Cette absence de corrélation n’est pas nouvelle, mais elle prouve une chose.
La psychologie humaine a du mal avec la forme négative. Et quand on lui dit « il N’y a PAS de lien entre les jeux vidéos et la violence », elle entend le contraire.

C’est comme cela que se perpétue de longue date le grand débat dans les cafés et les familles sur « les jeunes qui ne sont plus ce qu’ils étaient… » à cause du Rock’n Roll, Jazz, films d’horreur, Rap, PSG, etc. Et c’est pour cela qu’on lui ajoute depuis quelques années l’item « jeux vidéo ».

Les politiques s’approprient les jeux vidéo pour justifier la violence

Le débat n’a d’ailleurs pas lieu qu’entre particuliers, et c’est bien là le problème. Il agite désormais aussi la Maison Blanche. Selon Donald Trump, le jeu vidéo est le vrai grand responsable de la tuerie de Parklands (Floride) qui a fait 17 morts. Il a même convoqué pour en parler les entreprises du secteur dont, visiblement, les lobbyistes sont moins efficaces que ceux du business des armes.

Voilà pourquoi l’étude du Oxford Internet Institute qui est la dernière en date sur le sujet à confirmer qu’il « N’y a PAS de lien » a cherché à enfoncer le clou en optant pour une méthodologie nouvelle.

Pré-enregistrement

L’intérêt de cette méthodologie est qu’elle a engagé les chercheurs … sur leurs hypothèses.On leur a tout simplement demandé de « pré-enregistrer » celles-ci avant de commencer la recherche.

« Un large échantillon d’adolescents britanniques (n = 1004) âgés de 14 et 15 ans et un nombre égal de ceux qui s’occupent d’eux ont été interrogés, détaille le papier publié sur le site Royal Society Publishing (Open science). Les jeunes ont relaté leurs expériences de jeu récentes. De plus, les contenus violents de ces jeux ont été recensés en utilisant les classements officiels de l’UE et des États-Unis, et les personnes qui accompagnent ces jeunes ont fourni également des évaluations des comportements agressifs de leurs adolescents le mois dernier. À la suite d’un plan d’analyse préenregistré, des analyses de régression multiple ont testé l’hypothèse selon laquelle le jeu violent récent est lié de manière linéaire et positive aux évaluations du comportement agressif par les personnes qui les suivent. Les résultats ne corroboraient pas cette prédiction, pas plus que l’idée selon laquelle la relation entre ces facteurs suit une fonction parabolique non linéaire. »

Autrement dit l’hypothèse selon laquelle « plus on joue, plus on devient violent », sous-entendu « et à la fin on tue des dizaines de personnes comme si c’était un jeu » n’est pas prouvée.

Critique des biais d’analyse dans les études précédentes

En réalité, c’est moins le nouveau résultat de l’étude qui est intéressant que la critique en règle qui y est faite des études précédentes. Notamment de celles qui ont mené de nombreux organismes officiels, aux États-Unis notamment, à recommander la prudence en matière de jeux vidéos auprès des jeunes.

GAM

Premier visé, le GAM, General Aggression Model, suggérait en 2002 que « les jeux vidéo violents favorisent le comportement agressif… et que l’exposition à des jeux vidéo violents augmente les pensées et les sentiments d’excitation physiologique liés à l’agression. Les jeux vidéo violents diminuent également le comportement « pro-social »  » (recherche Anderson and Bushman).

En clair : plus on joue, plus on s’isole et moins on fait la différence entre le jeu et la réalité.

Ce modèle avait déjà connu de nombreuses contre-attaques, mais Oxford lui règle à nouveau son compte, en insistant sur les biais de ce type d’études, notamment les « faux positifs » qui apparaissent chez certains chercheurs et pas chez d’autres,  selon la façon dont ils interprètent les mêmes données.

Réduction des biais

D’où la nouveauté : l’étude Oxford a concentré son approche sur la réduction de tous ces biais qui sont au fond toujours un peu le même : on cherche à mesurer précisément et statistiquement un concept flou, « l’agressivité ».

En mettant de la rigueur à la fois dans la notion et dans la façon dont on l’observe (notamment ici, en interrogeant en premier lieu les personnes qui accompagnent les adolescents -parents, etc.), ils sont arrivés à la conclusion que non, on ne peut toujours pas établir de corrélation.

Le vrai problème

Le seul vrai problème au fond de cette histoire est que l’Université Oxford est assez condescendante dans son communiqué. Les universitaires sont très fiers de leur critique des études précédentes à un point où ils présentent la leur comme « l’une des plus définitives à ce jour ».
Aïe ! Pas sûr que cette formulation appuie leur autorité. On imagine déjà le prochain tweet de Donald Trump : « oui, mais définitive jusqu’à quand ? »