La smart city est un écosystème numérique. Les outils de supervision et hypervision ainsi que les bases de données s’y développent afin d’accompagner la transition énergétique et proposer des nouveaux services aux habitants de la ville. Certains industriels ont développé leur propre outil, les grands acteurs mondiaux de l’informatique se sont aussi placés sur le marché, chacun mettant l’accent sur un besoin particulier de la smart city et de l’aménagement urbain. Tour d’horizon des principales plateformes à la disposition des villes du futur.

En France, Dijon et Angers s’affichent en pointe pour devenir des smart cities de référence. OnDijon, finaliste d’un concours lors du salon mondial des villes intelligentes de Barcelone en 2018, propose une gestion centralisée et connectée de l’ensemble des équipements publics. L’objectif est clair, il s’agit d’améliorer le cadre de vie des citoyens tout en contribuant à la transition écologique. Auréolée du label French Tech depuis 2015, Angers ambitionne elle aussi de devenir la première smart city française et a pour cela développé le Pavic (« Programme Accélérateur de la Ville Intelligente et Citoyenne »). La ville de l’Ouest cherche à déployer une plateforme de pilotage centralisée. Plus largement, la smart city s’oriente vers ce type d’outils. Certains sont mûrs, d’autres restent à renforcer.

Des dispositifs probants

L’exploitation du big data au sein du cloud ouvre des possibilités renforcées de management citoyen et d’optimisation énergétique. Le City Information Modeling (CIM) 3DEXPERIENCity de Dassault Systèmes, est un outil de simulation, planification et pilotage transversal et collaboratif urbain qui repose sur le cloud. Il se distingue des réseaux intelligents traditionnels par sa gestion particulière des données énergétiques. À Rennes par exemple, une multiplicité d’éléments (topographie, mobilité, santé, démographie…) sont transmis à la plateforme centrale. En retour, celle-ci adapte les consommations d’énergie aux caractéristiques de la zone cible. En parallèle, les algorithmes prédictifs du CIM anticipent sur les évolutions de la ville et donc sur ses besoins. Centralisées, les données sont actualisées en temps réel « au sein d’un référentiel unique » grâce aux objets connectés et aux données fournies par des acteurs de la ville.
A Dijon, avec la plateforme MUSE, développée par Citelum, les agents peuvent suivre sur des écrans l’état des équipements urbains connectés en temps réel et réagir ainsi à tout type d’événement. Par exemple si un passant est témoin d’un accident de la circulation il peut immédiatement transmettre l’information par son smartphone. Celle-ci sera transmise sur des panneaux afin d’alerter les automobilistes et de les inviter à modifier leur itinéraire. Des agents pourront alors coordonner l’envoi des secours grâce à la géolocalisation des véhicules d’intervention. Afin de faciliter le déploiement de ceux-ci, les agents, toujours par l’intermédiaire de cette plateforme centralisée, pourront piloter les feux de circulation sur le trajet, abaisser les bornes escamotables etc. Autant de possibilités qui rendent encore plus efficaces et sécurisées les interventions d’urgence.
Cette plateforme peut également jouer un rôle essentiel quant à l’entretien et la mise en valeur du patrimoine urbain. Les différents services de la métropole auront en effet accès aux informations relatives au patrimoine et pourront ainsi planifier les interventions de maintenance et suivre l’état d’avancement des travaux, chaque équipement bénéficiant d’une fiche d’identité, de sa géolocalisation et de son historique.
Outre sa connectivité CIM, MUSE est certifié TALQ, ce qui permet d’attester de son interopérabilité sur d’autres systèmes. La plateforme de Citelum opère au travers de trois interfaces (Desktop, Web, Mobile). Également évolutive, elle fonctionne avec l’open data afin de s’enrichir et de s’optimiser en permanence. De plus, les rapports et analyses produits permettent d’optimiser le fonctionnement des équipements et éviter le gaspillage en adaptant les éclairages à l’usage réel.
Autre concept en vogue dans les villes intelligentes en France : les plateformes participatives. Dix communes travaillent sur des outils en ligne destinés à faire participer les habitants qui pourront apporter des idées, faire des observations ou signaler les incidents aux services de la mairie. Des start-ups comme Citizen lab, Cap Collectif ou Fluicity se sont particulièrement fait remarquer. C’est sur ce principe que la ville de Rennes a développé « La Fabrique Citoyenne » centralisant des initiatives participatives et en se servant de l’outil Cap Collectif, « plateforme d’intelligence collective » regroupant de multiples services d’interactions entre les collectivités et les citoyens. La population peut ainsi contribuer à la définition du budget municipal, à la promotion de nouveaux projets pour la jeunesse, le sport etc.

Des essais à transformer

Du côté des géants de l’informatique on trouve IBM qui a mis en place entre 2010 et 2018 près d’une quinzaine de plateformes (Hyperviseurs) dans le monde. Cependant ces outils n’ont pas su réellement s’implanter en France à l’exception de projets de R&D déployés entre 2013 et 2016 à Montpellier, Nice ou Perpignan. En ce qui concerne le projet de la communauté de communes du Pays du Haut Val d’Alzette dans le Grand Est, c’est un groupement mené par Capgemini qui va déployer l’hyperviseur. Ce projet, qui bénéficie du soutien financier du Programme des Investissements d’avenir, devrait voir le jour à l’horizon du 4eme trimestre 2020. Cependant, sa réplicabilité reste à démontrer.

Sur un plan plus déontologique, la Quadrature du Net s’est penchée sur le système Ineo d’Engie. À Marseille, la donnée collectée à des fins de pilotage excéderait une simple recherche homéostatique et s’orienterait vers la surveillance (données publiées sur les réseaux sociaux) et des contributions personnelles comme fournir sa vitesse de déplacement et son niveau de stress grâce à une application liée. En 2018 le groupe français avait présenté sa plateforme Livin’ qui propose de connecter l’ensemble des infrastructures et logiciels de la ville. Là aussi l’objectif est de répondre à des problématiques variées en centralisant les données et les moyens d’action sur le trafic, la signalisation, l’éclairage etc. Avec une seule implantation à La Baule, la plateforme développée par Engie a elle aussi du mal à trouver son public.

Citeos fournit quant à lui un éclairage intelligent qui mêle attractivité, sécurité et performance énergétique. Les éclairages seront par exemples réglés selon la présence humaine et la météo détectées. Mais la solution semble peu évolutive. Citeos se limite en effet à préciser qu’ « à terme, le réseau d’éclairage peut également devenir une plateforme multi-services« , là où d’autres acteurs (Dassault Systèmes, Citelum…) fournissent déjà un pilotage holistique fonctionnel. Cisco a de son côté conduit une expérimentation Place de la Nation à Paris, mais sa plateforme Digital Network Architecture qui centralise les données récoltées grâce à des capteurs statiques ainsi que des objets ou des personnes connectées tarde à se développer en France.
L’avenir urbain semble inséparable de la smart city et des plateformes numériques et les applications potentielles de ces outils sont infinies. La prudence invite toutefois à se méfier de l’engouement qu’ils suscitent (comme celui que connaît la blockchain). Les exemples précités illustrent que des acteurs sont performants avec des solutions déjà assez complètes, tandis que d’autres, eux aussi experts, doivent gagner en maturité et réussir à trouver leur place sur un marché en plein essor.