Parmi les métiers de demain se trouve celui d’influenceur. En France, ce secteur en pleine expansion échappe aux réglementations, entraînant de nombreuses dérives. Afin d’encadrer ce domaine, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, a présenté, le 24 mars, de nouvelles mesures pour réguler l’activité d’influence commerciale sur les réseaux sociaux. C’est la première fois qu’un cadre complet de régulation des influenceurs est mis en place en Europe.

Définir et encadrer les influenceurs

Si les influenceurs se devaient déjà de respecter les règles sur la publicité de produits, ces dernières « n’étaient pas claires », a déclaré Bruno Le Maire. Désormais, grâce à la création d’un nouveau statut, celui de l’influence commerciale, ils feront l’objet d’une régulation appropriée, similaire à celle de la publicité au sein des médias traditionnels. Le ministre affirme que l’objectif du gouvernement est de « soutenir et défendre les influenceurs, pas de les stigmatiser ».

Après avoir écouté plus de 400 professionnels de l’industrie, organisé 8 tables rondes et lancé une consultation publique à laquelle 20 000 Français ont pris part, la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité en Commission des affaires économiques. Elle sera présentée en première lecture à l’Assemblée nationale le 28 mars prochain.

À travers celle-ci, Bercy définit, dans la loi, le métier d’influenceur et l’influence commerciale comme « une pratique qui consiste à créer, à diffuser à l’intention du public français par un moyen de communication électronique, des conseils ou des contenus faisant la promotion directe ou indirecte de produits ou de services en l’échange d’un bénéfice économique ou d’un avantage en nature ». De même, le mandat d’agence d’influence, les entreprises qui représentent les influenceurs, est dorénavant inscrit dans la loi.

Du côté du droit du travail, Bruno Le Maire déclare que le recours à des contrats écrits entre les annonceurs et les influenceurs, mais aussi entre les agences et les influenceurs, allait être systématisé. « S’il y a relation commerciale, il y a contrat », soulignait-il, « ils auront une forme libre du moment qu’ils garantissent les droits des influenceurs en matière de rémunération et de propriété intellectuelle ».

Les influenceurs mineurs, « qui sont de plus en plus nombreux », de moins de 16 ans devront obtenir une autorisation par agrément pour apparaître dans des vidéos d’influence commerciale. De plus, 90 % de leurs revenus seront bloqués jusqu’à leur majorité. Les mineurs âgés d’au moins 16 ans devront seulement obtenir un accord parental pour exercer leur activité.

Protéger le consommateur

Le deuxième volet de l’encadrement des influenceurs concerne la protection des consommateurs. « Nous ne laisserons plus rien passer, aucune dérive, aucun abus, aucune malversation », assure le ministre de l’Économie.

Bercy prévoit de réglementer la promotion de certains produits et services comme les produits financiers, l’alcool ou les paris sportifs. Ceux-ci seront soumis aux mêmes règles publicitaires que les médias traditionnels, tels que la télévision ou la radio, et seront accompagnés de messages de prévention.

Concernant le sujet de la chirurgie esthétique, toute publicité sera désormais proscrite. Bruno Le Maire est favorable à étendre cette interdiction à d’autres canaux de communication, mais estime que « c’est aux parlementaires d’en décider ». Il sera également obligatoire de préciser, lors d’une vidéo commerciale, si un filtre a été utilisé pour modifier l’apparence du sujet.

La naissance d’une brigade de l’influence commerciale

Pour faciliter le signalement des dérives des influenceurs, Bercy va accorder un statut de « signaleur de confiance » aux associations de consommateurs et victimes. Leurs retours seront traités en priorité. Aussi, le ministère « fera en sorte que les plateformes coopèrent avec les autorités », notamment en mettant en place des canaux de signalement pour les internautes et en engageant leur propre responsabilité. « C’est une question d’équilibre, c’est une question de justice », commentait Bruno Le Maire.

Un comité de coopération va être mis en place entre les autorités et les plateformes. Il sera chargé de vérifier que les mesures, inscrites dans une charte d’engagement, soient bien appliquées. Le premier bilan sera rendu dans six mois.

Enfin, Bruno Le Maire a révélé la création d’une brigade de l’influence commerciale « qui veillera au respect de ces règles commerciales ». Une équipe de quinze agents, au sein de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) s’occupera de répondre aux signalements des internautes et de les transmettre à la justice.

En cas de non-respect des règles, les influenceurs s’exposent à de nouvelles sanctions allant jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende. Le juge pourra également empêcher les condamnés d’exercer de leur métier d’influenceur.

Vers une influence responsable

En parallèle de la proposition de loi, Bruno Le Maire a annoncé la création d’un guide de bonne conduite des influenceurs. Il a pour but de les « aider à devenir plus responsables, à respecter les règles et à s’engager sur des sujets importants ». Le ministre cite l’écologie comme un des sujets « prioritaires devant figurer dans leurs engagements ».

L’ARPP (autorité de régulation professionnelle de la publicité) va mettre en place un observatoire de l’influence responsable, ainsi qu’un certificat et un label. Ils serviront à valoriser les initiatives des créateurs de contenus sur les réseaux sociaux. Pour finir, Bercy veut organiser des « rencontres de l’influence » chaque année pour suivre l’évolution du secteur. L’objectif est de nouer un « lien permanent entre les influenceurs et les autorités publiques ». La proposition de loi doit être débattue mardi prochain à l’Assemblée nationale.