulter les recommandations gouvernementales ou de voir que 24% des français comptent éviter les centres commerciaux. D’ailleurs, 19% d’entre eux vont aussi limiter les sorties au cinéma, aux concerts, au restaurant et dans d’autres lieux dédiés aux loisirs.

En soi, cela peut être perçu comme une bonne nouvelle pour le commerce de proximité. Toutefois, ces acteurs vont également devoir adapter leurs canaux de vente et passer à l’omnicanal pour fluidifier le parcours client.

Cela a déjà commencé, mais le commerce va fortement muter et dans le secteur du retail, il y aura un avant et un après-crise du Covid-19. La résilience devient une valeur centrale. Le digital peut justement les aider à répondre aux nouvelles attentes des clients, mais ce n’est pas la seule variable d’ajustement, car il faut aussi accompagner la transformation en interne.

Pendant la crise, les commerçants ont fait preuve de pragmatisme pour mettre en place rapidement des solutions efficaces. Avaient-ils une autre alternative ? La survie de leur business en dépendait. Nous ne pouvons donc qu’espérer que ces mêmes commerçants (petits et grands) conservent ce pragmatisme après la crise afin de se développer de la manière la plus saine possible.

C’est cette résilience qui les aidera à résister aux prochaines crises et aux nombreuses évolutions qui vont changer le retail dans les années à venir.

« Le mieux est l’ennemi du bien », en particulier ici. Les vendeurs qui n’ont pas encore démarré leur transition digitale ne doivent pas viser le 100% omnicanal en deux semaines. En revanche, chacun doit avancer à son rythme, à coups de petites initiatives et d’itérations pour tendre vers un commerce vraiment résilient. Test, learn, improve.

La crise n’est pas terminée en dépit du déconfinement, l’avenir restant incertain et peu réjouissant économiquement. Puissions-nous en tirer les leçons au plus tôt, même si les conséquences réelles ne seront sans doute pas visibles avant Noël 2020. Quoi qu’il en soit, ceux qui s’en sortiront le mieux seront les retailers qui ont déjà entrepris leur transformation digitale pour construire un business résilient au sein d’une organisation agile. Si ce n’est pas le cas, il n’est pas trop tard pour se lancer.