L’intelligence artificielle générative – ou Gen AI- va s’inviter dans de nombreux domaines du secteur Automobile. Mais là où elle va considérablement marquer la différence, c’est dans ce qu’elle peut apporter aux nouveaux métiers du secteur, là où justement les constructeurs peinent à optimiser les choses et à gagner en rentabilité.

“2023 doit être l’année de la productivité”. Le mot d’ordre lâché par le directeur financier de Volkswagen en mars dernier pourrait bien être adopté par l’ensemble des acteurs historiques du secteur automobile. Dans ce marché mature, complexe et compétitif, les marges opérationnelles sont sous pression, et leur capacité actuelle à progresser grâce à de nouvelles parts de marché limitées.

Les constructeurs ont déjà clairement identifié des relais de croissance à moyen terme, mais dans l’immédiat, pour préserver leur solidité financière, il est vital pour eux de gagner des points de productivité. En plein bond quantique ces derniers mois, la Gen AI pourrait s’avérer être une précieuse alliée dans cette quête.

Nouvelle efficience économique

Si l’intelligence artificielle n’est pas nouvelle dans l’industrie automobile, la genAI introduit une souplesse nouvelle et multidimensionnelle : en augmentant les capacités et la façon d’appréhender les problématiques, elle peut permettre de résoudre des équations jusque-là hors d’atteinte, donnant ainsi les clés d’une nouvelle efficience économique.

Concrètement, cela ne se traduira pas par une révolution systématique de l’ensemble de l’industrie, mais plutôt par des avancées inédites dans l’optimisation de certains domaines. La gestion des achats, par exemple, qui est une fonction clé dans ce secteur. Sa capacité à analyser et produire des contenus en fait un outil très puissant pour rédiger contrats, appels d’offres et stratégies catégorielles, concevoir des plans de sourcing originaux, ou encore en proposant des groupements auxquels l’humain n’aurait pas pensé. Un gain de temps, une vision nouvelle, et des acheteurs mieux équipés pour se concentrer sur la négociation.

Changer le paradigme du test pour innover

Autre dimension non négligeable : la genAI peut aider à mieux créer les usines. Fabriquer de nouvelles lignes, adapter rapidement les existantes… Aujourd’hui, les opérations sont longues et compliquées, notamment car les techniques utilisées pour enseigner de nouveaux comportements aux robots d’assemblage sont lentes et souvent limitées à des tâches simples et effectuées dans des environnements très encadrés. La configuration d’une nouvelle chaîne d’assemblage nécessite l’écriture chronophage de codes sophistiqués et/ou l’utilisation massive de cycles d’essais et d’erreurs pour programmer des comportements. Toyota Research Insitute vient d’ailleurs d’annoncer à ce sujet une méthode d’apprentissage par l’exemple humain, qui permet de générer de « grands modèles de comportement » (« LBM ») pour les robots, analogues aux grands modèles de langage (« LLM ») qui ont récemment révolutionné l’IA conversationnelle.

Réduire le temps de commercialisation des innovations

La genAI peut aussi donner des ailes à l’innovation. L’automobile ne manque pas d’idées, mais les évolutions sont longues et coûteuses à tester. En produisant de la donnée synthétique et des environnements « tests » proches de la réalité, la genAI décuple les moyens actuels.

Exemple avec les véhicules autonomes, qui doivent continuellement se tester et apprendre. La genAI rendra possible les avancées en la matière, en limitant les freins culturels et réglementaires auxquels elle est aujourd’hui soumise. Avec l’IA générative, plus besoin de lâcher de voiture sur des routes qui ne veulent pas toujours d’elle, en Europe notamment.

Dans la même logique, la genAI peut permettre de penser différemment la recherche sur les nouveaux matériaux et les carburants de synthèse. Là où aujourd’hui il faut tester laborieusement, elle permettra de détecter bien plus rapidement les capacités croisées de matériaux et d’optimiser les ressources en quantité et disponibilité limitées.

Par ailleurs, dans leur recherche de relais de croissance, les constructeurs sont peu à peu devenus des sociétés « tech » productrices de logiciels, qui permettent de commercialiser de nouvelles fonctionnalités sans avoir à sortir de nouveau véhicule. Cela les soumet à plusieurs difficultés : celle de recruter des développeurs sur un marché en tension, celle de perdre la main avec le client final lorsqu’ils nouent des partenariats (désintermédiation), celle de faire cohabiter deux cultures, celle de l’automobile qui laisse peu la place à celle des technologies. La genAI qui promet justement un copilotage du développement et le partage d’un langage unique, devrait faciliter les choses en permettant aux deux mondes de mieux se comprendre et en rendant les constructeurs moins dépendants des grands acteurs de la tech.

Faire collaborer des mondes étrangers

Le potentiel de la genAI dans l’automobile est impressionnant. Mais si les cas d’usage sont relativement faciles à concevoir, les mettre en œuvre est une autre histoire.
Tout l’enjeu va être dans l’opérationnalisation de la genAI : rationalisation des modèles intelligents et mise en place d’architectures ad hoc, fourniture de données qualitatives, dans un cadre sécuritaire optimal. Finalement intégrer l’IA dans l’environnement de l’entreprise, trouver les modèles les plus adaptés, faire cohabiter les systèmes… Et réussir à faire accoster la culture d’entreprise du constructeur et les moyens techniques des start-up qui seront inévitablement approchées pour leurs technologies.

Avec ses capacités à utiliser et générer du langage naturel, à synthétiser de la donnée en masse, l’IA générative vient simplifier la donne et permettre à des mondes qui se comprenaient parfois mal, de mieux travailler ensemble. Elle introduit de la fluidité là où elle faisait cruellement défaut, permettant en conséquence une meilleure allocation des ressources en fonction des besoins et des opportunités qui vont nécessairement émerger.

Bien utilisée, la genAI peut venir casser des barrières d’optimisation qui étaient jusque lors infranchissables, et offrir aux constructeurs les précieux points de productivité dont ils ont tant besoin pour continuer à évoluer. Celui qui saura l’utiliser avec pragmatisme et agilité tirera sans aucun doute son épingle du jeu.