L’année 2020 a été un désastre pour l’économie mondiale et il y a peu de chance que les effluves de la pandémie de Covid-19 s’arrêtent le 31 décembre à minuit. En ces temps troublés, des secteurs entiers comme le voyage et l’événementiel ont été laminés et l’hécatombe va se poursuivre, touchant de plus en plus de sociétés.

L’épidémie a précipité les états dans des confinements généralisés dans lesquels nous grenouillons encore, faisant dire à Jesko Perrey, Senior Partner chez McKinsey que la situation a provoqué un “changement irréversible » chez le consommateur. Ces derniers migrent vers l’e-commerce, générant une croissance de 20% à 40% des achats en ligne cette année. Ce même Jesko Perrey précise également que les entreprises subissent un “choc de loyauté”, une expression faisant écho au comportement des consommateurs qui modifient leurs pratiques d’achat, optant pour d’autres marques que celles vers lesquelles ils se tournaient jusqu’à alors.

Ce choc de loyauté est à mettre en perspective avec la logique de “care” dans les organisations. Une étude Kantar a ainsi révélé que 78 % des consommateurs souhaitent que les entreprises prennent soin de la santé de leurs employés en cette période.

Dans ce contexte de pandémie mondiale qui a eu des conséquences profondes sur les mentalités, les pratiques et usages, un formidable élan populaire contre les discriminations et le racisme a également émergé réclamant plus de justice et d’équité.

Le cabinet Forrester s’est appuyé sur une année de recherche pour identifier les principaux éléments déterminants chez les marques et leurs évolutions en 2020, invitant un panel d’experts (dirigeants et esprits affutés issus des meilleures agences, cabinets de conseil…) pour compléter l’analyse. Ont émergé 6 noms : 4 marques “traditionnelles” et 2 marques “non conventionnelles” sur lesquelles nous nous proposons de revenir.

TikTok génère de la culture

Qui aurait misé sur un homme -cool- d’âge moyen, crâne rasé, deux énormes plûmes tatouées sur l’arrière de la tête, moustache au vent sur son skate, sirotant son jus de canneberge avec le ciel bleu en arrière-plan pour matérialiser le Zeitgeist de sociétés dealant avec une pandémie mondiale ? Ça pourrait prêter à sourire mais l’impact de la vidéo a propulsé un titre vieux de 43 ans dans les premières places du Hot 100 de Billboard et explosé les ventes de la marque de jus Ocean Spray.

@420doggface208Morning vibe #420souljahz #ec #feelinggood #h2o #cloud9 #happyhippie #worldpeace #king #peaceup #merch #tacos #waterislife #high #morning #710 #cloud9♬ Dreams (2004 Remaster) – Fleetwood Mac

Ça situe assez rapidement l’impact du réseau social TikTok en 2020. La croissance de la plateforme ne s’arrête pas et est en bonne voie pour atteindre le milliard d’utilisateurs, ce que Facebook et Instagram ont respectivement mis 4 et 6 ans à faire.

Walmart investit pour réussir

Comme le rappelle Forester, Walmart a dominé la vente physique avec des prix bas, une chaîne d’approvisionnement au poil et une implantation maillant bien le territoire. Ces investissements numériques ces dernières années ont logiquement payé lorsque la crise sanitaire a débuté. L’organisation était alors prête. Sa transformation digitale accélérée par la crise a été un succès et démontre que la taille n’est pas une excuse pour le manque d’agilité. La stratégie de Walmart a été plutôt fine en voyant l’opération comme un processus de plusieurs années plutôt que comme un changement brusque, s’appuyant sur un partenariat de 5 ans avec Microsoft et montant en compétence sur le e-commerce “grâce à plusieurs acquisitions astucieuses comme celle de Jet.com”, selon le rapport.

La marque a également embrassé l’époque, réagissant rapidement aux fusillades de masse en modifiant son inventaire de munition, faisant un rapide statement lors des mouvements antiracistes portés par Black Live Matter en 2020 mais également en mettant en place une politique volontariste de protection de ses employés face à la Covid-19.

Côté chiffre, ça roule plutôt bien : la marque boucle un troisième trimestre en progression en augmentant, ses ventes, son CA et son bénéfice par action.

White Claw brise les limites

Une société relativement inconnue qui lance une marque de boisson alcoolisée à l’eau de Seltz, ouvre du même coup un marché et en prend la plus grosse part, après tout pourquoi pas, 2020 est riche en surprises. Le marché pèse aujourd’hui 550 millions de dollars (les prévisions donnent 2,5 milliards de dollars d’ici 2021) et la marque White Claw qui se l’est créée comme une grande en est le leader avec une part de 41%.

Selon Forrester, son succès repose sur son message en rupture avec les clichés de genres dont peinent à se sortir les marques historiques. White Claw est arrivé au bon moment dans une société qui évolue, à la fois témoignage des changements et bénéficiaire des tendances culturelles. Avec un marketing basé sur l’user generated content plutôt que sur des campagnes traditionnelles, les produits se sont rapidement imposés dans les rayons.

Lululemon peut se permettre de flex

La marque de tenue sportive (surtout du Yoga) qui a subit couac par le passé renaît de ses cendres beaucoup plus mature en 2020. Portée par le confinement et l’inclinaison vers le sport en intérieur, Lululemon a cartonné en ligne. Selon BrandZ, Lululemon est la troisième du classement de toutes les marques mesurées sur la Brand Value en 2020 (+40%), loin devant Nike ou Under Armour en matière de croissance sur la période.

étude lululemon

Son expérience omnicanale a été conçue pour « inspirer, provoquer et célébrer » à l’exemple des listes d’attente virtuelles pendant la pandémie, notifiant les clients lorsqu’ils peuvent entrer dans un magasin à capacité limitée. À cela s’ajoute la gestion de ses employés boutiques dont l’organisation a maintenu la paye tout en les repositionnant dans un rôle “virtuel” pour densifier l’expérience client en ligne.

2 marques non traditionnelles qui ont éclaboussé 2020

Comme le précise Forrester, une marque fait souvent référence à une entreprise ou à minima une organisation, souvent commerciale. Mais le termes est polysémique, il n’y a qu’à regarder la “marque” Cristiano Ronaldo ou un parti politique…

Le rapport revient donc sur deux marques non traditionnelles qui ont fait 2020.

Les femmes leaders qui sortent en triomphe de l’adversité

Forrester pointe que si l’épidémie de Covid fait toujours rage, les pays qui s’en sont le mieux sortis ont pour dénominateur commun d’être dirigés par des femmes, dont l’exemple de Jacinda Ardern en Nouvelle-Zélande est le plus visible. Loin d’être un cas unique, une étude analysant 194 pays a montré que « les femmes dirigeantes ont réagi plus rapidement et de manière plus décisive … cela a certainement aidé ces pays à sauver des vies ».

Black Lives Matter (BLM) remodèle les valeurs des marques

Le mouvement créé par Patrisse Cullors, Alicia Garza et Opal Tometti en réaction au meurtre de Trayvon Martin est devenu un cri de ralliement mondial contre les exactions et brutalités racistes de la police. Même si le mouvement est décentralisé, elle impacte profondément la société et les entreprises, en témoignent des organisations comme Citigroup, HBO, Nordstrom et Walmart qui ont reconnu la légitimité du mouvement et se sont engagées en tant qu’alliés. Oscar Yuan d’Ipsos Strategy3 explique : « Les entreprises avaient l’habitude de rester en dehors de la politique, mais c’est la première fois qu’elles ont commencé à sortir et raconter quelque chose ».