Nous vivons déjà la réalité du commerce en ligne et nous voyons, en ce domaine, de plus en plus d’idées entrepreneuriales qui prennent forme et se développent même par-delà les frontières de notre pays.

Vous êtes déjà propriétaire d’une société et les affaires commencent à plutôt bien marcher. Les bénéfices s’accroissent, vous pensez déjà à vous développer à l’international. Avant de pénétrer les marchés extérieurs, il vous faut suivre quelques étapes essentielles :

Enregistrer sa marque

Même s’il s’agit d’un magasin en ligne, il ne faut pas oublier d’enregistrer le nom du magasin en tant que marque. L’autorité qui s’occupe de l’enregistrement des marques en France est l’INPI (Institut National de la Proprieté Industrielle)
• Un formulaire doit être complété en ligne (c’est moins cher et plus rapide) sur inpi.fr ;
• Pendant 6 semaines, la demande est publique. À partir de la publication, il y a un délai de 2 mois pour que quelqu’un fasse opposition si votre marque empiète sur les droits d’un tiers ;
• Une fois publiée, votre marque est l’objet, par la même occasion, d’un examen ;
• À la fin de la période d’examen de la marque, celle-ci est enregistrée dans un délai d’environ 5 mois.

Il serait bon que vous réfléchissiez bien à l’avance si vous désirez faire de la vente à l’international à partir de votre magasin en ligne, car, dans ce cas, il est avantageux que vous organisiez une veille sur votre marque à l’aide de services spécialisés, pour apprendre à temps si votre marque est enregistrée par quelqu’un d’autre sur un territoire où vous n’avez pas encore réussi à la protéger. La protection couvre la marque, même dans sa traduction en quelque langue que ce soit. L’enregistrement de toute marque doit être renouvelé tous les 10 ans.

Réservation du nom de domaine

Si vous avez un magasin en ligne, vous êtes sans doute déjà passé par l’étape de l’enregistrement du nom de domaine, mais il existe également des cas où, quand on veut l’enregistrer, l’on se rend compte qu’il a déjà été retenu par quelqu’un d’autre. Que faut-il faire dans ce cas ?

Vous allez maintenant comprendre pourquoi l’enregistrement de la marque est le premier défi à affronter ☺
Si le nom de domaine est .fr, vérifiez quelle est la relation existant entre le titulaire/détenteur et le nom de domaine. Si celui-ci détient une entreprise portant le même nom et que le nom de domaine a été acheté avant l’enregistrement de votre marque, il n’y a pas moyen de l’attaquer pour le récupérer, parce qu’il s’agit d’une utilisation de bonne foi et sérieuse du nom en question.

Si le titulaire n’utilise pas le nom de domaine, mais le maintient bloqué, certaines institutions résolvent de tels problèmes comme l’UDRP (Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy) – une procédure administrative de récupération mise en place par l’ICANN (The Internet Corporation for Assigned Names and Numbers). Par exemple, quand une marque entre en conflit avec un nom de domaine, il faut tenir compte du droit prioritaire : si la marque a été enregistrée avant l’enregistrement du nom de domaine alors elle a priorité. Par contre, dans le cas inverse, la partie se trouvant dans l’illégalité recevra une notification l’enjoignant de renoncer au nom de domaine. C’est une démarche similaire à une procédure judiciaire et la décision est obligatoire pour les parties.

Si celui qui détient illégalement un nom de domaine ne veut pas y renoncer, la décision sera transmise à ceux qui mettent les noms de domaine à disposition afin d’interrompre la fourniture des droits d’utilisation de ce nom de domaine.
En général, le nom de domaine est protégé par simple réservation et ne peut plus être enregistré sous la même exacte dénomination par un autre titulaire. Les domaines .com et .fr se renouvellent chaque année.

Partage des zones d’influence

Si vous avez réussi à franchir cette étape, bravo ! Le défi suivant pourrait être la constatation que quelqu’un a enregistré une marque similaire à la vôtre sur un territoire où votre marque est déjà enregistrée.

Dans ce cas, il faut se procurer les informations de base concernant les classes d’enregistrement de la marque. Les classes d’enregistrement d’une marque font référence aux types de produits pouvant être représentés par cette marque, par exemple : produits laitiers, produits carnés, café, etc.

Si votre marque, par exemple, est enregistrée dans la classe X correspondant au commerce des produits laitiers, et qu’une autre entreprise désire enregistrer une marque similaire dans la même classe, vous avez le droit de bloquer l’enregistrement de cette marque, selon le principe de l’antériorité énoncé plus haut. Si la marque est similaire en tant que nom, par exemple Osmodren et Osmosen, mais que la seconde ne sera pas enregistrée dans la classe où est déjà enregistrée votre marque, alors l’on peut parler d’une négociation entre parties, sous la forme d’une entente où chacune des parties assure qu’elle n’enregistrera pas sa marque dans les classes où l’autre marque similaire est déjà enregistrée.

Supposons que vous voulez, l’an prochain, couvrir la Belgique, l’Allemagne et l’Autriche avec votre magasin en ligne.

