L’entrepreneur français, connu pour ses prises de position en faveur des libertés numériques, aurait-il récolté des données illégalement, dans le but de fournir des services d’intelligence économique à ses clients ? C’est ce qu’affirme POLITICO, dans une longue enquête consacrée aux activités d’Altrnativ. Cette start-up de cybersécurité, fondée en 2020 par Eric Léandri, l’ex-patron de Qwant, qu’il a cofondé, aurait effectué diverses missions pour des gouvernements autoritaires africains et des entreprises françaises d’armement.

L’entrepreneur français s’était imposé comme un des fers de lance de l’excellence européenne dans le secteur de la technologie. Qwant, moteur de recherche français créé en 2011, se voulait être un garant de la vie privée de ses utilisateurs, contrairement à ses concurrents américains, Google et Bing.

L’entreprise avait obtenu plus de 50 millions d’euros de subventions de la part de l’Etat français et de l’Union Européenne. De nombreuses figures politiques, dont Emmanuel Macron, louaient publiquement l’initiative novatrice d’Eric Léandri. Mais ce dernier a finalement été contraint de démissionner en 2020, suite à la mise au jour des difficultés financières de Qwant.

Peu après son départ, Eric Léandri fonda Altrnativ. L’entreprise propose une gamme de solutions, fondée sur la collecte et l’exploitation de données en open source pour protéger les utilisateurs des menaces cybers et sécuriser leurs infrastructures.

Pourtant, l’enquête de POLITICO révèle que certaines données utilisées par la start-up auraient potentiellement été collectées hors du cadre réglementaire fixé par le Règlement général sur la protection des données (RGPD). Alternativ aurait ainsi mis « sous surveillance », un lexique depuis récusé par Éric Léandri, plusieurs individus, dont l’eurodéputé insoumise Manon Aubry pour le compte de LVMH ou des sympathisants CGT, pour l’entreprise agroalimentaire Lesieur.

Les finalités de ces missions sont également sujettes à la controverse. Une opération menée pour Naval Group aurait consisté à identifier les collaborateurs loyaux et déloyaux, parmi les équipes françaises et australiennes, dans le contexte de la crise des contrats de sous-marins, survenue en septembre 2021.

Un autre projet, en collaboration avec Dassault, aurait servi à collecter des données personnelles sur des candidats nord-africains, pour s’assurer qu’ils n’entretenaient aucune collusion avec les services de renseignement de leur pays d’origine. D’autres documents montrent qu’Alternativ a tenté de vendre des logiciels et matériels de cyberespionnage à des dictatures africaines.

L’ensemble des accusations ont été contestées par le principal intéressé. Il estime que les faits relatés ne constituent que des « tests » ou n’ont tout simplement jamais existé. De telles révélations poussent à s’interroger sur l’émergence des entreprises de cybersurveillance et démontrent la nécessité de protéger les utilisateurs.