Des chercheurs appartenant au département de l’Énergie américain viennent de franchir une étape historique dans le développement de la fusion nucléaire, l’énergie propre ultime qui pourrait un jour sauver l’humanité.

La fusion nucléaire, c’est quoi ?

Aujourd’hui, les énergies renouvelables comme l’éolien et le photovoltaïque nécessitent d’importantes parts de terrains et peinent parfois à répondre aux besoins énergétiques. L’énergie nucléaire produite dans les centrales, elle, est le fruit de la fission nucléaire, qui consiste à scinder un noyau atomique lourd, très souvent l’uranium 235. Cette réaction entraîne la création de neutrons ainsi qu’un dégagement d’énergie très important. Problème : elle produit aussi d’importants déchets nucléaires, et les dangers de ce processus pour l’humanité et l’environnement n’est plus un secret pour personne.

La fusion nucléaire est différente et peut être comparée à un soleil artificiel. Il s’agit de la réaction qui alimente les étoiles et les transforme en source d’énergie quasi infinie. Elle consiste à faire fusionner deux atomes légers d’hydrogène pour en créer un plus lourd, de l’hélium. De l’énergie est ensuite libérée par ce procédé et surtout, celui-ci est totalement propre ; contrairement à la fission nucléaire, la fusion nucléaire ne produit pas de déchets radioactifs.

Pour l’heure toutefois, les scientifiques sont encore loin d’être parvenus à générer de l’énergie grâce à cette réaction nucléaire, une exploitation à grande échelle de cette dernière est donc encore lointaine. L’année dernière, l’administration Biden annonçait tout de même augmenter ses efforts pour développer la fusion nucléaire, qui représenterait un immense pas en avant dans la lutte contre le réchauffement climatique en permettant de réduire drastiquement les émissions de CO2 engendrées par l’exploitation des énergies fossiles.

Une première dans le monde

Des scientifiques étudiant l’énergie de fusion au Lawrence Livermore National Laboratory, en Californie, ont annoncé ce mardi 13 décembre avoir franchi une étape très attendue en reproduisant la puissance du Soleil dans un laboratoire. Lors d’une expérience réalisée le 5 décembre dernier, 192 lasers géants ont fait exploser un petit cylindre de la taille d’une gomme contenant un morceau d’hydrogène gelé enfermé dans un diamant.

Les faisceaux laser sont entrés par le haut et le bas du cylindre, le vaporisant. Cela a généré un assaut de rayons X vers l’intérieur qui a comprimé une pastille de combustible de la taille d’une bille, composée de deutérium et de tritium, les formes les plus lourdes de l’hydrogène. La réaction a frappé la pastille avec 2,05 mégajoules d’énergie, soit l’équivalent de 700 grammes de TNT. Cela a engendré un flot de particules neutroniques, le produit de la fusion, qui transportaient environ 3 mégajoules d’énergie, soit un gain d’énergie d’un facteur 1,5, c’est-à-dire assez pour franchir le seuil d’ignition de la fusion nucléaire pour la toute première fois.

Ce seuil correspond au moment où plus d’énergie est produite que consommée, et que la réaction nucléaire se suffit à elle-même. Depuis des décennies, les scientifiques du monde entier tentent d’y parvenir. « Cette étape nous rapproche de la possibilité d’une énergie de fusion abondante sans carbone alimentant notre société. Si nous pouvons faire progresser l’énergie de fusion, nous pourrions l’utiliser pour produire de l’électricité propre, des carburants de transport, alimenter l’industrie lourde et bien plus encore. Ce serait comme ajouter une perceuse électrique à notre boîte à outils pour construire cette économie d’énergie propre », a expliqué Jennifer M. Granholm, la ministre de l’Énergie américaine, lors d’une conférence de presse.

Le laboratoire où l'expérience a été menée.

Le laboratoire où l’expérience a été menée. Photographie : Lawrence Livermore National Laboratory.

Encore des décennies de travail

Malgré cette avancée notable, nous sommes encore à « des décennies » de pouvoir exploiter la fusion nucléaire pour créer de l’énergie à grande échelle, selon Kimberly S. Budil, la directrice du Lawrence Livermore National Laboratory. En effet, il faut désormais que les chercheurs soient capables de franchir le seuil d’ignition à nouveau ; pour déployer la fusion nucléaire commerciale, il faut en effet être en mesure d’atteindre ce seuil plusieurs fois par minute.

La réussite des scientifiques américains est toutefois très encourageante pour la suite des recherches dans ce domaine, et devrait permettre d’accélérer le développement de ce soleil artificiel, qui serait grandement salvateur pour l’humanité et la planète.