• Il vous faut tout d’abord enregistrer une marque communautaire qui vous offre la possibilité ensuite d’acheter un nom de domaine lié au nom de la marque.
• Pour cela, il faut d’abord avoir une marque déposée ou dont l’enregistrement a été demandé dans le pays de résidence de votre entreprise.
• Puis il faut compléter un formulaire spécifique qui devra être déposé à l’Office National où votre marque est enregistrée, dans le cas de la France à l’INPI.
• Si votre marque est déjà enregistrée en France, l’INPI fait suivre la demande. Sinon, elle est vérifiée et est effectué un pré-examen pour constater que le formulaire est correctement complété, puis la demande de marque est transmise à l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle – WIPO).
• S’ensuit l’examen de l’OMPI.
• Si tout est en règle, la marque est enregistrée à l’OMPI et reçoit un numéro de marque, qui s’appelle spécifiquement IRN (International Registration Number) et est délivré un certificat de l’OMPI avec le numéro de la marque. Ce certificat n’atteste pas l’enregistrement dans les pays où vous voulez vous implanter, mais ce n’est qu’à partir de l’émission de ce certificat que l’OMPI transmet la demande d’enregistrement aux offices nationaux concernés, dans les pays où vous désirez que votre marque soit protégée.

Il est bon de réfléchir dès le départ aux pays dans lesquels vous voulez déposer une demande d’enregistrement de votre marque, parce que l’on ne paye alors qu’une fois la taxe de l’OMPI. Toute demande d’enregistrement ultérieure entraîne le paiement d’une nouvelle taxe à l’OMPI.

• Si, lors de l’examen de votre demande (via l’OMPI) par l’Office National des Marques du pays où vous voulez enregistrer votre marque, la Belgique par exemple, des problèmes sont constatés, cet Office National émettra un refus provisoire qu’il enverra à l’OMPI, qui à son tour l’enverra à l’Office National des marques de votre pays de résidence où la marque a été déposée pour la première fois, en l’occurrence l’INPI, et cet Office du pays de résidence vous transmettra l’information pour qu’une solution soit trouvée au problème rencontré.
• Quand les demandes sont envoyées aux pays visés, chaque demande suit une procédure qui lui est propre en fonction de la procédure nationale.

En ce qui concerne le nom de domaine, vous avez la possibilité de n’acheter qu’un seul domaine .com que vous utiliserez dans les 3 pays, soit en achetant un domaine dans chaque pays (.be, .au., .de) ce qui fera que vos affaires en ligne seront bien mieux implantées sur le territoire du pays en question.

Pour acheter un nom de domaine pour chaque pays en particulier, vous allez devoir remplir des conditions spécifiques à chaque pays, par exemple y faire des affaires, avoir un siège dans le pays en question ou une adresse de contact, soit par l’intermédiaire d’un représentant, soit en nom propre.

Si au moment où vous déposez votre demande vous apprenez que votre nom de domaine est détenu par une autre entreprise, pour l’Europe la résolution du conflit passe par l’OMPI, qui a son siège à Genève.

La France et l’Allemagne font exception. Quand vous voulez enregistrer un nom de domaine en France et que vous constatez que celui-ci est déjà détenu par une entreprise locale, il vous faut déposer une demande de retrait du droit d’utilisation du nom de domaine dans le cadre de l’AFNIC (Association française pour le nommage Internet en coopération) qui dépend administrativement de l’OMPI, mais qui possède une procédure qui lui est propre pour résoudre ce type de litige. En ce qui concerne les domaines enregistrés en Allemagne, l’Office National des marques de ce pays vous donne la possibilité de bloquer le transfert du nom de domaine pendant un an, mais la récupération effective du nom de domaine ne peut se faire que devant les tribunaux.

Si vous désirez étendre vos affaires à l’espace extra-communautaire, en Suisse par exemple…

Il vous faudra tenir compte du fait que bien qu’étant européenne, la marque communautaire ne couvre que les territoires de l’Union Européenne. Par conséquent, pour la Suisse, il vous faut enregistrer une marque nationale, ce que l’on peut faire soit par l’intermédiaire de l’OMPI, soit via l’Office National des marques local (l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle ou IPI/IGE – Swiss Federal Institute of Intellectual Property).
• Il faut ainsi compléter un formulaire en ligne à envoyer à l’IPI ;
• On peut payer immédiatement la taxe d’examen et, dans ce cas, votre marque est examinée plus rapidement ; sinon vous avez un délai de deux mois pour payer la taxe ; l’examen de la marque peut se faire dans un délai de 4 mois maximum suivant paiement de la taxe ;
• Si la marque est examinée et que n’apparaît aucun problème, l’IPI l’enregistre ;
• Il est très important de retenir qu’il peut être fait opposition même après enregistrement. Dans ce cas, si celui qui fait opposition a gain de cause, il peut annuler l’enregistrement de votre marque.

La récupération d’un nom de domaine en Suisse suppose que l’opposant a complété un formulaire de contestation, dans lequel la partie adverse sera identifiée ainsi que le nom de domaine en litige, et celui-ci devra argumenter pourquoi ce nom de domaine viole son droit sur ses marques.

L’opposant doit donc démontrer ce qui suit :
• qu’il possède une marque antérieure identique ou similaire déjà enregistrée ;
• que le titulaire du nom de domaine contesté l’a enregistré et utilisé de mauvaise foi ;
• que le titulaire du nom de domaine contesté n’a pas d’intérêt à conserver ce nom de domaine ;

Un arbitre (ou 3, selon ce qu’en décide l’opposant) prend une décision dans les 2 mois environ. En Suisse cette procédure est gérée par l’UDRP.

Cette tribune vous est proposée par :
Paul Cosmovici, Managing Partner at Cosmovici Intellectual Property. Spécialisé dans les stratégies de protection des marques, en particulier concernant la Suisse, les États-Unis, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Russie et la Chine avec une expérience significative dans le domaine de la propriété intellectuelle internationale.