La commission mixte paritaire portant sur le projet de loi visant à « sécuriser et réguler l’espace numérique » (SREN) s’est déroulée ce mardi 26 mars. Adoptée en juillet au Sénat et en octobre à l’Assemblée nationale, la loi tarde à être promulguée en raison de critiques, notamment sur certains articles qui empiètent sur les prérogatives de réglementations européennes, dont le Digital Services Act (DSA).

À huis clos, députés et sénateurs se sont ainsi accordés sur une nouvelle version du texte, harmonisée avec le DSA et la directive de 2000 sur le commerce électronique. Les échanges rapportés par Le Monde notent le retrait de deux amendements. L’un portait sur l’interdiction des influenceurs de faire la promotion de contenus pornographiques sur des plates-formes ne vérifiant pas l’âge de leurs utilisateurs. L’autre sur la mise en place par les réseaux sociaux d’un signalement aux parents d’enfants cyber-harceleurs.

Le blocage administratif, sans l’aval d’un juge, des sites pédopornographiques ne vérifiant pas l’âge des utilisateurs a été modifié. En raison de la directive sur le commerce électronique, les fournisseurs de ces services sont soumis au droit de l’État dans lequel ils sont établis. Alors pour être conservé, l’article a été ajusté pour cibler les plateformes de partage de vidéos (PPV). Ce changement permet à la loi SREN de s’inscrire dans la directive européenne relative aux services de médias audiovisuels qui prévoit une obligation de la vérification de l’âge. D’autres changements ont porté sur le filtre anti-arnaques et la création d’un référentiel de vérification d’âge, qui sont donc conservés.

Un « délit d’outrage en ligne » avec à la clé une suspension temporaire des réseaux

Un nouveau « délit d’outrage en ligne » a été créé. Ciblant les comportements discriminatoires, injurieux ou harcelants, il est passible d’une amende forfaitaire. La nouvelle version de la loi SREN a conservé la peine de suspension temporaire des réseaux sociaux qui est associée à différents types de délits, dont le cyberharcèlement. Par ailleurs, des dispositions censées renforcer la protection des données de santé, notamment celles du Health Data Hub, ont été prises.

L’UE n’est pas la seule à s’être dressée contre le texte. L’association de défense et de promotion des droits et libertés sur Internet La Quadrature du Net l’a également fait. Elle a notamment pointé les articles sur la protection contre les arnaques en ligne. « Cet article ne se contente pas de créer un nouveau prétexte pour faire retirer un contenu : pour la première fois, il exige également que les fournisseurs de navigateurs Internet participent activement à cette censure », a-t-elle pointé en octobre dernier.

Une député dénonce l’installation d’« outils pratiques d’un contrôle social de masse »

L’association a également accusé les articles concernant l’accès aux contenus pédopornographiques de faire « sauter la digue de l’anonymat en ligne, pourtant cruciale pour beaucoup de personnes, [ce qui ferait] entrer encore un peu plus la France dans le club des États autoritaires ».

Pour la Quadrature du Net « réguler par la censure, l’autoritarisme et les atteintes massives aux droits fondamentaux, n’est pas la bonne solution. Il existe pourtant d’autres manières de faire, notamment en passant par l’obligation d’interopérabilité des réseaux sociaux ». Cette dernière avait d’ailleurs été envisagée lors du Digital Markets Act, mais « la France était parvenue en bout de course législative à supprimer une telle obligation », souligne l’association.

La nouvelle version de loi SREN sera votée au Sénat le 2 avril et à l’Assemblée nationale le 10 avril. Sa promulgation reste soumise à plusieurs enjeux. La députée Ségolène Amiot de la France Insoumise dénonce l’installation d’« outils pratiques d’un contrôle social de masse », ce qui annonce de nombreux débats. Par ailleurs, une procédure de question prioritaire de constitutionnalité du Conseil constitutionnel pourrait amener à la censure d’éventuels passages jugés contraires à la Constitution. Enfin, reste à voir ce qu’en pensera l’Europe.